Les orchidées de Colette Barthélémy

© Didier Hirsch

La pépinière La Canopée est installée en Bretagne, à Plougastel. Colette Barthélémy ne cultive pas des fraises, mais des orchidées, botaniques pour la plupart. La petite entreprise créée voilà 25 ans tout pile est devenue une pépinière aux plantes recherchées !

Hortus Focus : tu as toujours aimé les orchidées ?

Colette Barthélémy : Avec mon mari qui me soutient depuis le départ dans cette entreprise, on aimait bien les plantes, on aimait beaucoup les orchidées, mais nous avions alors beaucoup de difficultés à trouver des orchidées botaniques en France. On avait fait un peu le tour de ce qui était proposé en France et on devait se rendre en Belgique pour trouver les orchidées qui nous intéressaient. À l’époque, pas d’internet, alors impossible de commander facilement. Nous nous sommes dit que d’autres amateurs rencontraient les mêmes problèmes que nous. Et nous avons décidé de lancer une petite production et de voir comment les choses allaient avancer… ou pas. 

©Didier Hirsch
©Didier Hirsch

Comment avez-vous démarré ?

On a commencé par se familiariser avec les techniques de semis in vitro. On a acheté des plantes, on en a échangé, etc. On a démarré comme ça sur 120 m2 carrés de culture. Évidemment, au bout d’un certain temps, la serre est devenue trop petite. On a pris la décision d’acheter une autre serre qui était à vendre sur une autre commune et on a déménagé l’exploitation en 2005 pour s’installer là où la pépinière se trouve actuellement, à Plougastel, au sud de Brest, à la pointe de la Bretagne.

Aujourd’hui, comment est organisée la pépinière ?

Nous cultivons nos plantes sur 2000 m2, avec des compartiments dédiés à des orchidées de climat différent (froid, tempéré frais, un peu plus chaud). En fonction de l’origine des plantes, elles rejoignent l’un ou l’autre des différents climats qu’on a recréés dans nos serres. 

Même si tu aimes toutes les orchidées, ta préférence continue-t-elle d’aller aux botaniques ?

Oui, j’aime les espèces qu’on est susceptibles de voir dans la nature. Mon mari et moi sommes passionnés par les orchidées d’Amérique centrale et aussi pour certaines orchidées d’Afrique du Sud comme les Disa. Nous avons développé un programme d’hybridation sur ce genre pas très connu, mais très intéressant. Nous sommes les seuls en Europe à avoir ces Disa et, donc, les amateurs arrivent forcément chez nous. 

Disa 'Unilangley' ©Didier Hirsch
Disa 'Unilangley' ©Didier Hirsch

C’est compliqué d’hybrider des orchidées ?

Hybrider pour hybrider, ce n’est pas notre truc à La Canopée. Si on n’a pas de parents assez qualitatifs, il ne sert à rien de se lancer dans l’hybridation. On commence donc par déterminer le potentiel génétique des parents qu’on souhaite utiliser et par vérifier que personne d’autre ne s’est lancé dans la même aventure. Quand ce travail préalable est achevé, on procède à l’hybridation, à la fécondation de la fleur avec les parents choisis. Si tout fonctionne, il faut compter entre 3 et 18 mois pour avoir un premier résultat. Puis, nous semons, et là, il faut s’armer de patience, car il se passe environ 4 ans pour une première floraison… Un temps long qui oblige donc à une longue réflexion préalable avant la tentative !  

Laelia purpurata werhausteri x russelliana ©Didier Hirsch
Laelia purpurata werhausteri x russelliana ©Didier Hirsch
Cattleya skinner ©Didier Hirsch
Cattleya skinner ©Didier Hirsch

C’est quoi une orchidée facile à cultiver ? Ça existe ?

On va considérer une orchidée comme facile dans la mesure où quelqu’un qui n’est pas très connaisseur en orchidée va réussir à la cultiver et la faire refleurir sans avoir des connaissances très pointues. Pour rendre ce « boulot » plus facile, il faut que la plante soit solide, qu’elle ait de bonnes réserves, qu’elle ait supporté des erreurs liées à son humain débutant et qu’elle montre son bon caractère en fleurissant ! 

Il y bien sûr des orchidées qui sont plus difficiles que d’autres à cultiver. Elles nécessitent un peu plus de rigueur, d’observations et supportent moins les erreurs. 

La notion de facilité intéresse les gens. On n’a pas que de grands spécialistes parmi nos clients ! 

