Nous sommes au début de l’automne et je vous parle déjà du printemps… Je ne souhaite pas hiberner, mais anticiper, car c’est dans la nature du jardinier. Le temps est venu de planter ces petits concentrés de vie que sont les bulbes botaniques, pattes, griffes et autres cormes.
J’ai toujours connu les fameuses jonquilles, les iris bleus et les grandes tulipes rouges qui, à la fin de l’hiver, propulsent la fin de l’hiver au jardin d’un dégradé de bruns vers un arc-en-ciel saturé. Pourquoi une telle explosion ?
Les spécialistes des milieux hostiles
Dans la nature, du point de vue des floraisons, tout chacun le sait, il y a des saisons d’opulence, le printemps et l’été, et une saison moins faste, l’hiver. Les bulbes botaniques ont su s’adapter. Ces concentrés de biologie, ces petites merveilles nées d’une évolution pointue et d’une adaptation drastique vivent en complète interaction avec leur environnement minéral et animal. Une stratégie développée dans deux milieux distincts et hostiles, les sous-bois et les steppes. Cela tombe bien, puisque nous recherchons toujours des petites plantes en fleur à la fin de l’hiver pour égayer nos bordures, lisières et rocailles.
Nous allons donc mener l’enquête sur leurs origines. Commençons par les basiques avec le N.C.I.S. (non pas la fameuse section de recherche criminelle !), mais nos beaux narcisses, crocus, iris et scilles.
Narcisses séductrices
Les narcisses (Narcissus) vivent en Europe, généralement en colonies dans des endroits ouverts comme les prairies et les clairières. Ces bulbes botaniques profitent de l’absence des hautes herbes et de l’ombre des arbres pour fleurir en fin d’hiver. Jaunes ou nuancées de crème sur les pétales, elles attirent notre regard, mais c’est également une stratégie pour faire venir à elles les bourdons et abeilles encore groggy de leur torpeur hivernale. Au jardin, elles accompagnent à merveille les hellébores et ont un effet répulsif sur les rongeurs.
Crocus et iris font la paire au printemps
Un autre incontournable très facile à réussir, c’est le crocus. Le bal s’ouvre à l’automne avec le célèbre safran (Crocus sativus). Puis, tout au long de l’hiver, les petits cormes font naître leurs fleurs jaunes ou bleu violacé dès que la neige a fondu (si nous avons un hiver neigeux !) et quand les rayons du soleil commencent à réchauffer les sols. Les iris réticulés (Iris reticulata) ont le même mode de vie et donc une morphologie proche, une floraison hivernale, un feuillage lancéolé et des petites fleurs aux couleurs bien vives. Ces derniers aiment également les terrains drainés ce qui en fait de très bonnes plantes de rocaille.
Jacinthes des bois et Cie
Pour nos bordures et sous-bois, pour habiller le pied d’un arbuste à floraison printanière comme une viorne (Viburnum) rien de mieux que les scilles d’Espagne ou les scilles campanulées… Proches de nos jacinthes de jardin, les jacinthes des bois (Hyacinthoides non-scripta) sont d’une culture aisée et se naturalisent abondamment. Poussant dans des milieux humifères, elles attendent la fin des narcisses pour déployer leurs longues hampes de clochettes bleues, assurant un superbe passage de relais ! Dans ces conditions bien particulières de mi-ombre où le sol reste frais, il est un bijou qui les accompagnera à merveille, le Corydalis solida. Le feuillage de celui-ci est finement découpé et vert gris. La variété ‘Beth Evans’ donne des fleurs plus colorées que le type et dans une teinte carminée.
La tulipe et le turban
Ce petit tour des plantes bulbeuses se naturalisant au jardin ne serait pas complet sans parler de l’emblématique tulipe. Très diffusée dans sa version hybride à grandes tiges et grosses fleurs, on en oublierait presque ses origines modestes en Asie Mineure. Cette petite plante de steppe doit sa popularité aux sultans turcs qui ont fait de cette fleur originaire d’Iran, d’Afghanistan et du Kazakhstan un trésor précieux. Savez-vous que le mot “tulipan” donna le fameux… turban ?