Sylvaine et Jean-Marie Boisson préserve veillent, préservent, entretiennent, en pleine ville, à Sèvres (92) un jardin au long passé familial. Retour sur l’histoire et le style rocaille imprimé au jardin voilà plus de cent ans.
Hortus Focus : de quand date votre maison ?
Sylvaine Boisson : elle a été construite en 1838. Mon arrière-grand-père a acheté la propriété en 1901.
Une acquisition pour vivre ou pour travailler ?
Les deux ! Dans cette maison vivait déjà un médecin. Mon arrière-grand-père était lui aussi médecin… tout comme mon grand-père et mon père ! Tous ont vécu et travaillé dans la maison. Chez nous, personne n’est médecin, mais nous vivons toujours dans la maison.
Connais-tu l’histoire du terrain ?
Oui. Il faisait partie de la liste civile* de Charles X (1757-1836). De nombreux terrains à Sèvres faisaient partie de cette liste civile. Quand le roi a été chassé du pouvoir en 1830, ces biens ont été mis en vente et découpés en parcelles, vendus par adjudication. À l’époque, c’est un agent de change qui a acheté une partie du terrain, celle du bas. Puis en 1863 ou 1864, le propriétaire a acheté une autre parcelle de 200 m2 dans le haut du terrain. Un mur séparait les deux terrains, il a été détruit et les parcelles ont été reliées par un escalier. Le terrain est vraiment très en pente.
Qui a installé les nombreux éléments de style rocaille** présents dans le jardin ?
C’est une idée de mon arrière-grand-père. Il a ainsi fait construire le perron et sa balustrade, la gloriette, la table du jardin, le rocher au centre du petit bassin, et un pont au-dessus de l’escalier qui relie les parcelles. C’était la mode à cette époque-là.
On sait que le béton se dégrade. Comment Jean-Marie et toi entretenez-vous ce patrimoine ?
C’est surtout Jean-Marie qui s’occupe de cimenter, colmater, recimenter.
Le kiosque a été refait complètement en 1972 et disparaît sous la végétation. Qu’as-tu planté ?
Après la réfection, on a planté un rosier ‘American Pillar’. Son histoire est folle : pendant 30 ans, il a végété et, subitement, va savoir ce qui lui a pris, il s’est mis à pousser, à pousser… et est devenu un « monstre ! ». Il recouvre la moitié du kiosque. L’autre moitié est occupée par un Rosa canina qui s’est installé là tout seul et croule au printemps sous les fleurs simples blanches.
Qu’avez-vous fait d’abord dans le jardin avec Jean-Marie ?
On a commencé par réhabiliter et planter le bassin. Jean-Marie adore les bassins. Je me demande s’il ne m’a pas épousée à cause de ce bassin d’ailleurs !!! Puis on a supprimé quelques-uns des petits chemins qui étaient trop nombreux dans ce jardin en pente. On a semé un petit bout de pelouse, car il n’y en avait pas. Et puis après, on a entretenu l’existant, remplacé ce qui mourrait.
Jardiner, c’est une tradition familiale ?
Absolument ! Je sais que ma grand-mère adorait jardiner. Mon père était un fondu de jardinage ; c’est lui qui a planté le verger dans le jardin du haut, en 1973. Les fruitiers sont toujours là, et nous entretenons les pommiers taillés en espalier (‘Reine des Reinettes’, ‘Reinette du Canada), le figuier. Il y avait aussi des poiriers, mais ils sont morts après la canicule de 2003. Ils n’appréciaient pas trop non plus la terre qui est très calcaire. Les pêchers qu’il avait plantés ont tous souffert de la cloque. L’amandier n’a pas résisté non plus.
La terre est-elle la même dans les deux parcelles ?
Oui, le sol est partout limono-calcaire. Pas un gramme d’argile ici. Le pH est de 8,9. On tombe partout sur des bouts de craie. Il faut faire avec, et faire attention à ce que l’on plante.
Quelles sont les autres plantes du jardin « venues du passé » ?
Il reste des fétuques plantées par mon père, un vieux merisier, quelques plantes vivaces, le seringat, les forsythias plantés dans les années 50. Les marronniers sont, eux, beaucoup plus vieux. Ils ont sans doute plus de 200 ans, car on les voit déjà à maturité sur une photo de 1901.
Notes
*la liste civile regroupait des terrains et des maisons, ce qui procurait des revenus.
**Dans les jardins de rocaille, très en vogue à la fin du XIXe, on utilise le béton pour fabriquer du faux bois, des faux rochers, de fausses pierres naturelles. Ils sont réalisés par un artisan spécialisé, le rocailleur.