Elle s’était jurée de ne jamais reprendre l’activité familiale. Jamais… Vingt ans plus tard, Lore Camillo est à la tête des Poteries d’Albi. Elle y crée les collections de poteries émaillées, distribuées par toutes les enseignes de jardineries. Interview d’une passionnée qui milite pour la transmission d’un si précieux savoir-faire.
Hortus Focus. Pouvez-vous nous résumer l’histoire de votre entreprise ?
Lore Camillo. La première briqueterie Bergeal a été créée en 1891, à Lescure d’Albi (Tarn). En 1955, mes grands-parents ont quitté le village familial. Mon grand-père avait cinq frères, ils ne pouvaient pas tous travailler sur la même exploitation. Ils se sont donc installés à Albi et sont devenus potiers, car des tourneurs voulaient transmettre leur savoir-faire. Elisabeth et Bernard, mes parents, ont rebaptisé Bergeal en Poterie d’Albi dans les années 70. Entre la créativité de ma mère et la rigueur de gestion de mon père, l’entreprise labellisée EFV (Entreprise familiale centenaire) a connu un fort développement, parallèle à celui des jardineries. Jardiland a été la première enseigne à nous distribuer.
Comment vous inscrivez-vous dans cette histoire familiale ?
Je suis diplômée d’école de commerce et ne voulais pas reprendre la société, ne pas travailler avec mes parents. Et puis, ils ont créé une autre société, Poterie Clair de terre dont ils m’ont confié les clés en 1997. Je me suis spécialisée moi aussi dans les poteries émaillées, mais, à l’inverse de ma mère qui aime le monochrome et le rendu brillant, j’ai travaillé la polychromie, le mat et le satiné. En 2015, mes parents ont pris leur retraite et nous avons fusionné les deux entreprises, nos deux styles et nos deux savoir-faire.
Pourquoi vous appelle-t-on parfois “La dernière des Mohicans” ?
Nous sommes les derniers, avec Goicoechea, Ravel et Anduze, à produire l’intégralité de nos poteries à la main et en France. Notre problème commun, mon crédo c’est la transmission du savoir-faire. Il ne faut pas que les gestes ancestraux et la technique se perdent. La poterie, c’est un métier merveilleux, mais très difficile, il faut le dire. Il faut parvenir à former des jeunes, à les accompagner, les aider à être courageux et persévérants, à tenir bon dans l’apprentissage.
Qu’est-ce qui est difficile dans ce métier ?
L’acquisition des gestes. Il faut environ trois ans pour apprivoiser les gestes. On apprend, par exemple, au début, à centrer la terre. Ça a l’air facile, comme ça… mais le geste doit être répété inlassablement des milliers et des milliers de fois avant d’être acquis. Et là, je vous parle d’une petite pièce. Quand il s’agit de fabriquer des grosses pièces, le travail est non seulement plus difficile, mais il est également plus dur physiquement. Tous nos produits sont fabriqués à la main. Il faut entre 10 et 15 jours pour qu’une pièce soit prête à être vendue. On ne peut pas réduire les délais, je ne cesse de l’expliquer aux acheteurs.
Vous créez chaque année des collections. Où trouvez-vous votre inspiration ? Les goûts des clients évoluent-ils rapidement ?
Je m’inspire des tendances indoor mais aussi du prêt-à-porter pour les couleurs. Je dessine et nous travaillons ensuite sur des échantillons. Toutes mes idées ne sont pas forcément retenues au final ! Depuis dix-huit mois, j’observe un retour aux courbes, aux formes plus rondes, plus douces ; une masculinisation, un rajeunissement de la clientèle et un regain d’intérêt pour ce fait main qui est le nôtre.
Êtes-vous inquiète pour l’avenir ?
Oui et non. Non parce que j’ai la grande chance d’être entourée par une équipe soudée, imaginative, talentueuse et courageuse. L’humain est notre force. Sur notre nouveau site internet, j’ai tenu à ce qu’ils soient tous en photo, que l’on connaisse leur travail, que l’on sache qui est derrière chacune de nos poteries. Et oui, je suis inquiète pour l’avenir des petites entreprises comme la nôtre (ndlr : elle emploie une vingtaine de personnes et 13 commerciaux). D’ici quelques années, 50% des petites entreprises à reprendre ne le seront pas. Manque d’envie, fiscalité trop lourde et surtout perte du savoir-faire…
Précautions hivernalesLes poteries émaillées sont cuites à 1050 °C. Elles peuvent être utilisées à l’intérieur et à l’extérieur. Mais attention si vous les laissez dehors l’hiver. Il faut absolument les protéger, les envelopper dans du papier bulle (par exemple) et habiller le pied des plantes avec un paillage. |
Les Poteries d’Albi sont disponibles dans environ 700 points de vente, sur le site internet de l’entreprise et au magasin (112, avenue Albert Thomas, 81000 Albi).