Il était chaleureux, passionné et passionnant. Max Hill nous a quittés voilà quelques mois. C’était l’un des plus grands spécialistes français des camélias. Curieux, pédagogue, bavard, généreux, Max avait reçu Hortus Focus l’an dernier. Écrire sur lui n’est pas facile, mais ne rien écrire serait inimaginable. Hommage à l’homme aux camélias qui fut aussi pendant 18 ans le président de la section française de l’International Camellia Society.
Une passion tardive
Max Hill s’est installé voilà quelques dizaines d’années dans une maison à Briis-sous-Forge. Pas facile d’investir le jardin au départ très ombragé et dont le sol est siliceux. Impossible de planter des rosiers par exemple en absence de lumière. Il a donc commencé à s’intéresser aux plantes de terre de bruyère, particulièrement aux rhododendrons. « Les rhodos offrent une palette extraordinaire de couleurs. Malheureusement, ils prennent de la place et dans mes 1200 m2, ça allait vite devenir compliqué ! ».
Max tourne alors toute son attention vers le Camellia. C’était il y a 40 ans. « À l’époque, le camélia avait mauvaise réputation, notamment pour sa rusticité relative. J’ai donc commencé à fouiner du côté des camélias qui pouvaient supporter les hivers de ma banlieue.»
Une belle collection
“Ma collection est ridicule par rapport aux grandes collections visibles en Bretagne. Je manque de place bien sûr. Sur mon terrain de 1200 m2, j’ai planté à peu près 180 camélias et je me suis attaché à ce qu’ils soient tous différents.”
«Il faut savoir qu’à Briis-sous-Forges en 1985, on a eu -22 °C ! J’en ai perdu beaucoup cette année-là. »
Des plantes du bout du monde
Ils viennent d’Asie, surtout d’Asie du Sud-est. En Chine se trouvent 85 % des espèces connues. “Les Chinois sont des fans du Camellia reticulata. On en voit partout. L’arbuste manque un peu de feuillage, mais les fleurs sont très grosses. Contrairement à la France où la méthode de multiplication la plus courante, c’est le bouturage, Chinois et Japonais sont les rois de la greffe. Ils greffent tout, tout tout et il leur faut des réserves énormes de pieds pour faire ces greffes.”
La chasse aux camélias rustiques
Max a beaucoup correspondu avec le Dr. William Ackerman (Camellia Society of the Potomac Valley) qui s’est intéressé à ces camélias résistant au gel. “Il a réalisé des hybridations à partir de Camellia oleifera qui avaient résisté à des gels très, très forts, jusqu’à – 25 °C aux États-Unis. J’ai fait entrer quelques-uns de ces arbres chez les pépinières Roué mais ils n’ont pas été très développés, car, maintenant, on n’a plus d’hivers aussi rigoureux. Mais ces camélias sont connus et sont donc tout indiqués pour être plantés en montagne ou dans des régions à hiver froid.”
Les camélias plantés chez Max
Il confie avoir planté ses camélias au petit bonheur la chance au fur et à mesure de ses acquisitions. À côté de l’entrée se trouvent des C. reticulata trouvés en Bretagne et qui font 5 à 6 mètres de haut. “Je voulais prouver que le camélia est tout à fait adapté à une culture en région parisienne, dans des terrains ombragés avec un sol propice. Les faire connaître a été mon combat une partie de ma vie ! J’ai organisé des expositions à l’Université de Paris-Saclay où se trouvent mes serres de reproduction. Et pendant 4 ans, j’ai aussi organisé une fête-exposition dans ma ville de Briis-sous-Forges.”
Max l’hybrideur
Chaque année, Max a obtenu une vingtaine d’obtentions. Mais la place lui fait défaut pour en avoir toujours plus ! “En Bretagne, ils ont des terrains immenses. Donc, dès qu’ils ont une obtention, ils la plantent en pleine terre et ils attendent que ça fleurisse. Moi, j’ai été obligé d’élever tous mes bébés dans des conteneurs et c’est compliqué.”
Devant l’une des façades de la maison, ont été plantés des Camellia japonica comme ‘Drama Girl’ qui épanouit de très grosses fleurs, ‘Grand Prix’ à fleurs très rouges. “Les C. japonica sont les plus répandus, les plus multipliés. En France, quand vous vous baladez dans les jardineries, 80 à 85% des camélias vendus sont des C. japonica. Il en existe plus de 1000 variétés.”
Créer ses camélias, c’est facile ?