Comment les amateurs « passent-ils au-dessus » des Phalaenopsis ? 

Souvent, quand les gens ont cultivé trois ou quatre phalaénopsis achetés en jardinerie et qu’ils réussissent à les faire refleurir, ils ont envie d’essayer autre chose. Là, ils montent dans le deuxième étage de la fusée. Ils vont cultiver certains Dendrobium, des Oncidium, des Coelogyne, sans rentrer encore dans du trop compliqués, mais avec des orchidées qui sont déjà un petit peu des plantes de collection. Ceux qui passent ce cap peuvent atteindre le troisième étage de la fusée : pris au jeu, ils veulent aller encore plus loin et partir à la découverte et à la culture des autres genres.

Coelogyne pandurata ©Didier Hirsch
Coelogyne pandurata ©Didier Hirsch

Quelles sont, objectivement, les orchidées les plus compliquées à cultiver dans ta production ?

Oui, effectivement, nous produisons des plantes à surveiller comme le lait sur le feu… Elles sont, il faut le dire, compliquées, voire impossibles à cultiver si on ne peut pas recréer des conditions idéales. Un exemple ? Les Dendrophylax, des orchidées qui sont dépourvues de feuilles, poussent en Floride sur des troncs avec un taux hygrométrique hyper élevé et néanmoins dans un substrat qui sèche régulièrement. Mais on n’est pas obligé de se compliquer la vie ! Le principal, c’est de se faire plaisir. 

Cultives-tu aussi des orchidées devenues extrêmement rares ? 

Oui, effectivement, nous produisons aussi des orchidées qui sont rares voire qui ont disparu dans leur milieu naturel. Nous sommes attachés à défendre cet intérêt patrimonial et à les cultiver dans notre collection. C’est, par exemple, le cas de Neomorrea irrorata, une espèce qui pousse entre le Panama et la Colombie. Son pseudobulbe prend deux ans pour maturer. C’est long. La floraison est spectaculaire, mais elle se mérite ! 

Peut-on croiser, hybrider tous les genres d’orchidées ?

Tous ne sont pas compatibles. Quand on veut faire un croisement, il faut prendre soit une espèce, soit un hybride qu’on va recroiser soit avec une espèce soit avec un hybride. Il n’existe aucune limitation à ce niveau-là de manière générale. On peut avoir des hybrides de 2, 4 , 6, 15 générations. Le terrain de jeu est infini, c’est pour cela qu’il y a énormément d’hybrides d’orchidées. Ce que l’on cherche quand on hybride, c’est associer une couleur, un parfum, une taille de fleur, une capacité à vivre dans un certain climat.

On va par exemple croiser une orchidée jaune avec une orchidée rouge, car on sait que l’on a beaucoup de chances d’obtenir du jaune avec des pointillés rouges ou du rouge pointillé jaune ou de l’orangé. On utilise les caractéristiques génétiques de chaque plante pour faire ressortir des choses vraiment différentes. On intègre des informations trouvées dans la littérature spécialisée ou des échanges avec d’autres hybrideurs qui ont pu constater quelles caractéristiques sont très dominantes et ressortent très volontiers. Certaines orchidées sont connues pour apporter de la couleur orange et si on cherche à obtenir de l’orange on va aller chercher telle ou telle espèce qui transmet volontiers sa couleur. 

Angulocaste 'Iroise' ©Didier Hirsch
Angulocaste 'Iroise' ©Didier Hirsch
Lycaste campbellii ©Didier Hirsch
Lycaste campbellii ©Didier Hirsch

Les résultats des hybridations se révèlent-ils toujours intéressants ?

Non, et c’est normal ! Certains semis se révèlent très homogènes et d’autres complètement hétérogènes. Il faut tout observer : dans les semis, on peut trouver un parfum qui vient dont on ne sait où, la couleur du grand-père, la taille de trois générations avant, le côté poilu de la grand-mère. Certains semis sont très, très étonnants dans leur hétérogénéité. C’est d’ailleurs le plus excitant de l’affaire… même si c’est réceptif au final.

Les orchidées sont-elles présentes partout dans le monde ? 

Il existe environ 30 000 espèces d’orchidées. C’est la famille végétale la plus riche en nombre d’espèces et avec une aire de répartition sur toute la planète sauf sur les pôles bien sûr. Les zones de la ceinture équatoriale se taillent la part du lion.

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