Le glanage, un droit d’usage

les glaneurs
©Jules Adolphe Aimé Louis Breton

Le glanage existe depuis que les femmes et les hommes ont faim et sont dans l’incapacité de produire eux-mêmes leur nourriture.

La Bible en parlait déjà. Cette pratique est cependant peu mise en valeur, dès les premiers textes officiels réglementaires qui datent du Moyen Âge. Elle est consentie aux nécessiteux, aux veuves, aux orphelins et aux handicapés. On est encore loin d’une pratique vertueuse et écologique, proche du zéro déchet ! L’édit royal du 2 novembre 1554 du roi Henri II, toujours en vigueur, est venu compléter l’ensemble.

“Quand vous ferez la moisson dans votre pays, tu laisseras un coin de ton champ sans le moissonner, et tu ne ramasseras pas ce qui reste à glaner. Tu ne cueilleras pas non plus les grappes restées dans ta vigne, et tu ne ramasseras pas les grains qui en seront tombés. Tu abandonneras cela au pauvre et à l’étranger”. (Lévitique 19:9-10).

Quand tu secoueras tes oliviers, ne cueille pas ensuite ce qui reste aux branches, ce sera pour l’immigré, l’orphelin ou la veuve”. (Deutéronome 24:19-22).

Aujourd’hui, la législation autorise le glanage, après récolte et en journée, et lorsqu’il est réalisé sans outil, sauf arrêté municipal contraire (article 19 de loi pénale du 9 juillet 1888 sur la police rurale). Cependant, il est interdit sur un terrain clôturé, sans l’accord du propriétaire. Enfin, une personne ayant causé des dommages lors d’une action de glanage dans un champ ou un verger peut être poursuivie par le propriétaire devant les tribunaux (et à la course à pied aussi).

D’autres prélèvements qui s’apparentent au glanage sont, en revanche, proscrits :
• le maraudage (vol des fruits et légumes cultivés quand ils ne sont pas détachés du sol)
• le grappillage (récupération après récolte de ce qui reste sur les arbres fruitiers ou les ceps de vigne et qui pourrait constituer une deuxième récolte)
• le râtelage (utilisation d’outils comme le râteau pour récolter).

Lutter contre le gaspillage

Si pour certains, le glanage reste une façon de se nourrir à moindres frais avec peu de moyens, pour d’autres, c’est une excellente manière de combattre le gaspillage. En effet, selon une étude anglaise de 2015, près de 20% des récoltes sont perdues en Europe, parce que non conformes aux exigences de l’agroalimentaire (supermarchés et industrie). Cela représente, chaque année, en France, plus de 10 millions de tonnes de nourriture gâchées, soit l’équivalent de 150 kg/hab./an. Dans les ordures ménagères et assimilées, on retrouve l’équivalent de 20 kg/hab./an de déchets alimentaires, dont 7 kg de produits alimentaires encore emballés (ADEME). Ce sont les légumes qui finissent le plus à la poubelle.

En France, le gaspillage alimentaire des ménages représente plus de 10 milliards d’euros, soit 160 € par personne et par an, alors que plus d’une personne sur 10 a du mal à se nourrir correctement.

La France, au travers du Pacte national et de la Loi AGEC, s’est engagée à réduire de moitié le gaspillage alimentaire d’ici 2025 pour les secteurs de la restauration collective et de la distribution, et d’ici 2030 pour les secteurs de la consommation, transformation, production et restauration commerciale.

La carte Falling Fruit recense tous les endroits, dans le monde, où l’on peut ramasser gratuitement des fruits et des légumes.

fallingfruit.org

Une vidéo de l’ADEME, datant de 2015, donne les chiffres du gaspillage en France et des pistes pour agir.

Vidéo gaspillage ADEME

Le glanage aujourd’hui, le nouveau geste politique ?

Face à une situation de surproduction et de surconsommation d’énergie, le glanage constitue une solution très intéressante : il permet de sauver des aliments destinés à finir à la poubelle dans les champs, les potagers, les vergers ou encore dans les rebuts de la distribution.

Aujourd’hui, le glanage alimentaire concerne aussi les villes et s’inscrit dans la solidarité, qu’elle soit individuelle ou dans un cadre collectif ; qu’elle soit spontanée ou organisée. Ces actions volontaires deviennent donc militantes dès lors qu’il s’agit de prendre ce qui est en trop et de le distribuer à ceux qui n’ont pas assez. Il redonne aussi de la valeur aux aliments et à l’alimentation en rapprochant ceux qui ont trop et ceux qui n’ont pas assez. En effet, la surconsommation ne renforce-t-elle pas les inégalités sociales ?

De plus, il devient possible de développer des activités économiques à partir de la valorisation de ressources locales et même de rapprocher les consommateurs des producteurs via des systèmes de circuits courts et de proximité.

Et partout dans la rue

En milieu urbain, la récupération de nourriture dans une poubelle est autorisée sur la voie publique, les « déchets » étant considérés comme des res derelictae (des choses volontairement abandonnées par leurs anciens propriétaires). En revanche, il est théoriquement interdit de fouiller dans une poubelle pour récupérer des aliments si elle est située dans une propriété privée (un parking de supermarché, une déchetterie, etc.). La jurisprudence considère toutefois que le fait de soustraire des produits périmés, mis à la poubelle dans l’attente de leur destruction, ne constitue pas pour autant du vol (voir la décision de la Cour de Cassation en date du 15 décembre 2015).

Le terme de « glanage » désigne également la récupération d’objets (mobilier, textiles, livres, jouets, équipements ménagers… ) dans la rue pour leur éventuelle réparation et leur réutilisation.

Une mauvaise image à changer

L’assimilation du glanage alimentaire à de la récupération de déchets semble très réductrice et n’est pas pour faciliter les choses. Le changement radical de point de vue devient possible lorsque la récupération s’organise et devient collective, voire communautaire. Qu’ils soient appelés « freeganisme », « gratuivorisme, « déchétarisme « ou encore « trésordure », ces modes de vie alternatifs sont fondés sur l’entraide, le partage, la lutte contre tous les gaspillages et la consommation de masse. Ils prônent également la cueillette et la consommation de plantes poussant dans la nature (herbes, fruits, champignons…) ou des jardins partagés.

Ils contribuent à lutter contre la pollution et le réchauffement climatique, n’en déplaise à certains !

poubelles
©doomu
Ail des ours
©dimitrikalioris

Ail des ours sauvage. Un régal !

Les glaneuses

Un article qui ne serait pas complet sans ce tableau de Jean-François Millet, modestement appelé “Les Glaneuses”, présenté au “Salon” de 1857 et qui défraya la chronique ; les critiques de droite y découvrant ces femmes comme le symbole d’une révolution populaire menaçante, quand ceux de gauche y voyaient le peuple rural appauvri par le Second Empire. Le tableau se trouve au Musée d’Orsay.

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