Les jardins aquatiques Acorus, en Haute-Saône

Jardin aquatiques Acorus
©Didier Hirsch

Si vous aimez les jardins aquatiques, une visite s’impose, celles des jardins Acorus, à Autoreille, en Haute-Saône. Depuis une trentaine d’années, Sylvie et Olivier Benoist s’attachent à travailler les paysages, à créer des cheminements entre les bassins. Une découverte totalement rafraichissante et dépaysante. 

De la région parisienne à la Haute-Saône

On a tous parfois envie de tout plaquer pour vivre ailleurs, autrement, autre chose. Mais, bien souvent, nos rêves se heurtent aux réalités, aux obligations. Sylvie et Olivier Benoist, eux, ont sauté le pas. Installés en région parisienne, ils rêvaient de partir au calme, en province. 

C’est un voyage en Belgique qui a tout changé, raconte Olivier : “Nous voulions monter une pépinière, mais de quoi ? Un jour, nous sommes allés visiter un beau jardin aquatique réalisé par un biologiste dans la région de Bruxelles. 4000 m2 de bassins, y compris sur un toit ! On se dit que pour faire quelque chose de différent, il faut parfois se cogner la tête… Nous, on s’est cogné la tête ce jour-là ! Et la décision a été prise de lancer une pépinière consacrée aux plantes aquatiques, car, de plus, à l’époque, il existait peu d’entreprises spécialisées dans cette production. Nous avons suivi une formation chez le fils du biologiste ; en France, notamment en Sologne, personne ne voulait nous prendre en stage… Puis, nous nous sommes installés en Haute-Saône sur un grand terrain, dans une vieille bâtisse.” Début de la grande aventure…

Un univers mal connu

Sylvie et Olivier Benoist se lancent donc dans ce projet jugé farfelu dans le monde agricole (ils ont été agriculteurs pendant 5 ans). On leur demande même ce qu’il peut bien se manger dans les plantes aquatiques. C’est dire le peu de connaissances sur ces plantes à l’époque ! 

“Nous avons travaillé, étudié, progressé et découvert toutes les utilités de ces plantes aquatiques. Il y a les bassins d’ornement des particuliers qui achètent des plantes pour  les installer dans des bassins petits ou grands. Il y a aussi le repeuplement de nos étangs. Dans notre région de Haute-Saône, on trouve de nombreux étangs. Pour favoriser les frais de poissons, il faut installer des nénuphars, des plantes de fond, des plantes oxygénantes.”

Jardins aquatiques Acorus
©Didier Hirsch
jardins aquatiques Acorus
©Didier Hirsch

Arrêter le massacre

Réinstaller des plantes aquatiques est également indispensable, car le milieu naturel a été « massacré », Olivier tient à utiliser cet adjectif. L’écosystème aquatique a un besoin urgent d’être restauré. La prise de conscience est là et les plantes aquatiques sont de plus en plus souvent au centre de grosses commandes destinées à la revégétalisation de ce milieu naturel. Les plantes sont utilisées sur des bouts de rivières pour maintenir des berges, créer des frayères, accueillir les oiseaux, mais également pour permettre de rétablir ou favoriser les échanges avec les nappes alluviales. 

Ces dernières années, on a souvent coupé la rivière de sa nappe alluviale. Conséquence : “À l’heure actuelle, on a beaucoup de problèmes lors des périodes d’étiage ou pendant l’été, car la nappe alluviale est complètement déconnectée de la rivière. Réinstaller des végétaux est une façon de rétablir les échanges.”

La naissance du jardin

Tout en s’occupant de leur pépinière, Sylvie et Olivier ont créé les jardins Acorus sur 3 hectares. Des travaux jumeaux, le premier nourrissant le second et vice-versa. Pour réussir la production des plantes aquatiques (et les autres), il faut en maîtriser la connaissance. Le jardin s’est donc imposé comme une nécessité. Il est venu les nourrir d’observations et d’expériences bien utiles à leur métier de pépiniériste. 

Le premier coup de pelle est donné en 1992, et le jardin s’est agrandi au fur et à mesure des années. Aujourd’hui, tous les bassins représentent quelque 2000 m2 de surface, reliés par des chemins qui ménagent en permanence des vues qui attirent l’œil… et les pieds. 

Passion et folie, on oscille entre les deux !

Amoureux de la nature

Le couple n’est pas seulement passionné de plantes aquatiques. Sylvie et Benoist sont avant tout des amoureux de la nature depuis toujours. « Nous aimons passionnément la nature. Nous ne nous sommes donc pas limités à installer des bassins. Nous avons voulu les arborer pour créer des paysages. Quand les visiteurs se promènent, ils peuvent voir un peu partout des fenêtres sur le paysage. Marier les plantes aquatiques et terrestres permet de les plonger dans un milieu naturel quasiment sauvage. »

Où trouver de l’eau ?