Au mois d’octobre, vous pouvez récupérer des graines. Plantez-les tout de suite. Elles mettent environ trois mois à germer. Au printemps, vous allez avoir des tout petits camélias. Après, patience, patience… Pour avoir une première fleur, il faut attendre au minimum 4 à 5 ans, mais cela peut prendre 12 ans ! Et le plus souvent, cette fleur est inintéressante… Quand on regarde les catalogues japonais, on se retrouve face à des centaines et des centaines de fleurs rouges, roses ou blanches. “Très honnêtement, même en étant un super spécialiste, c’est quasi impossible de les différencier. Du surcroît, en fonction des micro et macroéléments du sol, une même variété peut avoir des couleurs et des formes différentes.“
Le camélia le plus célèbre
Il s’agit du Camellia sinensis, avec les feuilles duquel on fabrique les thés. On peut le cultiver un peu partout y compris en France, comme en Normandie.
Camellia, les choix de Max Hill
‘Mrs D.W. Davis’
C’est le camélia représentant l’ICS (International Camellia Society). Obtenu en Floride en 1954. Fleurs blanches avec une touche de rose. Rusticité : – 15°C. H. 9 m.
‘Nicky Crisp’
Un port très compact, un beau feuillage vert mat. Adapté à la culture en pot. Petites fleurs semi-doubles rose pâle, très frais. Étamines jaune d’or
‘El Dorado’.
Fleur à forme de pivoine d’un rose pastel nuancé de rose lilas. Port arrondi, feuillage vert clair. Il reste petit (80 cm). Rusticité minimum : -10°C
‘Paolina Guichardini’
Très rustique (-14°C). Port compact. À dix ans, il mesure environ 1,20 m. Variété de C. japonica obtenue à Nantes en 1908. Fleurs de dimension moyenne, floraison rouge cerise de février à avril.
‘Bokuhan’
Une variété classique obtenue au Japon, au XVIIIe. Fleurs anémoniformes rouges vif à cœur de pétaloides (intermédiaire entre pétales et étamines) absolument ravissant. Floraison de janvier à mars. H. adulte : 1,20 m. Rusticité : -15°C.
‘Twilight’
Variété à fleurs blanches, imbriquées. Les fleurs ont la largeur d’une petite soucoupe.
‘Nioi-fubuki’
C’est l’un des rares C. japonica parfumés. Les fleurs blanches sont légèrement et irrégulièrement striées de rose.
‘Margaret David’
Un des camélias préférés de Max Hill. On le comprend… Les fleurs paéoniformes sont blanc opaline marginées de rose, d’une élégance rare. Une splendeur ! H. 1,50 m. Rusticité : – 15°C. Floraison de février à avril.
‘Francie L’
Hybride de C. reticulata. Très grosses fleurs, semi-doubles, rose vif saumoné, un peu ondulées. C’est un arbuste très solide. Une valeur sûre. H. 1,50 m. Rusticité : – 15°C.
‘Mary Phoebe Taylor’
Il s’agit d’un hybride très intéressant de C. japonica et de C. saluenensis. Les fleurs paéoniformes sont du genre énorme, rose très soutenu. H. 2 m. Floraison de février à mai. « Cette variété m’a donné de nombreuses obtentions. Je l’ai notamment hybridé avec un camélia très spécial qui fleurit en été. »
‘Tricolor de Siebold’
Ce camélia vient du Japon et il a été baptisé en l’honneur de Franz von Siebold qui l’a rapporté en Europe en 1829. Les fleurs sont bicolores, à base de rose. Le feuillage est strié.
‘Yume’
C’est un camélia d’automne (C. yuhsienensis) extrêmement intéressant. Cette variété fleurit vers novembre-décembre et il reste encore quelques fleurs en avril ! Il fleurit donc énormément et longtemps, supporte l’ombre épaisse sans aucun problème. Les fleurs sont simples, légèrement parfumées, passent du blanc au rose. H. 1,2 m. Rusticité minimum : -10°C.
‘Mimosa Jury’
Vous aimez les dragées ? C’est la couleur de cette variété à fleurs doubles, très imbriquée, qui s’épanouit de février à avril. Très florifère. Port arrondi. H. 1,30 m. Rusticité : – 14°C.
‘Black Magic’
Un des camélias préférés de Max pour ses fleurs rouge très foncé et ses feuilles aux bords profondément dentelés. Seul hic : les fleurs sont pendantes et on en profite moins facilement. Le rouge foncé n’est pas très courant chez les fleurs de camélia. On trouve beaucoup de rouge chez ‘Kuro Tsubaki’. Les jeunes pousses sont rouges, les fleurs… et les racines également.
‘Holly Bright’
Un camélia intéressant pour ses feuilles qui font penser à du houx. Port bien érigé et dense. Fleur semi-double, paéoniforme, rouge cerise. Floraison de février à avril. H. 1,20 m. Rusticité : – 14°C.
