La spiruline, microalgue aux vertus nutritionnelles exceptionnelles, séduit de plus en plus de personnes. Elle a aujourd’hui sa ferme à Paris, inaugurée il y a quelques mois dans un ancien bâtiment de la RATP. Une algue magique, l’aliment du futur? Nous avons voulu en savoir plus… ! Gabriel Riboulet, fondateur d’Algorapolis, répond à nos questions.
Hortus Focus : rappelle-nous ce qu’est exactement la spiruline
Gabriel Riboulet : la spiruline est une microalgue, c’est-à-dire une algue microscopique considérée aujourd’hui comme un super aliment, très complet sur le plan nutritionnel. Elle existe depuis des milliers d’années, pour être plus précis depuis 3,4 milliards d’années. Et a précédé toutes les formes de vie végétales ou animales que l’on connaît aujourd’hui.
En ces temps très reculés, elle a inventé, avec les autres cyanobactéries, la photosynthèse et a fabriqué l’oxygène de l’atmosphère. Elle capte beaucoup de dioxyde de carbone et rejette beaucoup d’oxygène dans cette dernière. Jusqu’à 16 fois le volume de dioxyde de carbone que peut capter un arbre.
Depuis quand l’homme la consomme-t-il ?
Les traces de consommation les plus anciennes remontent aux civilisations Incas et Mayas, en Amérique latine. La spiruline était donnée en offrande aux dieux. On en trouve la mention écrite dans les codex.
L’homme en a certainement consommé avant cela, mais nous n’en avons pas de témoignage écrit. Notamment en Afrique, il existe encore aujourd’hui une tribu vivant autour du lac Tchad, les Kanembous, qui mangent et boivent de la spiruline pour se prémunir des maladies et des carences.
L’Europe s’en est rendu compte lors de la Seconde Guerre mondiale. Pour remplacer l’oignon, elle a même envoyé sur place des équipes de recherche. On avait remarqué, en effet, que ces populations n’avaient jamais connu de famine ou de carence en vitamines ou en protéines contrairement à certains autres peuples voisins.
Pourquoi consommer de la spiruline aujourd’hui ?
La spiruline est considérée par l’OMS comme un des aliments les plus complets qui existe naturellement sur terre. Elle apporte à peu près tous les nutriments nécessaires : des protéines, tous les acides aminés (donc les acides aminés essentiels que nous ne pouvons synthétiser), des minéraux, des acides gras, des antioxydants, toutes les vitamines, dont la vitamine B12 (mais à l’exception de la vitamine D).
Ce cocktail nutritionnel stimule les défenses immunitaires. Enrichit et booste notre microbiote. Il prévient un certain nombre de carences pouvant entrainer la maladie. La spiruline est particulièrement conseillée aux sportifs, mais tout le monde peut en consommer. À l’exception des rares personnes atteintes d’hémochromatose ou de phénylcétonurie.
Et c’est bon?
Elle a un goût assez doux et peut se mélanger à toutes sortes de recettes sucrées ou salées. Un peu comme le jaune d’œuf ou le fromage frais. Elle se présente comme une pâte que l’on achète en barquettes et que l’on peut tartiner ou intégrer à des smoothies, des salades, des spaghettis…
Quand et pourquoi as-tu ouvert ta ferme de spiruline à Paris ?
Le but était de produire de la spiruline fraîche, ce qui ne se faisait guère, plutôt que de la spiruline déshydratée dont la valeur nutritionnelle est moindre. J’ai débuté mon expérimentation en 2017 dans un parking transformé en ferme urbaine dans le XVIIIe arrondissement. Depuis 2019, nous avons ouvert un espace de culture rue des Poissonniers au premier étage désaffecté d’un bâtiment de la RATP. Toujours dans le même quartier. À ma connaissance, nous sommes les premiers au monde à faire cela. J’ai créé cette ferme en ville pour être plus près des gens. Et surtout pour qu’ils puissent venir voir comment ça fonctionne. Par transparence.
Comment cultive-t-on cette microalgue?
On travaille à partir de souches de diverses origines géographiques, prélevées dans des lacs, isolées et multipliées par des scientifiques. On les plonge ensuite dans de l’eau saumâtre (ni douce ni salée), un peu semblable à celle qu’on trouve dans les deltas des fleuves.
Il faut une température d’environ 26 degrés. Un éclairage artificiel pour remplacer le soleil moins présent sous nos latitudes. Du dioxyde de carbone (à Paris, ce n’est pas ce qui manque), que l’on filtre avant de l’introduire dans la spiruline. Enfin, il faut quelques intrants, notamment du bicarbonate. On en met très peu. On pourrait presque la faire pousser sans.
On récolte la spiruline à peu près tous les quatre jours. Elle pousse dans des tubes et dans des cuves. Pour le moment, nous disposons d’environ 4m3 de culture et produisons quelques kilos par semaine. Mais nous sommes en train de construire une ferme à La Courneuve qui produira 10 fois plus en volume.
À qui s’adresse votre production ?
Pour le moment, elle s’adresse aux professionnels de la restauration et de l’alimentation : restaurateurs, nutritionnistes, naturopathes, chefs étoilés, restaurants végans, etc. Ceci dans un rayon maximum de 20 kilomètres autour de la ferme, parce que nous livrons à vélo. Nous pourrons vendre aux particuliers directement dans notre ferme parisienne dès 2020. Et plus largement, avec livraison, en 2021.
Que faites-vous en cette période de confinement ?
On en profite pour continuer à produire et à faire de la recherche et du développement. Nous affinons notre financement et élargissons notre communauté en faisant du crowdfunding, c’est-à-dire du prêt participatif. Les gens peuvent pré-acheter de la spiruline : ils seront livrés dans deux mois, après le confinement. Chacun peut aussi, s’il le souhaite, investir dans la société.
La ferme Algorapolis sera rouverte aux visites à la fin du confinement. Pour en savoir plus sur elle, sur la spiruline et sur les campagnes de crowdfunding et de financement, cliquez ICI