ÀMenton, François Mazet cultive de nombreux agrumes au Mas Flofaro situé sur le flanc de la colline de l’Annonciade. Le terrain est en pente, composé de terrasses aménagées pour certaines au XVIe siècle ! Le climat y est particulièrement favorable à la culture des agrumes et notamment celle du Citron de Menton.
Hortus Focus : qu’est-ce qui vous séduit particulièrement chez le citronnier ?
François Mazet : C’est le seul fruitier au monde qui produit toute l’année des fruits. La meilleure période de production se situe en décembre, janvier, février, mars, début avril. Après, ça décline, mais il y en a quand même.
Est-ce que c’est un agrume facile à cultiver ?
Oui à condition de surveiller toute l’année les arbustes. Le citronnier est très sensible aux écarts de températures et aux maladies, puisqu’il est en montée de sève toute l’année. Dès qu’un signe douteux se manifeste, il faut tailler au sécateur, nettoyer l’alcool au sécateur pour ne pas transmettre la maladie à un autre arbuste, et jeter à la poubelle les déchets de taille. Il faut aussi veiller à l’exposition. Il doit être bien plus exposé au soleil levant qu’au soleil couchant. Contrairement à ce que l’on peut croire, les gros cagnards de l’après-midi ne sont pas pour lui.
Quelles sont les maladies les plus courantes ?
Les araignées rouges, la cochenille, la fumagine, toutes les petites bestioles qui entrent dans les feuilles. Une fois installées dans les feuilles, les maladies s’étendent aux fruits.
Vos citrons sont-ils bio ?
Ça m’énerve un peu cette étiquette bio ou pas bio. Ici, les citronniers sont cultivés naturellement. Ils reçoivent du fumier de cheval tous les deux ans. C’est naturel et c’est tout.
Quel est le citron le plus cultivé chez vous ?
La variété SRA 625 définie comme le Citron de Menton. Les fruits sont plus gros que ceux des citrons lambda, leur peau est plus épaisse, et leurs qualités olfactives et gustatives les rendent incomparables grâce à la terre et au climat dont nous bénéficions.
Qui sont les principaux clients du Mas Flofaro ?
Nous avons beaucoup de grands chefs dans notre clientèle. On cueille les citrons à la commande. Quand les grands restaurants commandent par exemple un jeudi plusieurs dizaines de kilos de citrons, nous les récoltons le vendredi, et on expédie.
Comment surveillez-vous la maturité des fruits ?
Je ne cueille pas le citron quand sa peau est jaune clair. Je le laisse sur l’arbre encore trois, quatre ou cinq mois, jusqu’à ce que son épiderme passe au jaune foncé. Mais on n’attend pas non plus qu’il tombe par terre !
Combien de citrons récoltez-vous chaque année ?
Entre 6 et 7 tonnes, je pense. Ce n’est pas énorme. En Espagne et en Israël, on est plutôt sur des centaines de tonnes par exploitation. Au Mas Flofaro, il s’agit d’une production artisanale, réservée plutôt aux grands chefs qui se fournissent ici depuis plus de 40 ans.
Votre métier n’est pas simple, mais vous demeurez un passionné…
J’ai commencé à 23 ans, j’ai plus de 70 ans aujourd’hui, mais je continue à m’occuper de la Citronneraie. J’espère qu’il y aura quelqu’un pour prendre la relève. Ce n’est pas très lucratif cette culture même si le kilo de Citron de Menton se vend aux alentours de 10 €.
Même quand le gel, très rare à Menton, frappe…
Le dernier coup de gel remonte à 1985. Le lendemain, j’ai dit à mon employé : « allez, on y va, on coupe… » Mal m’en a pris, j’ai fait une grosse bêtise. Avec mon sécateur, je ne suis parvenu qu’à une chose : blesser l’arbuste une seconde fois. Il faut attendre que le végétal reprenne le dessus. Attendre pour voir ce qui est mort ou pas avant d’intervenir.
Quels autres agrumes cultivez-vous au Mas Flofaro ?
Oui, on a beaucoup, beaucoup parlé du citronnier, mais grâce à notre climat, tous les agrumes poussent ici : les orangers, les mandariniers, les clémentiniers, les mains de Bouddha… poussent bien, et sont même meilleurs que les agrumes produits en Corse. J’ai aussi un peu de citron caviar, mais je le trouve peu fruité. J’ai aussi un citron vert du Brésil qui, lui, est très fruité. On s’en sert aux Antilles pour faire des cocktails et parfumer des plats. Mais ici, il est un peu décevant. Comme il fait moins chaud qu’aux Antilles, il ne fleurit ici que deux fois par an contre quatre en Martinique et en Guadeloupe. À contrario, vous ne trouvez pas de citrons au Brésil, car il y fait trop chaud. Le citron a besoin de fraîcheur, de températures hivernales comprises entre 6 et 14°C pour induire la floraison d’avril à mai.