Aujourd’hui, c’est mon anniversaire, donc je fais ce que je veux. Y compris écrire sur les clématites de mon jardin dont bon nombre viennent des pépinières Travers et que je regarde vivre, évoluer, virevolter, crapahuter dans un état quasi extatique (contrairement à la déprime profonde dans laquelle me plonge la contemplation d’une vivace dont le nom commence par b et se termine par a).
Je vais souvent parler ici d’Arnaud Travers. Mon amour pour les clématites et leur nombre dans mon petit jardin de ville lui doivent beaucoup. Notre rencontre date de ma période “rédac chef à l’Ami des Jardins”. À l’époque, j’avais un jardin ou plutôt un terrain de foot avec gazon troué, trois arbustes et quatre vivaces suffisamment vaillantes (ou orgueilleuses !) pour résister aux dribbles et tirs pas franchement cadrés de mes gamins. Les vieux – et toujours malades – rosiers ‘Mme Meilland’ installés comme une séparation avec le jardin voisin se chargeaient de temps à autre de me venger en crevant un ballon (mais bonjour la sérénade en ut majeur des petits footeux !).
Un jour, j’ai fini par arrêter d’embêter mes garçons avec mes “Attention aux fleurs !!!” lancés du balcon. J’ai pris mon parti de leurs chuchotements du genre : “Oh la la, elle va pas être contente Môman, tu lui as cassé une tulipe, ça va barder, attends on va essayer de la replanter”. C’était si mignon. J’ai pris mon mal en patience et attendu le passage obligé vers le stade, le vrai, le grand.
Et survint le coup de foudre !
À partir de là, j’ai commencé à planter. Un peu de tout, pas forcément bien d’ailleurs. J’avais envie d’une jungle, d’un jardin un peu foutraque (comme mon bureau quoi !). Envie de plantes cavaleuses, surprenantes, généreuses, escaladeuses pour mettre un joli bazar dans des arbustes, certes beaux, mais sans surprise. Et c’est à Saint-Jean de Beauregard, lors de l’une de mes rares sorties en dehors du magazine (eh oui, un(e) rédac chef, c’est plus souvent le derrière vissé sur son fauteuil qu’en goguette, je vous l’affirme) que la rencontre miraculeuse s’est produite. Je suis restée scotchée devant le stand d’Arnaud. C’est bête hein ? Elles étaient là, sous mon nez, celles dont je rêvais. Elles étaient blanches, roses de toutes nuances, violettes, pourpres, sages, froufroutantes, à grandes fleurs, à clochettes. Elles étaient alignées comme à la parade, prêtes à rejoindre la voiture puis le jardin.
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Je me suis présentée à Arnaud et suis repartie, surprise ! (et encore merci), avec une clématite en cadeau (la première d’une petite collection) et de précieux conseils sur la plantation (“on creuse un gros trou, on installe une couche drainante, on couche la motte et on enterre 15 à 20 cm de tiges pour inciter la plante à faire de nouvelles pousses”), l’exposition (“les pieds au frais, la tête au soleil”), l’arrosage (“jamais au pied, malheureuse !”) etc… J’ai oublié de ranger son étiquette dans la boîte à étiquettes (je la retrouverai peut être un jour sur mon bureau, allez savoir…), mais je n’ai jamais oublié son nom : ‘Multiblue’, une clématite à fleurs doubles issue de ‘The Président’ qui l’a rejointe l’année suivante.
