What ? A stumpery in the JAF ? Traduction : Quoi ? Une soucherie dans le Jungle-Arboretum-Fouillis d’Agustin Coello-Vera ? Eh bien oui, l’adorateur des érables du Japon s’est trouvé une nouvelle passion pour les fougères et leur a trouvé une place en or dans son jardin.
Hortus Focus : Qu’est-ce que c’est une stumpery ?
Agustin Coello-Vera : Le mot vient de l’anglais. Stump signifie souche. On pourrait donc traduire stumpery par soucherie mais je préfère le terme original, je le trouve plus joli. L’idée, c’est de profiter, en les recyclant, de vieilles souches, de chênes notamment, car elles mettent longtemps à se décomposer. Puis on y installe des plantes, des fougères essentiellement, même si des végétaux comme la sélaginelle peuvent aussi y trouver place.
Où as-tu installé cette stumpery dans ton JAF ?
J’ai un petit coin très à l’ombre, dans la partie nord, à l’arrière de la maison, sous la terrasse sur pilotis qui protège aussi les plantes du froid. Le soleil n’y vient qu’un petit peu le matin et à la toute fin de l’après-midi. J’ai donc récupéré des souches à droite, à gauche dans mon bois, et les ai installées là, avant de commencer à planter les fougères.
D’où viennent ces fougères ?
Les deux tiers viennent de Nouvelle-Zélande. Les autres sont originaires de l’Himalaya, mais aussi d’Europe et des continents nord et sud américains. J’ai beaucoup de fougères un peu partout dans le JAF, mais beaucoup attendaient en pot d’être un jour plantées dans cette stumpery.
Ce sont des raretés ou des fougères communes ?
Les deux ! Par exemple, chez les Blechnum, on peut trouver facilement la fausse osmonde (Blechnum tabulare) ou B. nudum, mais B. novae-zelandiae ou B. gibbon ne sont vraiment pas faciles à acheter en Europe. Le Blechnum chambersii vient de Nouvelle-Zélande, il est rustique jusqu’à -7°C, donc parfaitement compatible avec le climat toulousain. Si jamais il devait faire très froid un hiver prochain, je lui mettrai un bon manteau de feuilles et je crois qu’il tiendrait bien. Mais les Blechnum ne sont pas, selon moi, les fougères les plus simples. Ils sont très exigeants au niveau de l’acidité et de l’humidité du sol.
Après les érables du Japon, tu entreprends une nouvelle collection ?
Non, pas vraiment, j’ai juste voulu mettre en valeur ces plantes dont j’ai toujours aimé les formes, l’architecture… et leur capacité naturelle à vivre sous l’ombre des arbres. Je me suis amusé à leur donner de beaux écrins comme un tronc creux de chêne-liège dans lequel j’ai installé une Woodwardia radicans, rapportée de mes îles Canaries natales. Ailleurs, dans un autre tronc creux, j’ai planté une fougère arborescente (Dicksonia antartica). L’an dernier, je ne l’ai pas hivernée, elle a un peu souffert, mais refait des nouvelles pousses.
Certaines de ces fougères te rappellent-elles des souvenirs particuliers ?
Je me souviens toujours de la randonnée que j’avais faite dans l’Himachal Pradesh (nord-ouest de l’Inde), j’avais collecté une fougère, car elle était énorme et m’était inconnue. Personne n’a su m’aider, je n’ai même rien trouvé même dans les forums de discussion consacrés aux fougères. Donc, un peu désespéré, je suis allé sur une page FB qui s’appelle Flora of India. C’est une page créée par des Indiens qui partagent leurs connaissances sur la flore. J’ai posté des photos de la feuille, de la partie arrière, toutes les infos nécessaires et il a fallu remonter au plus grand spécialiste indien des fougères, professeur de botanique à Delhi qui a finalement dit qu’il s’agissait de Dryopteris erubescens. C’est une fougère très courante là-bas, mais pas commercialisée chez nous. J’en ai donc un exemplaire, ça me suffit, car elle est énorme, si cela se trouve elle va tout couvrir.
Tu as aussi planté une fougère patte de lapin différente de celle qu’on trouve dans nos appartements ?
Oui, celle qui vit en appartement, c’est Davallia canariensis. Celle que j’ai installée a été collectée en Asie et se nomme Araiostegia parvipinnata. Elle aussi produit des “pattes de lapin” qui vont descendre le long de la souche. Ces rhizomes rampants sont abondamment recouverts d’écailles qui leur donnent un aspect velu. Son feuillage exceptionnellement fin et divisé faire penser à celui de la carotte. Mais cette finesse n’est pas pour autant synonyme de fragilité, car cette fougère accepte bien une relative sécheresse. Dans la nature, elle pousse sur des souches. Alors, dans la stumpery du JAF, elle est heureuse !
Sur la photo de couverture de cet article se trouvent Athyrium spicatum, Polystichum x diceii, Polystichum x iphophyllum, Polystichum biaristatum, Blechnum tabulare, Blechnum nudum, Thelipteris erubescens, Dryopteris wallichiana.