Solanum melongena, c’est le nom latin de l’aubergine, un légume-fruit originaire d’Extrême-Orient devenu l’emblème de la cuisine de la Méditerranée. L’aubergine a parcouru du chemin. La plante sauvage dont elle est issue poussait au Moyen-Orient et en Afrique de l’Est avant d’être transportée en Asie du Sud-Est où elle fut domestiquée il y a cela 3 ou 4000 ans. Puis, les cultivateurs font grossir ses fruits par sélection en Inde, en Birmanie et dans le sud de la Chine.
En Afrique tropicale pousse une autre espèce bien différente Solanum aethiopicum qui produit un fruit rouge foncé et amer qu’on utilise dans les sauces, et qui traverse l’Atlantique dans les bagages des esclaves africains vers le Brésil.
L’Antiquité ne connaît pas l’aubergine qui viendra de Perse via les commerçants arabes au Xe siècle. Elle parvient alors en Andalousie, mais ne conquiert le reste de l’Europe que cinq siècles plus tard, un peu avant l’entrée des autres solanacées rapportées des Amériques par les conquistadors. On ne peut pas dire qu’elle bénéficia d’un apriori favorable la pauvre ! On s’en méfie, car en matière de solanacées, on ne connaît en Europe que des plantes toxiques, les “herbes à sorcières”, comme la belladone, le datura ou la mandragore…
La voici baptisée mala insana ou pomme malsaine dans le sens de pomme folle, car les médecins de la fin du Moyen-âge et de la Renaissance la soupçonnaient d’être la cause de “la mélancolie aiguë”. Son goût amer la desservait. Même Hildegarde de Bingen, nonne allemande du Moyen-âge ne reconnaissait qu’une vertu à l’aubergine : celle de lutter contre l’épilepsie.
Un chemin ardu, mais victorieux
Au début du XVIIe siècle, la tendance commence à s’inverser. Des jardiniers lui trouvent un charme ornemental et on lui attribue des vertus aphrodisiaques. Sa culture démarre en Provence, mais il faut encore attendre 1750 pour qu’apparaisse le mot “aubergine” dans la langue française. Il lui vient du catalan alberginia, lui-même issu de l’arabe al-badindjan. Au XVIIIe siècle, elle entre timidement dans la cuisine en Amérique du Nord, mais on ne la trouve à Paris sur les marchés qu’au début du XIXe.
Pour la pauvrette, la route est longue ! Si les pourtours de la Méditerranée l’adoptent à cette époque, en particulier la cuisine ottomane, le reste du continent européen continue de la bouder dans les livres de cuisine. Pourtant, les pays de la Méditerranée inventent la moussaka, le baba ganoush ou caviar d’aubergine et les aubergines confites au miel qui sont des délices !
Enfin, au XXe siècle, on compte 150 variétés en Europe, et l’aubergine a enfin les honneurs de nos étals.
Cultiver l’aubergine
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- L’aubergine se plaît dans une terre riche et bien drainée.
- Mettez-la au soleil dans un endroit chaud du jardin ou dans une serre si vous habitez une région un peu fraîche.
- Semez deux ou trois graines par godet. Placez sous serre dès janvier ou attendez le début du printemps. Bien sûr, les pépiniéristes vendent des godets à repiquer au printemps.
- Repiquez en pleine terre lorsque le plant a 4 à 5 feuilles et qu’il mesure une quinzaine de centimètres. Attendez que les saints de glace soient passés !
- Pour obtenir 7 à 8 fruits par pied, coupez les pousses latérales, conservez 3 ou 4 rameaux bien développés et, dès qu’ils ont deux fleurs, taillez au-dessus de la deuxième fleur.
- Nourrissez bien la terre, surtout si vous la plantez dans un grand pot. L’aubergine aime la potasse.
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- Arrosez régulièrement, mais pas trop abondamment et de préférence le matin pour éviter le développement de maladies liées à l’humidité nocturne.
- Comptez cinq mois après le semis pour la récolte qui se fait de juin à octobre. Récoltez lorsque le fruit est bien lisse, mais que sa couleur reste vive. Dès qu’il tire vers le marron, l’amertume remonte et le fruit devient filandreux.
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Cuisiner l’aubergine
L’aubergine ne se consomme que cuite, crue elle est absolument indigeste. Elle a des saveurs proches du champignon sauvage et une particularité, c’est une éponge à graisse. Peu calorique, c’est donc la quantité de graisse dans laquelle vous la cuirez qui la chargera plus ou moins. Grillée, rôtie, sautée ou frite, elle se plie à toutes les fantaisies. La seule cuisson déconseillée, c’est la vapeur qui la remplit d’eau et lui fait perdre toute saveur.
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