Le cèdre du Liban, préservé mais en danger

Forêt des cèdres de Dieu
Isabelle Morand

Il couvrait jadis une bonne partie des montagnes de l’actuel Liban. Mais le cèdre du Liban (Cedrus libani) au port magnifique a été victime de ses qualités et cela ne date pas d’hier. Les pharaons, les bateaux phéniciens et le temple de Salomon y sont pour quelque chose. Et pas qu’un peu. On en replante aujourd’hui au Liban, mais les arbres doivent y faire face au réchauffement climatique, un insecte ravageur et les incendies chaque année plus nombreux.

Cèdres de Dieu - Lebanon
©homocosmicos

Les Cèdres de Dieu

Classés, protégés, quelques 380 cèdres du Liban forment une minuscule forêt, posée comme une ponctuation verte tout en haut de la Qadisha, la Vallée Sainte libanaise réputée pour son érémitisme chrétien (au nord du pays). Passé le village de Bcharré, la route serpente jusqu’à atteindre ce lieu clôturé, inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1998. Aller saluer ses arbres magnifiques est émouvant. Deux d’entre eux ont plus de 3000 ans, dix sont millénaires, les 363 autres sont pluricentenaires. On se sent minuscule à leur pied, mais leur force transpire. Ces géants, vestiges d’immenses forêts, semblent veiller sur la Qadisha, ses habitants et leur histoire. C’est ici que se réfugièrent diverses communautés religieuses, notamment les maronites dont le patriarcat fut installé pendant 5 siècles au monastère Notre-Dame de Qannoubine

Une œuvre puissante

Au centre de cette forêt des Cèdres de Dieu, une œuvre puissante et particulière. On la doit à un sculpteur libanais, Rudy Rahmé qui donne une seconde vie à un cèdre de 3000 ans, mort foudroyé. Il faut prendre le temps d’observer cette sculpture où le sculpteur a “caché” des visages, des animaux, des corps en mouvement, et le Christ crucifié. 

En quittant la forêt, on peut soit redescendre à la découverte de la Qadisha, soit passer la montagne pour arriver sur le versant oriental de la montagne et la vallée de la Bekaa où aucun cèdre ne pousse… La crête est trop en altitude pour être franchie par Cedrus libani

©Fadidib
©Fadidib

Le cèdre du Liban, un arbre souverain

Il pousse entre 1500 et 2000 m et couvrait jadis la plupart des montagnes du Liban. Dans le passé, ses nombreuses qualités font de lui l’arbre… à abattre. Les Phéniciens utilisent son bois imputrescible, particulièrement résistant pour construire les bateaux et bâtir leur “empire” commercial. La navigation consiste principalement dans le cabotage le long des actuelles Turquie, Libye, Tunisie et jusqu’au sud de la péninsule ibérique. 

L’Égypte antique est folle du Cedrus libani. Le bois est utilisé dans la construction des sarcophages et l’embaumement des momies. 

Salomon, roi d’Israël, fils du roi David, fait édifier le premier Temple de Jérusalem. Hiram 1er, roi de Tyr (au sud de l’actuel Liban) lui envoie des architectes, des maçons et du bois qui sert à la charpente et la décoration intérieure. Détruit en – 587 avant J.-C. par les troupes de Nabuchodonosor II, le Second Temple de Jérusalem est bâti en – 516  et, là encore, le cèdre du Liban entre dans sa construction. 

Victime de son succès

Surexploitées, les forêts de cèdres fondent à vue d’œil déjà à l’époque des Phéniciens. Au Ier siècle après J.-C., l’Empereur Hadrien tente de protéger les cèdres rescapés en faisant installer des bornes interdisant de les couper. Rien n’y fait. La déforestation continue. Et les zones plantées de cèdres sont de plus en plus réduites. 