Quand ils démarrent la production et le jardin, Sylvie et Olivier doivent faire face à un premier obstacle de taille : l’absence d’eau. Dans cette pâture à vaches, belle prairie naturelle, seule coule une petite source, mais elle disparaît en été. Il ne faut donc pas compter dessus pour alimenter les bassins.

À l’hiver 1993, il leur faut donc faire appel à une entreprise de forage pour trouver l’or bleu. Le forage est entrepris dans la partie forestière du jardin. Profondeur : 130 m ! Au bout d’un an, l’eau a remonté et fournit 25 m3/h. Puis le forage faiblit, il faut recommencer à forer. Mais aujourd’hui, ce forage ne permet de récupérer que 2 m3/h en moyenne, un débit fluctuant en fonction des époques, notamment en été.

Jardins aquatiques Acorus
©Didier Hirsch

Vive l’eau de pluie !

Sylvie et Olivier doivent donc mettre en place des réserves d’eau pour assurer l’alimentation et la vie de leurs grands bassins. Deux grosses réserves sont installées, permettent de stocker 250 m3 d’eau et de pallier l’absence de pluie. Difficile de vivre « Manon des Sources » quand on a une pépinière de plantes aquatiques… 

En parcourant la région (et notamment « le pays aux mille étangs »), difficile de se dire que l’eau puisse venir à manquer. Et pourtant…  “Le forage ne suffit plus à alimenter. Pour l’anecdote, l’an dernier, nous avons été obligés de nous brancher sur l’eau de la ville pour refaire le niveau des bassins qui commençaient à se vider. En une journée, on a consommé une centaine de mètres cubes d’eau. Et là, le soir, coup de sonnette… Et arrivée d’un employé dépêché par la compagnie de la gestion de l’eau, qui voyant le compteur s’affoler, était persuadée que nous étions victimes d’une énorme fuite !”. D’où la nécessité d’installer des réserves pour stocker l’eau de pluie si précieuse. 

Tout en transparence

Pour ménager des vues, offrir des fenêtres sur le paysage, il faut impérativement intervenir en permanence – ou presque – sur les végétaux terrestres plantés. Pour Olivier, tailler est une nécessité : “Soit on laisse les arbres pousser et le jardin se transforme en forêt. Soit on intervient pour créer ou préserver des fenêtres sur paysages. Il suffit de quelques années aux arbres pour se faire leur place au soleil. Si l’on veut planter en dessous, diversifier les espèces, pas de tergiversations possibles : il faut prendre sécateur et élagueur et se lancer dans la taille pour offrir de la place à d’autres espèces.”

C’est ainsi qu’Olivier est devenu un spécialiste de la taille à la japonaise… en s’inspirant, là encore, du vivant : “La nature, les éléments façonnent les arbres. Le vent, la neige leur font souvent prendre de très belles formes. Si vous vous promenez dans la montagne, regardez les formes adoptées par les pins sylvestres (Pinus sylvestris), elles sont souvent extraordinaires, et ce, sans intervention humaine ! La taille permet aussi de créer des points de vue qui enrichissent le jardin. Attirer le regard vers un joli banc donne envie de marcher, d’aller faire une pause pour profiter du jardin, de l’environnement.”

Le jardin Acorus se déroule en pente douce. Une pente qui est une vraie chance pour aménager des paysages, amener en douceur les visiteurs à découvrir un autre lieu, d’autres scènes, un massif, un bassin caché.

Sculptures vivantes

Dans les jardins Acorus, chaque arbre est donc taillé. Une taille ornementale, Olivier « abordant » chaque sujet comme une sculpture, laissant libre cours à ses envies, son imagination appuyée par la technique acquise au fil des années. 

Ce savoir, il adore le partager avec les visiteurs : “Je leur explique qu’il est possible de créer des paysages, des sculptures vivantes même dans un tout petit jardin. Ils pourront ainsi bénéficier d’une grande diversité végétale, de nombreuses essences, de créer un ou plusieurs petits écosystèmes comme le font les Japonais qui ne disposent souvent que d’espaces très réduits pour jardiner. C’est une façon d’aménager des petits havres de paix, de vie. L’ensemble parait naturel et dispense un charme fou.”

De l’importance des cheminements

En trente ans, la façon de guider les visiteurs a évidemment beaucoup évolué. À l’ouverture du jardin, Sylvie et Olivier se rendent rapidement compte que les très gros bassins font un peu peur aux visiteurs. “Ils ne parvenaient pas à se projeter, se dire qu’ils ne pourraient jamais installer un bassin chez eux”, se souvient Sylvie. “Donc, nous avons créé des bassins plus petits, puis notre piscine biologique”. Le couple s’emploie ensuite à relier tous ces espaces aquatiques. Deux chemins naissent alors, aboutissement de la juxtaposition de toutes ces phases. L’importance c’est de faciliter la marche, mais surtout de favoriser la découverte des jardins tout en douceur. La balade est aujourd’hui aussi agréable qu’une promenade en forêt… Et les bancs disposés un peu partout permettent de profiter à loisir des fenêtres ouvertes sur les paysages   

Un jardin réussi, c’est un jardin où on a usé son pantalon,
pas ses chaussures !

