Ma forêt, mon jardin, mon art… en Amazonie

 

Le Museum d’histoire naturelle de Rouen inaugure sa Galerie des Amériques, un feu d’artifice de plumes et de couleurs qui prolonge joliment la Galerie des Oiseaux! Pour cela,  plusieurs représentants de communautés indiennes ont été invités à participer au projet.  Joe Don Brave, artiste Osage de l’Oklahoma aux États-Unis a ainsi décoré plusieurs vitrines dont une avec une grande tête d’aigle. Quant à Bepkamrek et Nhakti Kayapo, couple d’Indiens amazoniens du Brésil, ils ont conçu et peint deux vitrines pleines d’oiseaux, de parures et d’objets. Nous les avons interrogés sur leur pays.

 

 

Hortus Focus. Où vivez-vous exactement et que pouvez-vous nous dire de votre grande forêt ?

Bepkamrek Kayapo. Nous vivons dans le sud du Para, dans le bassin amazonien, une région couverte par la forêt. Nous habitons dans un village qui se situe en plein coeur de cette forêt. Mais autour de nous, nous voyons la couverture végétale diminuer à cause des « gens du dehors » qui envahissent notre territoire. Nous, les Indiens Kayapo, nous défrichons de petites parcelles de forêt qu’on exploite un moment. Ensuite, on les laisse en jachère pour qu’elles aient le temps de se régénérer et on ouvre de nouveaux jardins un peu plus loin. Mais ce n’est pas le cas des grands propriétaires terriens qui viennent prendre le bois et ouvrir de grands espaces pour leur bétail. Le gouvernement nous soutient et nous aide à replanter et marquer notre territoire. Mais nous sommes inquiets.

 

Que vous apporte la forêt ?

Nous en tirons surtout notre pharmacopée qui est naturelle. Si on nous coupe notre forêt, nous n’aurons plus de remède pour nous soigner. Comme cicatrisant, par exemple, nous utilisons une liane spéciale.

Branches de Courbaril

Pour les courbatures, on prend de l’écorce de courbaril, on la brûle et on répand la fumée ; normalement, ça soulage. De cette même façon, on peut prolonger un peu la vie d’un bébé malade, qui est proche de la mort.

La sève de courbaril est aussi utilisée pour faire l’empennage des flèches ou durcir leurs pointes; ça les rend plus efficaces quand elles rentrent dans l’animal, elles peuvent même lui casser un os.

 

Parlez-nous de vos jardins

Ils nous fournissent une grande part de notre alimentation. En priorité, nous plantons du maïs, du manioc, des courges, de l’igname, des bananes, des pommes de terre, des papayes, des pastèques. Nous complétons par la chasse et par la pêche. Tout le reste provient de la ville : le café, l’huile, le sucre, le riz et les haricots.

Les jardins sont autour du village dans une périphérie de deux kilomètres. Au-delà, c’est la forêt. C’est là que vivent les esprits. Les chamans sont très inquiets et pleurent quand on coupe des arbres parce que ça peut les mettre en colère.

 

Manioc

Comment se répartit le travail entre hommes et femmes ?

La première corvée des hommes c’est d’abattre les arbres pour ouvrir une carrière et y mettre le feu. Ensuite, ce sont les femmes qui plantent le maïs, l’igname et les pommes de terre. Pour les bananes, le travail est un peu plus compliqué. C’est l’homme qui va faire le trou et planter la banane. La femme fait les travaux plus légers.

Quand on s’apprête à faire le jardin, il faut avoir bien mangé, avoir le ventre plein ; si on arrive avec le ventre vide, les plantes seront moins belles et on n’aura pas une bonne production.

 

 

Avez-vous des fêtes liées à vos cultures ?

Nous avons la fête du manioc et la fête du maïs. Pour la première, tout le monde participe, les hommes et les femmes, les anciens et les enfants. Très tôt, le matin, vers 5 heures, les jeunes filles sans enfant vont rejoindre des hommes plus âgés à la rivière. Là, il peut se passer des choses, notamment des relations sexuelles. Les femmes qui ont des enfants, elles, rejoignent des garçons adolescents, toujours dans des endroits isolés où il peut se passer des choses. Ensuite chacun repart dans la forêt.

 

La déforestation en Amazonie

Les Indiens Kayapo et Raoni, leur représentant le plus emblématique, sont connus pour la défense de leur environnement à travers les médias ou des ONG écologiques. Quelle action menez-vous?

Nous, nous luttons contre la construction du barrage de Belo Monte qui est une menace depuis les années 80. Depuis le début du projet, on a lutté contre. On a appris par les journaux que la justice ne donne plus l’autorisation de poursuivre les travaux et malgré cela, ils continuent ! Nous craignons surtout pour l’ethnie indienne qui se trouve là. Ils vont avoir leur territoire inondé. Ils vont perdre leur jardin, leur village. Et puis qui sait si nous aussi, par voie de conséquence, avec la montée des eaux, notre territoire ne sera pas aussi inondé.

 

Avez-vous apprécié votre travail ici ? Comment avez-vous choisi les objets que vous présentez au musée ?

J’ai beaucoup aimé Rouen. Ce travail a été une surprise pour moi parce que c’est la première fois que je fais une peinture et finalement, elle n’est pas si mal que ça ! J’en avais fait quand j’étais petit, mais je n’avais jamais retenté l’aventure. Pour la vitrine qui m’a été confiée, j’ai dessiné une grande tête d’oiseau et le musée a choisi différents volatiles dans ses collections. J’en connais pas mal : les colibris, les toucans, les perroquets, le kamichi, l’ibis, le perroquet rose… Quant à  la deuxième vitrine, nous avons voulu montrer comment les femmes se peignent pour certaines cérémonies et comment, avec les hommes et les enfants, elles portent les ornements. Vous y voyez ceux de ma petite fille. C’est mon épouse, artiste, qui a fait les peintures. Elle a aussi peint des formes géométriques qui chez nous, symbolisent les animaux.

 

Parmi ces objets, il y a une coiffe avec des bâtonnets en plastique à la place des plumes. Pourquoi ?

La vraie coiffe, celle que je porte, surtout pour les fêtes et les cérémonies, est en plume mais le musée ne peut pas l’acquérir parce qu’il faut des autorisations spéciales. Donc on a présenté cette autre qu’on utilise aussi.

 

 

C’est vrai que beaucoup d’espèces d’oiseaux sont aujourd’hui protégées. Comme les aras, les perruches ou les colibris qui figurent dans votre vitrine. Avez-vous fabriqué la coiffe que vous portez ?

Non. Un autre guerrier l’a faite. Quand je serai un peu plus âgé, je pourrai apprendre à faire cela. Ce sont les personnes de plus de 50 ans qui peuvent faire ce travail. Et c’est la même chose pour mon collier. Si je le faisais maintenant, ma santé baisserait. Et je pourrais même mourir !

 

Dernière question… vous avez de jolies fleurs en Amazonie? 

(Rires). Oui et elles sont très différentes d’ici. Mais nous les laissons dans la forêt, nous ne les mettons pas, comme chez vous, dans les maisons…

 

 

 

Galerie des Amériques, Museum d’histoire naturelle de Rouen. Pour les informations pratiques, c’est ICI!

 

 

"Lien

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