Son arrivée en Angleterre et en France

Messieurs les Anglais, plantez-les premiers ! C’est en 1638 que le premier cèdre du Liban est planté chez la perfide Albion. Plus précisément dans le jardin du presbytère du pasteur, et orientaliste de renom, Edward Pocock. Le pasteur rapporte un plan de cèdre de Constantinople (l’ancien nom d’Istanbul) où il vient de passer 4 ans.

Il faut attendre presque un siècle pour voir deux bébés cèdres arriver en France grâce au botaniste Bernard de Jussieu. Pour la petite histoire (ou la petite légende), les plants sont arrivés dans le chapeau de M. de Jussieu, leurs contenants d’origine s’étant brisés lors d’une chute. 

©wikimedia
©wikimedia

L’un de ces cèdres est planté au Jardin des Plantes, à Paris… où il se trouve toujours ! Le second, planté dans un domaine à Montigny-Lencoup (Seine-et-Marne) meurt à l’âge de 201, victime d’une tornade. Il mesure alors 8,95 m de circonférence et ses branches couvrent… 1000 m2.

Un port aisément reconnaissable

Le cèdre du Liban ne peut être confondu avec un autre conifère. S’il pousse en “pyramide” comme bon nombre d’autres conifères, sa cime s’étale avec le temps. Les très vieux arbres semblent porter des plateaux verts…

Forêt des cèdres de Dieu
©Joel Carillet

Où voir des cèdres du Liban ?

  • Au Liban : sur le mont Barouk, dans la réserve naturelle du Chouf. À Tannourine, au Liban-Nord. À Jeij, au niveau de la commune de Byblos. Et bien sûr, la forêt des Cèdres de Dieu, à Bcharre. 
  • Des centaines de milliers de cèdres ont été replantés au Liban. La campagne de replantation est toujours en court. Si vous vous rendez dans le pays, vous trouverez partout des bébés plants.
  • En Turquie : les cèdres du Liban sont très, très nombreux sur les monts Taurus.

Quelques cèdres du Liban à voir en France

  • Jardin des Plantes, à Paris.
  • Amiens (Somme) : dans le jardin de la préfecture. Il a été planté en 1756. 
  • Grenoble (Isère) : dans le parc Albert-Michallon. Planté en 1847.
  • Tours (Indre-et-Loire) : planté en 1804, dans la Cour d’Honneur du Musée des Beaux-Arts.
  • Montpellier (Hérault) : planté en 1858 dans le square Planchon.
  • Harcourt (Eure) : deux arbres plantés en 1810 dans l’arboretum de la commune.
  • Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis) : planté vers 1750 dans un parc, aujourd’hui vivant en bord de route.
  • Les associations libanaises comme la 3V (La troisième voix pour le Liban) plantent régulièrement des cèdres du Liban dans des communes d’Île-de-France, mais pas seulement. 
Cèdre de Jussieu
Le cèdre de Jussieu ©Jebulon

Des géants menacés

À l’image de nos arbres, le cèdre du Liban est menacé par le réchauffement climatique. Il est capable de résister au sec, mais pas au manque de précipitations. La combinaison réchauffement-sécheresse est à l’origine de la prolifération du Cephalcia tannourinensis, une tenthrède qui ronge les aiguilles des cèdres. En 2017, 170 arbres de la forêt de Tannourine ont été victimes de cet insecte, selon Nabil Nemer. 

Dans sa thèse soutenue en 2008, cet entomologiste analyse ce qui provoque la mort des chênes. Cephalia tannourensisprovoque la défoliation des cèdres qui produisent “des bourgeons estivaux de secours qui sont ensuite les sites de ponte d’un coléoptère : Ernobius libanensis

Ajoutez à cela les très nombreux incendies qui ravagent chaque automne le Liban… En 2019, des dizaines de feux dévastent des centaines d’hectares, menacent les réserves de cèdres, lèchent le pied des habitations. Le cèdre est l’emblème du Liban et figure sur le drapeau national. Il est à l’image du pays : en péril ou en voie de disparition ? 

©flowgraph
©flowgraph

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