Environnement : de quoi parle t-on ?

Environnement, de quoi parle t-on
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Environnement : de quoi parle t-on ?
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L’environnement. Aujourd’hui 5 juin, est célébrée la Journée mondiale de l’environnement. Que recouvre ce terme ? Est-il adapté à la réflexion que nous devons mener sur notre rapport au Vivant ? Vous allez me dire que ce n’est qu’un mot, oui, mais quel mot ?

De quoi parle-t-on ?

L’environnement est « l’ensemble des éléments qui entourent un individu ou une espèce et dont certains contribuent directement à subvenir à ses besoins »; on peut l’assimiler au milieu naturel.
Ou encore « l’ensemble des conditions naturelles et culturelles susceptibles d’agir sur les organismes vivants et les activités humaines » ; ce seront alors les composantes du milieu social et culturel.

Cette définition nous est proposée par Wikipédia et se confirme dans le Trésor de la Langue française informatisé.

Forêt de Sénart
©Isabelle Vauconsant

Qu’est-ce qui environne ?

C’est ce qui est autour, nous dit le Littré. Or ce qui est autour de moi m’est extérieur. N’est-ce pas ce qui a permis aux humains de se sentir différents du reste du Vivant ; et par extension, l’a conduit à s’imaginer tellement supérieur ?

Mais d’où ça vient ?

Pour les philosophes Rousseau, Locke ou Hobbes, l’état de nature s’apparente à l’idée du bon sauvage. Pour Hobbes, il s’agit même d’une nature mauvaise.

Ils associent l’état de nature à l’absence de règles et donc l’élévation du genre humain à la constitution d’un État de droit. Et cela lui apporte une supériorité sur tout ce qui l’entoure : l’environnement. Dès lors, il ne se soumet plus aux lois de la nature – sauvages, celles du plus fort – mais à la loi des humains.

Avant eux, Aristote, puis Thomas d’Aquin, avec la définition de l’homme social, avait fait sortir les êtres humains de l’état de nature.

Comme l’écrit le journaliste Hervé Kempf, « La pensée occidentale, nourrie aux sources grecques et judéo-chrétiennes, a défini l’Homme par opposition avec la nature. Après que le rationalisme a poussé cette conception à l’extrême, les penseurs cherchent aujourd’hui à renouer le lien ».

Environnement est-il donc le bon mot pour dire cette nouvelle pensée, celle d’Edgar Morin, de Bruno Latour ou de Baptiste Morizot ?

Pour Edgar Morin, la nature est en nous

« Nous la portons de façon inconsciente. La nature n’est pas seulement quelque chose qui nous englobe, qui nous enveloppe, c’est aussi quelque chose qui est à l’intérieur de nous. Tout ça relève de l’histoire de l’univers puisque nous savons que des atomes de carbone se sont formés dans un soleil antérieur au nôtre et que nos particules étaient peut-être présentes dès les débuts de l’Univers, il y a 13 000 000 000 d’années. Donc, nous avons le cosmos à l’intérieur de nous et c’est très important de le savoir pour avoir cette conscience écologique dont nous avons besoin maintenant. »

Pour Baptiste Morizot, “Il n’y a pas à sauver le climat, il ne craint rien”

Pourquoi ne craint-il rien ? Parce qu’il est. La planète subsistera aussi, c’est certain. Ce qui est en jeu, c’est le Vivant, un mot que Baptiste Morizot a choisi en lieu et place de nature ou d’environnement.

Ce mot évite l’opposition entre nature et culture. Il laisse une place à la culture, en tant qu’elle est la manifestation du vivant dans l’humain. Il refuse aussi l’opposition entre l’humain et son environnement.
Le Vivant englobe tous les organismes, maxis ou minis, toutes les espèces et la multiplicité des variétés. Par ce mot : Vivant, il définit aussi les évolutions et les dynamiques écologiques qui les animent, le tissage des interdépendances.

Panthera tigris tigris

Bruno Latour invite à décoloniser l’imaginaire dominant, ou moderne

Il propose de sortir de l’opposition entre société – au sens de la société humaine – et nature.

Pour lui, les modernes se sont construits sur cette opposition radicale. Ils ont fait fi des interactions entre nature et culture, entre nature et humains, les ignorant délibérément dans une logique de déni.

La nature comme imperfection

Ils ont préféré penser leur rapport à la nature sur le mode de la purification. Et cette position au cours du siècle dernier a accompagné le développement de l’hygiénisme. Tout ce qui était naturel était sale. Ce qui était sauvage était dangereux. On considérait que sans l’homme, la nature était incomplète ou inefficace.

Une fiction, un déni

Bruno Latour parle de déni de réalité et de fiction. Et cette fiction a donné naissance à une nature extérieure et objective. La science s’en est emparée et l’a envahi d’objets hybrides, entre nature et culture. Il cite pêle-mêle la pollution des rivières et des sols, la congélation des embryons, les capteurs robotisés… Cette écologie scientifique se pense comme une science de l’habitat.

Il nous encourage à politiser la science, au sens des communs partagés. Il nous invite à nous inscrire dans la nature et à n’en être pas extérieurs. Ceci pour sortir d’une relation extractivisme et d’usage des ressources naturelles, jusqu’à l’abus. Les interactions sont à la base de la biodiversité. Elles sont le moteur de la diversité et la diversification du vivant.

l'expo permanente à la cité des sciences et de l'industrie

L’humain est l’une des formes du Vivant

Descendre du podium et comprendre ce qui nous lie et ce qui nous porte, de ça dépend notre avenir. Car l’instabilité climatique sera supportable par la planète. Mais notre espèce survivra-t-elle à des épisodes climatiques violents ?

••• chaleurs et froids extrêmes ••• vents violents ••• sécheresses ou inondations dévastatrices •••

Saurons-nous organiser nos sociétés pour accueillir les réfugiés climatiques ? N’omettons pas l’idée que nous pourrions en être ! Si nous sommes en mesure de nous penser en interaction avec les autres, tous les autres, peut-être…

POUR ALLER PLUS LOIN

environnement et echoslogiques

Les échos logiques

Des Thierry(s) Dutoit, Gauquelin, Perez et Tatoni
26 chroniques critiques qui explorent les rapports entre l’humain, la société et l’environnement.
D’après la série de podcasts les Échos-logiques

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Ouvrir des fronts de luttes inter-espèces

Vipulan Puvaneswaran
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En quoi les conditions des travailleurs et celles des animaux se rejoignent-elles ?
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