Dans tous les pays du Commonwealth, le coquelicot symbolise le sacrifice des soldats tombés sur les champs de bataille lors de la Première Guerre mondiale. De nos jours encore, le Poppy se porte le 11 novembre, accroché côté cœur pour perpétuer le souvenir des militaires, victimes de la première boucherie du XXe siècle.

En 1915, John McCrae, médecin biologiste, lieutenant-colonel de la Canadian Expeditionary Force s’engage dans la bataille des Flandres. À Ypres, le 22 avril, l’armée allemande utilise, massivement, pour la première fois des gaz asphyxiants. Le long de la ligne de front, 150 tonnes de chlore sont libérées. Dans les tranchées, les soldats suffoquent. John McCrae soigne des centaines de soldats, constate des dizaines de décès. Il écrit à sa mère : “J’ai l’impression de vivre un cauchemar. Les combats sont horribles. Pendant 17 jours et 17 nuits, aucun d’entre nous n’a pu changer de vêtements, ni même enlever ses bottes, si ce n’est qu’à l’occasion. Pendant tout ce temps où je n’ai pas dormi, le bruit des fusils et des mitrailleuses n’a jamais cessé, si ce n’est que durant 60 secondes (…) et comme toile de fond permanente, il y a la vue des morts, des blessés, des mutilés et la terrible angoisse que la ligne cède. (Prescott. In Flanders Fields : The Story of John McCrae)
Au champ d’honneur
John McCrae ne peut sauver l’un de ses meilleurs amis, le lieutenant Helmer. Alexis Helmer, 22 ans, est enterré le 2 mai, dans une rangée de tombes entre lesquelles sont apparus des coquelicots. Profondément marqué par cette disparition, John écrit un poème “Au champ d’honneur” inspiré par ces fleurs qui poussent là où les obus n’ont laissé que cratères et terres dévastées. Rouges comme le sang versé, les poppies fleurissent après les batailles, car la graine peut rester enfouie de nombreuses années avant de germer sur une terre remuée.
Le poème
Dans les champs de Flandre, les coquelicots fleurissent
Entre les croix qui, une rangée après l’autre,
Marquent notre place ; et dans le ciel,
Les alouettes, chantant valeureusement encore, sillonnent,
À peine audibles parmi les canons qui tonnent.
Nous, les morts, il y a quelques jours encore,
Nous vivions, goûtions l’aurore, contemplions les couchers de soleil,
Nous aimions et étions aimés ; aujourd’hui, nous voici gisant
Dans les champs de Flandre.
Reprenez notre combat contre l’ennemi :
À vous, de nos mains tremblantes, nous tendons
le flambeau ; faites-le vôtre et portez-le bien haut.
Si vous nous laissez tomber, nous qui mourons,
Nous ne trouverons pas le repos, bien que les coquelicots fleurissent
Dans les champs de Flandre.
John McCrea
Vous pouvez aussi écouter ce poème lu par Léonard Cohen ci-dessous.
Une affaire de femmes
Moina Michael, professeur à l’Université de Georgie, découvre le poème de John McCrea quelques jours avant l’Armistice de 1918. Émue, elle prend la plume et écrit à son tour un poème “We shall keep the faith” où elle promet de porter un coquelicot en souvenir des soldats disparus. Moina porte chaque jour un coquelicot de papier à la boutonnière. En 1920, une Française, Anne Guérin, découvre l’initiative de Moina Michael, l’adopte et développe l’idée. Elle fait réaliser des coquelicots artificiels, les vend pour recueillir de l’argent en faveur des enfants français orphelins, sans ressources. Le maréchal britannique Douglas Haig reprend l’idée de Mme Guérin. Douglas Haig contribue à la création de l’organisation British Poppy Day Appeal et réunit des fonds pour aider les anciens combattants invalides et démunis. Au Canada, les premiers coquelicots de papier apparaissent eux aussi, en 1921. Depuis lors, on arbore le coquelicot le jour de l’Armistice dans les pays du Commonwealth.
In Memoriam John McCrae

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