Il y a quelques mois, nous avions rencontré Jean Jouzel qui contribuait à l’exposition Urgence climatique à la Cité des Sciences et de l’Industrie à Paris. Il nous confiait encourager chaque citoyen à l’action, car l’urgence s’accroit chaque jour davantage.
« La Tournée du Climat et de la Biodiversité est une occasion formidable pour les scientifiques de partager leurs résultats de recherche sur les enjeux climatiques et de biodiversité. Nous voulons encourager toutes les générations à se mettre en action autour de solutions concrètes, dans la vie de tous les jours ou dans un cadre professionnel. »
Encourager l’action
Fidèle à cette conviction, il contribue à la Tournée du Climat et de la Biodiversité. C’est une exposition itinérante qui fera escale dans plusieurs villes du territoire. Le lancement a eu lieu à Saint-Denis les 20 et 21 novembre, suivi d’un passage à Nantes les 23 et 24 novembre, puis à Brest, les du 26 au 28 novembre. En 2024, le tour de France continuera, deux jours dans chaque ville jusqu’en juin 2024. Il s’arrêtera dans des villes de dimensions diverses pour rencontrer les Français et leurs questions.
Des scientifiques et des institutions
• Un partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle,
• Des contributions de l’Office for Climate Education, d’experts de l’Office français de la biodiversité et d’un collectif de scientifiques.
Tout a été conçu pour que les échanges entre le public et les scientifiques soient faciles et fluides. Ouverte aux groupes scolaires, l’exposition est résolument pédagogique. Elle est aussi accessible à tous librement et sans inscription : vous pouvez venir seul, en famille, entre collègues ou amis…
Les Messagers du climat et de la biodiversité
Ce sont les scientifiques qui conçoivent les contenus de l’exposition et guident les visiteurs pour répondre à leurs questions. « Là est toute la spécificité de cette approche : les scientifiques contribuent à l’exposition de façon directe, et sont là, présents, pour répondre aux questions, interagir avec les visiteurs », souligne le climatologue Jean Jouzel, président de Météo et Climat et parrain de la Tournée.
Rencontre avec Patrick Bertuzzi,
ex-directeur veille agroclimatique à l’INRAE.
Quel est le lien entre climat et biodiversité ?
PB : Il est absolument intime et il s’est construit au fil du temps depuis l’origine. Ce qui est important à bien saisir, c’est que c’est une relation dynamique et cette dynamique est à l’échelle des évolutions naturelles du climat. Les écosystèmes sont en recherche permanente d’équilibre et donc adaptables plus ou moins rapidement, plus ou moins facilement au climat. Pourtant, la biodiversité est indispensable à la vie. Elle est à l’origine de la production d’oxygène, d’eau, de notre alimentation et de notre santé. La biodiversité, c’est aussi le paysage et les paysages, en France, on en est fier !
Les écosystèmes peuvent-ils toujours s’adapter ?
PB : On constate que certains écosystèmes sont à la peine, car les évolutions climatiques sont trop rapides. Par exemple, on prévoit un effondrement de la biodiversité dans les forêts tropicales en 2048 ; c’est demain ! En France, les arbres n’ont pas le temps de muter ou de se réimplanter plus haut. Pourtant, on voit arriver ce qu’on appelait des climats méditerranéens à la hauteur de Lyon pour bientôt. Les coraux meurent de chaud sur la barrière de corail. C’est la raison pour laquelle cette exposition itinérante est si importante. Il nous faut colporter les informations sérieuses et documentées.
La biodiversité change quand le climat change, l’inverse est vrai ?
PB : Bien entendu ! Si, comme on le prévoit, les principales espèces de feuillus actuellement sur notre territoire disparaissent peu à peu, l’évapotranspiration va en être impactée. Aujourd’hui, on parvient à projeter des évolutions décennales et faire prendre conscience de la situation à tous est impératif. On sait déjà qu’en 2100, le climat se sera réchauffé de plus de 2 °C.
L’interaction entre climat et biodiversité est continuelle. Les aléas climatiques sont constitués de petits évènements qui perturbent le cycle des plantes. D’amples variations de température, qu’on appelle variabilités interannuelles, bloquent les cultures et remettent en question notre alimentation.
La Tournée du climat et de la biodiversité traite t-elle de l’eau ?
PB : C’est un sujet central. Aujourd’hui, sur la planète l’eau est mal répartie. Il y en a trop ici, pas assez là. On en reçoit trop un jour et insuffisamment le lendemain. Mais aussi et surtout, nous expliquons au public que l’eau tombe sur des sols inappropriés. Ils sont trop artificiels et imperméables en milieu urbain. Ils sont vides et morts en zone de grandes cultures. Nous essayons de faire passer le message de l’agroécologie. Les haies, les arbres qui structurent les sols et rapportent la vie, conduisent aussi l’eau vers les nappes phréatiques. Et tous les agriculteurs devront y venir car ça n’a que des avantages.
Les sols et les sous-sols ont besoin d’eau pour y entretenir la vie et c’est une idée très courtermiste que de penser créer des bassines pour arroser. L’évaporation de cette eau conservée en surface est énorme. Le manque de cette eau en sous-sol est colossal et destructeur pour l’avenir.
Comment imaginez-vous le métier de paysan ?
PB : Conduire les cultures, qu’on parle de grande culture ou du potager, va être de plus en plus difficile. Ce qui est compliqué à expliquer dans le cadre de la Tournée du climat et de la biodiversité, c’est la gestion de l’inconnu. Ce que nous croyons savoir va être remis en question à chaque aléa climatique. Trop sèche, trop humide, toute plantation représente une prise de risque et une rencontre avec l’inexploré.
Ce qui est sûr, c’est qu’on n’a pas le choix : nous devons organiser le partage de l’eau.
Comment “vendre” la biodiversité aux agriculteurs de l’agrochimie ?
PB : La biodiversité est le meilleur allié de l’agriculteur pour mieux produire, mais aussi pour anticiper et réduire les risques. Et les pratiques d’agroécologie qui supposent une façon tout à fait différente d’aborder ce métier vont s’imposer de fait. Aujourd’hui, on étudie la capacité du sol à stocker l’eau, le sens du terrain, la qualité et la vie présente. On choisit alors l’amendement organique adapté. Mais pas seulement bien sûr ! La polyculture est une évidence pour éviter une prise de risque sur la totalité de la production d’une ferme. La monoculture est un non-sens face au climat comme aux maladies ou aux ravageurs.
Tout le monde parle de haies, l’expo aussi ?
PB : Oui, et pour une raison fondamentale : nous avons besoin d’abris pour les prédateurs des ravageurs. C’est la seule façon de réduire les pesticides qui appauvrissent les sols, car toute la vie y est détruite. C’est un moyen de refaire du stock de carbone, d’avoir du bois de chauffage. Le rôle des agriculteurs dans la réparation du climat est précisément de favoriser la biodiversité. Ils sont les alliés du bien mangé dès lors qu’ils rejoignent ce mouvement de l’agroécologie.
Dès 2024, suivez l’exposition et n’hésitez pas à rencontrer les scientifiques pour en savoir plus et mieux comprendre !