Inventer le jardin de l’Antiquité à nos jours est un livre de Gilles Clément et Monique Mosser. Les auteur.es nous invitent à explorer les jardins et les plantes représentés au sein des ouvrages et des œuvres conservés dans les collections de la Bibliothèque Nationale de France (Richelieu). Il donne aussi des clefs de compréhension du projet du jardin Hortus Papyrifer, réalisé dans le cadre de la rénovation et de la modernisation du site historique.
Ce qui lie le jardin et la bibliothèque
Dans l’avant-propos, le lien de parenté entre le jardin et la bibliothèque est rappelé. Sur la monumentale salle de lecture, l’architecte Henri Labrouste a pensé un décor « représentant simplement des arbres et un ciel ». Des peintures y furent exécutées par Alexandre Desgoffe de 1864 à 1868. Au sein des collections de la bibliothèque, un ensemble de documents présente des images de jardin. Des miniatures, dessins, gravures, illustrations de livres, photographies sont la matière à partir de laquelle les auteurs racontent une histoire de l’art du jardin. Cet ensemble iconographique aborde aussi l’évolution des inventions techniques qui permettent au jardinier de travailler la terre et de prendre soin des êtres vivants au jardin.
Monique Mosser perçoit le jardin comme le lieu d’une création. Pour elle, le jardin inspire des mythes et des symboles, que l’on peut déceler à travers des époques et des contrées. L’historienne s’appuie sur nombre de références pour aborder la multitude de récits, d’imaginations et de réflexions que le jardin engendre.
L’œil du paysagiste
Dans son texte « Le jardin, sous l’œil du jardinier », Gilles Clément évoque la manière dont le jardin évolue à travers le temps et les sociétés. Chaque document est le point de départ d’un texte sur les différents gestes du jardinier. L’auteur a sélectionné des représentations d’outils, de moments d’actions au jardin. Il explique de quelle manière le jardin a connu des transformations et comment il fut enseigné au fil des époques.
Dans un deuxième texte « Le jardin, terre d’expériences », le paysagiste rappelle la multitude d’œuvres créées à partir du monde végétal. Certaines, choisies parmi les collections de la bibliothèque, mettent en scène les êtres vivants qui habitent le jardin. D’autres rendent visibles les adventices et les plantes de bords de chemin. Une diversité de planches botaniques et naturalistes renvoie à l’étude du monde végétal. Des travaux d’artistes contemporains apportent à l’ensemble un regard récent sur nos relations aux plantes. C’est le cas d’une photogravure de Giuseppe Penone et d’une photographie de François Sagnes,
Le fil du temps
L’historienne de l’art, de l’architecture et des jardins, dans son essai « Le jardin, en allées et venues », rappelle que les jardins constituent des lieux d’expériences, de promenade et de méditation. Les œuvres sur lesquelles elle se penche pour développer sa pensée, gravures, plans de jardins, photographies, manuscrits, donnent à voir une multitude de comportements au sein des jardins. Ils évoluent au fil de l’histoire et sont propres à chaque culture. Parmi les lieux qu’elle décrit, on peut relever le jardin du muséum d’histoire naturelle, celui du Palais Royal, le parc des Buttes Chaumont et le jardin zen.
L’aventure de la création
La dernière contribution à cet ouvrage est consacrée au jardin-œuvre d’art réalisé pour la Bibliothèque nationale de France. Mirabelle Croizier, architecte du patrimoine, et Antoine Quenardel, paysagiste, racontent le processus de création de ce lieu, réalisé avec Gilles Clément. Ce jardin participe pleinement à la réhabilitation du bâtiment consacré à la lecture, à la conservation, et à l’étude. Dans le cadre du dispositif du 1%, les équipes devaient associer un artiste et un paysagiste. Le jardin Hortus Papyrifer a ici le statut d’œuvre d’art.
Le lien au passé
Pour sa réalisation, l’architecte et les paysagistes se sont penchés sur l’histoire du site et la présence d’un jardin dans le passé. Ils ont choisi de proposer un parcours de plantations à partir d’un ensemble de plantes papyrifères. Ces essences sont utilisées pour créer des supports d’écriture et d’impression. Pour illustrer le principe de cette palette végétale, des photogravures de l’artiste Parme Baratier présentent des plantes en aquatinte. Elles sont imprimées en taille-douce sur fibres du même végétal en regard du texte. Ce jardin constitue également un îlot de fraicheur pour les usagers de la bibliothèque. Il accueille repos, promenade, calme, découverte botanique et convivialité. C’est une invitation à la curiosité autour de l’histoire de l’utilisation des plantes dans la fabrication du papier. Il incite à découvrir les collections d’ouvrages, de documents et d’œuvres à partir desquels contempler des jardins, les végétaux qui les composent, les personnes qui l’occupent et celles qui en prennent soin.
Ainsi, ce beau livre réunit un riche ensemble d’œuvres et de documents papier. Les analyses des auteurs révèlent les différents aspects du jardin, son histoire, les gestes du jardinier et les expériences qui en font un lieu de promenades et de diverses sensations.