“Le grand malentendu climatique” de Géraud Guibert, paru ce printemps aux Éditions de l’Aube, est sous-titré On a encore le temps. Il est déjà trop tard. C’est de cette tension entre deux causes d’inaction que se situe l’auteur. Ce livre est à placer entre toutes les mains. Il répond à un certain nombre de lieux communs ou désamorce des polémiques vaines.
Tiraillés entre ces deux sentiments contradictoires, nous sommes individuellement et collectivement, trop souvent climato-passifs. Aujourd’hui, nous précise l’auteur, les climato-passifs supplantent de loin, en nombre, les climatoseptiques. La quasi-unanimité scientifique sur la gravité et l’urgence de la situation est de moins en moins facile à contester.
Qu’il s’agisse du dérèglement climatique ou de l’effondrement de la biodiversité, nous en faisons tous l’amer constat, chaque année davantage.
Pourquoi, s’interroge Géraud Guibert sommes-nous si peu actifs face à l’urgence ?
Les humains et leurs contradictions
Sommes-nous négligents, paresseux, irresponsables face à l’urgence ? Peut-être les trois. Pourquoi certains d’entre nous revendiquent-ils leur propre turpitude tout en se donnant bonne conscience trop facilement ? Pourquoi d’autres érigent-ils leur irresponsabilité comme une liberté choisie ?
Parlons dettes
Le genre humain est bien en peine. Le conflit que crée cette situation inédite entre fin du mois et fin du monde, comme le disaient les Gilets jaunes, nous fait tanguer sans vraiment décider. Même s’il est acquis pour un grand nombre de nos contemporains que la situation ne peut s’éterniser ainsi, on ne sait pas comment faire autrement.
Et quand certains s’alarment de la dette économique que nous laissons à nos enfants, celle que fait peser l’inaction climatique sur leur avenir pourrait s’avérer bien plus lourde de conséquences.
Le malentendu du temps
L’action climatique s’exerce au quotidien, mais se déroule sur le temps long. Or, nos sociétés productivistes et consuméristes ne savent pas prendre en charge le temps long. Et on peut même se demander si elles ont encore des capacités à le penser. Et donc, certains préfèrent penser qu’il est déjà trop tard ou bien qu’on a encore le temps.
Ce système courtermiste entretient aussi la confusion dans la pensée entre intérêt général (souvent une notion qui s’accorde au temps long) et intérêt individuel, le premier n’étant pas la somme des seconds.
Deux visions s’affrontent
Technosolutionnisme d’un côté, décroissance de l’autre.
Pour l’auteur du grand malentendu climatique, les technosolutionnistes nuisent à la prise de conscience de l’urgence en laissant penser que la technologie va pouvoir battre de vitesse le dérèglement climatique ou la disparition des espèces. Ils empêchent les citoyens de réfléchir autrement. Ils poursuivent l’illusion de la toute-puissance du genre humain, mais aussi de la toute-puissance de l’argent.
En face, le terme de décroissance renvoie à des peurs archaïques de manque et de régression. Le mot sobriété aurait une définition infiniment plus souhaitable. Sobriété est un mot assorti de vertu et de sagesse. Quant à a décroissance, si elle semble inévitable, elle ne sera pas homogène. Certains pans de notre organisation vont continuer à se développer, y compris sur le plan technologique. D’autres en revanche devront se réduire, se transformer ou disparaitre.
Entre croyances et méthode Coué
Comme le constate une étude récente de l’OCDE, 57% des Français interrogés considèrent que le changement climatique est lié à l’activité humaine. C’est peu. Et si cela ne signifie pas que les autres sont climatosceptiques, on peut en revanche penser que l’information est insuffisante ou inappropriée. En tout cas, elle semble difficilement appropriable.
Et de nombreux concitoyens et concitoyennes préfèrent penser qu’ils sont protégés des effets des dérèglements du climat. Or les scientifiques sont clairs. Nous ne le sommes pas et c’est difficile à penser. Le fait de se convaincre de cette sécurité relative autorise l’inaction ou la climatopassivité !
Quand le CO2 est un malentendu climatique
La décarbonation, c’est, dit l’auteur, une fixette qui permet de cacher l’ampleur du changement nécessaire. Décarboner, c’est bien, mais ça ne règle ni les problèmes de l’eau ni ceux de la biodiversité… Ça ne permet pas de remettre en cause l’agro-industrie, l’agriculture intensive, les canons à neige ou le tourisme de masse.
Or, le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité mettent en danger l’avenir de l’humanité. Il va donc falloir revoir notre façon de penser le monde et donc chacune de nos habitudes… et vite !
Le grand malentendu climatique
On a encore le temps, il est déjà trop tard
Géraud Guibert
Les Éditions de l’Aube
192 pages / 20 euros