“Dans un jardin, il faut s’asseoir. Quand vous vous promenez en forêt, la plupart du temps, vous regardez où vous mettez les pieds, pour ne pas tomber. Et après, vous profitez du paysage. Chez nous, peu de marches, pas de sentiers escarpés, on regarde ses pieds, mais pas trop souvent. Il faut aller de banc en banc pour observer la nature et la vie animale. Le jardin accueille évidemment des grenouilles, des crapauds, des tritons, des oiseaux d’eau comme le martin-pêcheur ou les poules d’eau…”

Du bonheur tous les jours

Sylvie et Olivier aiment partager leur passion avec leurs visiteurs. Oui, il s’agit de leur jardin, mais ils l’offrent comme un cadeau à quiconque y pénètre. Le bonheur, pour Olivier et Sylvie, c’est vivre chaque minute, chaque changement de lumière. Profiter d’une petite pluie qui transforme fleurs et feuillages en vitrines de perles précieuses, translucides. Observer le retour du soleil. Entendre le chant des grenouilles. Apprendre chaque jour de la vie. Tout simplement.

Dans quelle terre jardinent-ils ? 

“Ici, dans les jardins Acorus, on a une terre argilocalcaire. On doit avoir 10 bons centimètres d’humus. Après, quand on creuse, ça commence à faire mal aux mains, car on tombe sur une belle couche d’argile avec des cailloux, puis sur de l’argile pure. La terre est donc bonne. Quand un arbre est bien installé dans l’argile, il souffre peu, jusqu’à que cette couche d’argile finisse par sécher en été.”

Les tritons alpestres, rois des jardins Acorus

On dirait des lézards, mais non ! Il s’agit d’amphibiens comme les grenouilles, les salamandres, les crapauds. Les amphibiens s’accouplent dans l’eau et la naissance de leurs rejetons est elle aussi aquatique. Quand les bestioles deviennent adultes, elles rejoignent la terre ferme où les poumons prennent le relais des branchies.

Pour différencier tritons et lézards : le lézard adore se faire griller au soleil, le triton non !

Et ça mange quoi un triton ?

Ce glouton se nourrit à la fois dans l’eau (têtards, moustiques…) et sur terre (il ne crachera jamais sur une petite limace).

Il existe en France 5 espèces de tritons : le triton palmé (Lissotriton helveticus), le triton ponctué (Lissotriton vulgaris), le triton marbré (Triturus marmoratus), le triton crêté (Triturus cristatus). Le dernier de la liste, le triton alpestre (Ichthyosaura alpestris) est surnommé le dragon de la mare et celui-ci est très présent dans les jardins Acorus. 

Pour le reconnaître, voici sa photo et les explications de Sylvie Benoist :

Triton“C’est un grand triton. Il a une robe d’un bleu magnifique, surtout quand il est période nuptiale au printemps. Si on l’attrape délicatement, on peut observer son ventre d’un orange éclatant. C’est vraiment une très belle espèce. Il a également une petite crête jusqu’à la queue. Il faut vraiment penser un petit peu à un minidinosaure ou un petit dragon.”

Le printemps est la meilleure période pour observer les tritons. Normal, c’est la grande période des amours. Comme elle dure deux mois, ça laisse le temps d’observer ces messieurs dames en plein ballet amoureux. Ils sont tellement occupés à se séduire qu’ils se fichent bien d’être regardés. Parés d’une nouvelle peau plus colorée, ils entament une danse aquatique. Les mâles font les malins, en battant de la queue pour disperser de précieuses phéromones avant d’aller déposer leur sperme, dans un petit tube au fond de l’eau. La femelle conquise va alors se poser sur ce petit tube pour permettre la fécondation. Elle pond ensuite sur des feuilles de végétaux aquatiques. Pour protéger sa future progéniture, elle prend soin de replier les feuilles ! Et hop, elle repart pour une autre tournée amoureuse.

Les œufs mettent entre deux et trois semaines pour se transformer en larves. Il faut ensuite compter entre 6 et 9 semaines (pour les plus flemmards) pour que ces bébés deviennent des adultes capables de gagner la terre ferme. Bien évidemment, tous ne parviennent pas à l’état adulte. Les libellules adorent boulotter des larves de tritons ; les poissons et les hérons en sont également friands. Comme souvent dans la nature : beaucoup d’appelés pour peu d’élus ! 

Visiter les jardins Acorus

14 rue des Corvées, 70700 Autoreille. Tél : 03 84 32 90 22. Le jardin est labellisé “Jardin Remarquable ». Idéal pour prendre un grand bol d’air en famille (attention aux enfants avec les bassins), faire le plein de nature et de bons conseils que vous aimiez (ou pas encore !) les plantes aquatiques. Plus d’infos ICI

Pour découvrir d’autres jardins et lieux en Haute-Saône : destination70.com

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