Même en hiver…
Quelque temps plus tard, Arnaud m’a proposé de tester chez moi une clématite à floraison hivernale, la fameuse Clematis cirrhosa ‘Balearica’. Sur le moment, je fus très enquiquinée. Où allais-je bien pouvoir planter cette nouvelle beauté, aux fleurs crème éclaboussée de pourpre à l’intérieur ? Plus guère de place dans mon petit paradis désormais bien achalandé. Impossible de la planter ailleurs que dans le bas du jardin, au pied d’un vieux rosier moche, rouge pompier, héritage des précédents propriétaires que je déteste (le rosier pas les propriétaires !), mais je suis comme Idéfix, le chien d’Obélix, qui ne supporte pas qu’on tue des arbres. Ça me fait glapir, non, ça me fait pleurer. Bref, en l’installant dans cet endroit plus humide que sec, au bout d’une légère pente de mon paradis encombré, je repense à ce qu’a dit Arnaud : “Pas trop d’humidité au pied, souviens-toi !”. Oui, chef, bien chef… Aïe, aïe, aïe, et si elle me faisait le coup de pourrir sur pied ? Un an plus tard (et encore aujourd’hui), cette clématite est l’une des plus belles du jardin. J’adore mettre mon nez dans ses clochettes au léger parfum de vanille. De plus, elle a réussi à me faire oublier le rosier laid qu’elle a super colonisé ! Pour l’anecdote, lors d’une discussion avec Arnaud, il m’a confié que la sienne, installée je ne sais plus où chez lui à la même époque, avait passé l’arme à gauche. Je ne vous dis pas comment j’ai fait ma crâneuse ce jour-là !
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Collectionnite très aigüe !
Dans mon jardin, je ne compte même plus les clématites. Comme j’ai gardé (presque) toutes les étiquettes, je sais que je suis à la tête d’une jolie tribu de cavaleuses : ‘Josephine’, ‘Arctic Queen’, ‘Crystal Fountain’, ‘Diana’s Delight’, ‘Nelly Moser’, ‘Piilu’… ravissent mes printemps. Puis, ‘Caroline’, ‘Rouge Cardinal’, Tie Dye’ (ah celle-là avec son violet marbré de blanc !) pour ne citer qu’elles, prennent le relais. Et quand je vois les premières fleurs de ‘Honora’ se mêler au feuillage pourpre du noisetier tortueux, je défaille (vite, mes sels !). J’aime aussi observer le changement de couleur de la Clematis recta ‘Purpurea’. Les tiges naissent pourpres avant de passer au vert gris. Entre les deux, la floraison en centaines de petites fleurs blanches est époustouflante. Et que dire des C. tangutica… Les clochettes jaunes à l’intérieur, oranges à l’extérieur de ‘My Angel’ ont envahi un céanothe mal en point, ‘Golden Tiara’ se partage entre un vieux lilas et un forsythia que je conserve, car sa floraison me fait dire chaque année : “Ouf, l’hiver s’achève”.
Toutes sauf une !
Mais les clématites me posent un sérieux problème… Toute collectionnite aiguë a des limites. Les miennes, ce sont les dimensions de mon jardin. Et c’est dommage. Quand je vois certaines texensis, viticella, alpina, montana, je bave d’envie. Quand je vois ‘Pistachio’ ou ‘Bourbon’, je préfère détourner le regard. Les seules que je n’aime pas, ce sont les heracleifolia. J’ai eu le malheur de prélever une bouture de l’espèce type, celle qui pousse un peu partout en sauvageonne et de l’installer dans mon jardin. Cette clématite-là est une peste, je passe ma vie à lui zigouiller les tiges. Elle a même réussi pendant des vacances à faire crever deux branches de mon jeune albizia (elle les a étouffées cette saleté), à crapahuter jusqu’au haut du sureau ‘Black Lace’, à se faufiler aux endroits les plus improbables. Je voudrais lui faire sa fête, mais elle est tellement bien enracinée qu’à coup sûr, l’hydrangea ‘Vanille Fraise’ d’à côté y laissera sa vie… Donc, je zigouille les rejets. Méthodiquement. En râlant.
Cette année, promis, pas d’achat de clématite(s). À moins que mon ego ne résiste pas à la tentation d’acquérir une ‘Isabella’, nouvelle obtention d’Arnaud qui propose également deux nouvelles variétés craquantes à fleurs doubles ‘Green Passion’ et ‘Red Passion’. “Allo, le docteur des Cinglés de clématites ? Vous avez un vaccin contre la collectionnite ? Oui, merci, ça devient urgent…”
Toutes les clématites citées dans cet article (enfin, je crois) sont disponibles aux pépinières Travers. Catalogue à consulter ICI. Et tout plein d’autres jolies grimpantes à découvrir…
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