Raymond Isidore, surnommé Picassiette (« le Picasso de l’assiette ») est bien connu pour sa maisonnette de Chartres, entièrement recouverte de fleurs et de mosaïques de faïence et de verre. Un chef-d’œuvre d’art brut qui comporte aussi un jardin. Ce lieu merveilleux et insolite est à découvrir jusqu’à fin novembre.
Raymond le miraculé
Né en 1900 dans une famille miséreuse de huit enfants, Raymond Isidore connaît une enfance difficile et… un peu magique. Aveugle de naissance, il aurait retrouvé la vue dans la cathédrale de Chartres, avec comme première vision, ses vitraux. De quoi déclencher une vocation… Désormais, Raymond ne vivra plus que par la couleur.
En 1929, alors qu’il est devenu balayeur du cimetière (après un certificat d’études et plusieurs petits boulots), il achète une parcelle tout près, rue du Repos. En un an, il y construit sa minuscule maison, sans eau courante ni commodités. Puis il décide de la décorer. Projet auquel il consacrera sa vie entière.
Fleurs blanches et bouts de vaisselles
Au début, pour honorer Adrienne, sa femme, ce sont des centaines de fleurs blanches et jaunes, narcisses ou pervenches, qui entre autres motifs envahissent la cuisine, du sol au plafond. Poêle, table et vaisselier compris. Un goût pour la peinture et la mosaïque qui ne devait bientôt plus connaître de limite. Ces débris de verre ou de céramiques glanés dans les champs ou les décharges donneront naissance à tout un univers d’architectures, de personnages mystiques un peu mystérieux qui peuplent tour à tour la chambre, le jardin d’hiver, la chapelle, la Cour noire, la grotte… « Un labeur de 29 000 heures pour lequel il manipula 4 millions de débris de vaisselle, soit 15 tonnes » témoigne la veuve de Raymond après sa mort.
Papillons, cerfs, charmeuse d’oiseaux…
Raymond et Adrienne affectionnaient les plantes et les animaux que l’on retrouve à de nombreuses reprises dans les mosaïques : corolles, vases de fleurs, papillons, hirondelles, cygnes, cerfs, chevreuils, ânes, brebis, lapins… Comme le poêle et la machine à coudre qui connurent un destin mosaïqué, l’entrée de la maison s’orne d’un petit arrosoir et d’une mini-brouette en ciment et éclats d’assiettes. Tandis que plus loin, une charmeuse d’oiseaux lève le bras vers une petite créature à plumes.
Le Jardin du Paradis
Au fond de la parcelle se trouve le Jardin du Paradis avec, actuellement, des graminées et des fleurs à dominante rouge ou rose. La première partie est « à l’anglaise », tout en sinuosités. Elle s’orne de nombreuses sculptures : la Grande Déesse, Mère Nature et sa robe fleurie, un buste de Pasteur, la tour Eiffel ! Puis c’est un jardin à la française avec son bassin et le Trône de l’Esprit du Ciel adossé au grand Mur de Jérusalem.
Le long de la maison, poussaient aussi de nombreuses plantes en pot. Interrogé et filmé par Luis Armando Roche, en 1965, Raymond alias Picassiette répond « J’ai plusieurs plantes mises un peu au hasard, comme ça, parce que je les mélange toutes. Je mélange les couleurs : le jaune d’or, le rose, le bleu ciel, le bleu roi. Des couleurs que j’admire et qui étincellent. ». Puis devant des roses « Le rouge, c’est l’écarlate, la couleur du sang. Le jaune, c’est joyeux, un peu. Chaque couleur doit avoir son symbole ». Ailleurs encore, il dira “Mon jardin, c’est le rêve réalisé, le rêve de la vie où l’on vit en esprit dans l’éternité”. Bien inspiré et bien savant, notre Raymond !
Infos pratiques
La maison et le jardin Picassiette sont ouverts jusqu’au 30 novembre. Jusqu’au 30 octobre 2023 : exposition (dans le jardin) des photos que Robert Doisneau fit du lieu et de ses habitants. Intéressantes visites guidées (sur réservation). Pour plus d’infos, cliquez ICI