La mycorhize, Internet en sous-sol

mycorhize - tortues focus
©oddonatta

Mycorhize… Vous avez peut-être entendu ce mot ces derniers mois. Mais que signifie-t-il ? Pourquoi la mycorhize est-elle si importante pour la vie du sol et donc la bonne santé de nos plantes ? Comment fonctionne ce réseau Internet en sous-sol ? Interview de Daniel Wipf, professeur de biologie et de physiologie végétale à l’université de Bourgogne.

 

Hortus Focus : C’est quoi une mycorhize ?

Daniel Wipf - Hortus Focus
©DR

Daniel Wipf : C’est une association bénéfique entre les champignons du sol et les plantes. Chacun apporte à l’autre, chacun aide l’autre. Ce sont des champignons qui ont aidé les plantes à coloniser la surface terrestre, voilà 450 millions d’années. 

Mais que se passe-t-il sous nos pieds ?

Le champignon pousse dans le sol, la racine pousse dans le sol, les deux se rencontrent et forme un nouvel organe, la mycorhize. Dans cette association très étroite, chacun nourrit l’autre, chacun protège l’autre et chacun participe à la meilleure santé de l’autre. 

Toutes les plantes sont-elles concernées ?

Un champignon peut connecter plusieurs plantes, parfois à des dizaines de kilomètres de distance ! Une plante peut nourrir ses descendants à travers le champignon qui prend un petit peu de nourriture au passage, c’est sa façon de coopérer. 95% des plantes terrestres bénéficient de cette alliance. Seules deux grandes familles de plantes ne font pas de mycorhizes. Les Brassicacées (chou, moutarde, navet) et les Chenopodiacées (betterave) ont choisi une autre stratégie d’évolution. Toutes les autres plantes, les carottes comme la vigne, les pommiers, les bananiers… font des mycorhizes.

Pourquoi parle-t-on beaucoup aujourd’hui de cet Internet en sous-sol ? 

Après la Seconde Guerre mondiale, la première révolution verte s’est plutôt intéressée à nourrir la plante et à enlever tout ce qui pouvait gêner dans la terre. D’où l’utilisation intensive des produits pesticides et fongicides. Une stratégie dont on voit les dégâts aujourd’hui. La deuxième révolution est en route : maintenant, on s’intéresse de très près à tout ce que le sol peut apporter à la plante. Nous avons pu, par exemple, démontrer en laboratoire que la mycorhize protège la vigne du Xiphinema (NDLR : un nématode qui provoque la maladie du court-noué). Le Xiphinema est stoppé par les champignons mycorhiziens.  

mycorhize - Hortus Focus
Mycorhize ©7activestudio

Comment faire pour créer les conditions favorables à la mycorhize dans son jardin ? 

La première recommandation pour un jardinier, paysan, n’importe qui, c’est de ne pas laisser le sol nu surtout en hiver. Parce que le champignon ne peut pas vivre sans la plante. Donc, dès que vous enlevez des plantes, vous entamez la diversité des champignons mycorhiziens. Dans les années 50, quand les champs étaient couverts de luzerne tout l’hiver, on ne savait pas vraiment pourquoi, mais on constatait le bienfait, ça entretenait le réseau mycorhizien en place et donc la bonne santé des plantes. Seconde recommandation : le labour casse le réseau souterrain. Si ce labour a lieu de temps à autre, ce n’est pas grave, le réseau se reconstitue. Mais labourer plusieurs fois dans la saison, ce n’est pas bon. La communication est brisée. 

Il faut donc avoir recours aux engrais verts ?

Oui, bien sûr, mais il faut choisir son engrais. La moutarde et le colza appartiennent à la famille des Brassicacées, ils ne servent pas à grand-chose dans le cas de la mycorhize. Les autres engrais verts ont un double avantage : ils favorisent la mycorhize et fixent l’azote grâce aux bactéries. Le trèfle incarnat, par exemple, est une très bonne couverture. 

Comment savoir si le sol de mon jardin est riche ou pauvre en mycorhize ?

Pour le moment, la réponse n’est pas simple. Il faut analyser les racines, au microscope, en laboratoire. On les colore avec de l’encre et on observe ce qui se passe à l’intérieur. Avec mon laboratoire, nous formons de plus en plus de chambres d’agriculteurs et de particuliers à ce genre d’observations. 

Dans l’avenir, un test pourrait-il être commercialisé ?

Nous développons un test moléculaire dans le cadre d’une collaboration avec l’entreprise Premier Tech. Ce test pourra se faire par courrier et permettra de montrer l’existence d’une mycorhize et surtout si elle est fonctionnelle ou non. Il existe, en effet, des mycorhizes un peu fainéantes sur des variétés de plantes sélectionnées pour répondre aux engrais de synthèse. Elles font encore des mycorhizes, mais n’en bénéficient plus forcément. 

Pour en savoir encore plus sur la symbiose mycorhizienne, pour comprendre comment fonctionnent les échanges entre plantes et champignon, je vous conseille de prendre 4 min pour regarder cette vidéo très instructive, réalisée par l’INRA. 

 

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