La botaniste Anna Atkins, première femme photographe de l’Histoire, appliqua la technique du cyanotype à ses albums dédiés aux plantes. Le Rijksmuseum, le fabuleux Louvre hollandais a acquis, il y a quelques mois, un précieux exemplaire de son herbier bleu…
L’herbier bleu, un trésor…
Anna Atkins. Son nom est un peu partout aujourd’hui. À l’exposition Jardins du Grand Palais, à Paris en avril 2017, on la croisait déjà, avec des “œuvres” si fragiles qu’elles ne purent être exposées qu’un mois chacune. Quelques semaines plus tard, on apprenait que le Rijksmuseum d’Amsterdam, achetait à grand bruit un de ses albums botaniques… Pour la coquette somme de 450 000 euros. De quoi piquer notre curiosité et orienter nos pas vers Amsterdam !
Cet herbier bleu recèle des dizaines de feuilles bleutées, animées de végétaux blanchâtres. Au bas de chacune d’elle, on peut lire en petites lettres finement écrites: Laurencia Dasyphylla, Laurencia Pinnatifida, Lichina Confinis, Odonthalia Dentata, Polysiphonia Elongata, Rhodomenia Polycarpa…


Mais qui est donc Anna Atkins ?
Née en Angleterre en 1799, elle fut avant tout botaniste et illustratrice. Un peu par hasard et surtout par nécessité, elle s’inscrit aussi dans l’histoire du 8e art puisqu’elle fut la première femme photographe !
Formée auprès de son père, le naturaliste John George Children, membre dès ses 30 ans de la Botanical Society de Londres, Anna s’intéressa plus particulièrement aux algues des côtes britanniques. Elle les collectait. Face à la difficulté de conserver ou de dessiner certaines espèces parfois minuscules, elle eut l’idée de recourir au procédé du cyanotype. Ainsi est né Photographs of British Algae, cyanotype impressions, le premier livre de botanique comportant des photographies. Semblable à un herbier, il est conçu comme une illustration du Manual of British Algae du botaniste William Henry Harvey, qu’il complète au passage d’une nouvelle espèce, la Sargassum plumosum.
Des photos sans appareil photographique…
C’est ce que permet le cyanotype ! Ce procédé simple et abordable fut mis au point par John Herschel en 1842. Il consiste à poser un objet (ici des algues) sur une feuille de papier enduite d’une solution photosensible à base de sels de fer. L’ensemble est ensuite exposé en plein soleil puis lavé à l’eau et séché. L’algue laisse ainsi une empreinte claire sur le papier qui, ailleurs, fonce au contact de la lumière. En résulte une image qui plutôt que de s’inscrire dans des teintes blanches, grises et noires, se détache en blanc sur un fond bleu cyan.
Grâce à cette technique, Anna Atkins produisit plusieurs milliers d’épreuves qu’elle assembla en de gros albums. Une création manuelle qui lui demanda beaucoup de temps et d’efforts, et à laquelle elle consacra les dix dernières années de sa vie (elle mourut en 1871). Elle offrait ses trésors à ses amis botanistes qui lui prêtaient, en retour, certains spécimens à photographier.

324 planches de l’herbier bleu au Museum, à Paris
Une vingtaine de ces ouvrages sont connus aujourd’hui. Plus ou moins complets, ils sont tous différents par leur beauté et leur rareté et on se les arrache à prix d’or ! Notre Muséum national d’Histoire naturelle en possède un, parmi les plus complets (il comporte 324 planches sur les 399 initiales). Quant au Rijksmuseum d’Amsterdam, il peut s’enorgueillir du sien dont les 307 photos sont en très bon état, assemblées avec une reliure d’époque.
« Nous sommes très heureux d’avoir fait cette prestigieuse acquisition (…) déclarait Taco Dibbits le directeur général du musée, au moment de son acquisition. L’ouvrage d’Anna Atkins se situe aux confins de l’art et de la science. En dehors de sa signification historique, il se caractérise également par une beauté intemporelle qui, par l’abstraction des silhouettes sur le papier photographique, revêt des allures contemporaines… ». Il est vrai que de ces feuilles à la couleur vive ou profonde se dégage une poésie qui ne laisse guère indifférent. Anna, la vie en bleu…

Pour en savoir plus: lire la biographie romancée de Gabrielle de Lassus Saint-Genies, l’Anglaise d’Azur, parue en 2018 aux éditions Erick Bonnier.