‘Lily Pons’
Variété de C. japonica. La fleur (simple ou semi-double) blanc pur est particulière avec ses pétales pointus. Floraison de janvier à avril. H. 1 m. Rusticité : – 15°C.
‘Domaine de Courson’
C’est l’une des obtentions de Max Hill et sa première à avoir été multipliée par les pépinières Roué. On peut l’admirer à Courson évidemment ! Feuillage brillant vert olive. Grande fleur rose tendre. Long pinceau d’étamines. H. 1,2 m. Rusticité minimum : – 10°C.
‘Tamzin Coull’
Ravissante fleur, grande, double imbriquée (paéoniforme) d’un beau rose thyrrien foncé. Très florifère. H. 1,5 m. Rusticité : – 14°C.
‘Super Star’
Il s’agit d’un hybride rare de C. saluenensis à fleurs blanches. D’habitude, ces hybrides donnent plutôt des fleurs roses. Obtention néo-zélandaise de 1984. Floraison printanière. Grosses fleurs.
‘EG Waterhouse’
Hybride hyper connu (C. x williamsii) et très classique dans nos jardins. Ce camélia très élégant porte le nom d’un président de l’International Camellia Society. Floraison de mars à mai. Fleurs doubles, imbriquées, de belle taille (10 cm de diamètre environ). H. 2,20 m. Rusticité : – 12°C. Existe aussi en virosé.
‘Kick Off’
Fleur de pivoine, rose pâle éclaboussé de rose plus soutenu. Port compact. H. 1,2 m. Rusticité : – 10°C minimum.
‘Koto no-kaori’
Des fleurs rose soutenu toutes simples ET parfumées. Port érigé. Feuillage vert brillant. Floraison de janvier jusque’à mi-avril. Petit modèle (70 cm). Rusticité minimum : – 10°C.
‘Inspiration’
Variété hybride de C. saluenensis souvent plantée dans nos jardins, même en haie. Ce grand classique est très florifère entre décembre et mars. Les fleurs sont semi-doubles, de couleur rose parme. H. 1,2 m. Rusticité : – 17°C.
‘Kitty’
La fleur est magnifique, délicate, blanche ourlé de rose . La fleur préférée de Max. «Il est enregistré comme C. japonica mais, moi, je suis convaincu que c’est un hybride. Quand les fleurs sont fanées, elles tombent toutes seules et c’est une caractéristique d’hybride. Et les feuilles sont toutes petites.» Rusticité minimum : -10°C. H. 1,50 m.
Les camélias à fleurs jaunes
“J’aime beaucoup le jaune, mais il n’en existe malheureusement pas beaucoup, malheureusement. J’en cultive un en pot ici. Il s’appelle ‘Kagorohi’, fleurit jaune citron. Il en existe d’autres avec des fleurs d’un jaune plus chaud.
Ces camélias à fleurs jaunes ne peuvent pas être cultivés en pleine terre en région parisienne. Ils sont trop fragiles. J’en ai vu en revanche quelques-uns en Bretagne dans des endroits vraiment protégés. J’ai beaucoup ‘Kicho’, une obtention de M. Yamaguchi, issue d’un croisement entre C. japonica et C. nitidissima). Les fleurs sont à forme de tulipe, jaune clair, et à étamines orangées. On le trouve chez Stervinou et c’est, sans doute, le moins fragile des camélias à fleurs jaunes.
Ces variétés jaunes ont généralement pour parent l’espèce nitidissima. Pour ma part, j’ai fait des hybridations avec l’espèce flava. Les petits pieds poussent bien, mais ils ont les grandes feuilles de nitidissima. Ça donne de la fragilité à sa descendance.
Les camélias des frères Nuccio
C’est la pépinière la plus connue au monde quand on parle de camélias. Elle a été créée en Californie par les frères Nuccio. ‘Julio Nuccio’ ressemble un peu à ‘Auguste Audusson’, la fleur est plus grande et d’un rouge plus lumineux. C’est l’un des premiers camélias sortis de ces pépinières américaines. ’Julio Nuccio’ existe aussi en virosé, les Américains n’ont pas pu s’en empêcher !
“À une époque, j’ai acheté de nombreux camélias de chez Nuccio. Maintenant, on ne peut plus importer directement de camélias en France depuis la Californie en raison des règlements phytosanitaires. Pour moi, cette interdiction n’est pas justifiée, car le camélia est peu sensible à des maladies graves.”
Un travail minutieux
Pendant des années, Max a noté sur de grands classeurs toutes les caractéristiques de ses obtentions. Année, numéro de l’hybridation, couleur de la fleur, forme et couleur de la fleur.