Les jardins suspendus de Babylone ont-ils vraiment existé ?

©DR

Les archéologues en perdent leur grec, leur latin, leur assyrien, leur sumérien. Les jardins suspendus de Babylone ont-ils vraiment existé ? Ne s’agirait-il pas plutôt des jardins suspendus de Ninive ? Les fouilles continuent, les hypothèses fleurissent, mais le mystère demeure…

Une des 7 merveilles du monde

Les jardins suspendus de Babylone figurent sur la liste des sept merveilles du monde antique avec le phare d’Alexandrie, le colosse de Rhodes, la statue chryséléphantine de Zeus à Olympie, le temple d’Artémis à Éphèse, le tombeau de Mausole à Halicarnasse, et la pyramide de Khéops à Memphis. 

pyramide de Kheops
©Don Whitebread
  • Seule la pyramide de Khéops est toujours debout.
  • La statue de Zeus faite d’or et d’ivoire a disparu lors d’un incendie.
  • Le phare d’Alexandrie a été frappé par un tremblement de terre avant d’être englouti par un raz de marée.
  • Le temple d’Artémis a été détruit par un incendie.
  • Le tombeau de Mausole n’a pas résisté aux tremblements de terre nombreux dans la région d’Halicarnasse (aujourd’hui Bodrum, sur la côte ouest de la Turquie).
  • Le colosse de Rhodes en bois et bronze qui mesurait 30 m de haut a été jeté à terre par des séismes répétés.

Les jardins suspendus, eux, demeurent une énigme. Ils excitent l’ardeur des archéologues depuis des décennies, voire des siècles.

Le gros cadeau d’un Nabuchodonosor II amoureux fou

Tout le monde s’accorde sur la légende qui a traversé les siècles. Les jardins suspendus ont été offerts par Nabuchodonosor II, roi de l’Empire néo-babylonien entre 605 et 562 avant J.-C., à son épouse adorée, Amytis. 

La belle Amytis est native de Médie, une région d’Asie Mineure, entre la mer Caspienne et le Golfe persique. La Médie est une contrée verdoyante, où l’on cultive des roses et du jasmin. Quand elle épouse Nabuchodonosor, elle prend la direction de Babylone (dans l’actuel Irak) et découvre des paysages arides, sableux à perte de vue. La jeune épouse se morfond. Le monarque consulte alors Ishtar, la déesse mésopotamienne de la vie, de la fertilité, de l’amour, mais aussi de la guerre. Elle lui conseille de faire construire de merveilleux jardins pour ramener la joie dans les yeux et l’esprit d’Amytis

Moui-moui-moui… Il s’agit d’une légende. Peut-être Amytis a-t-elle vraiment marié au destructeur du Temple de Salomon (d’après la Bible), peut-être pas. Les documents retrouvés par les archéologues prouvent l’existence d’une descendance de Nabuchodonosor, mais on ne connaît pas le nom de la maman (ou des mamans) de ses deux filles et trois garçons. 

jardins suspendus de Babylone
La porte d'Ishtar, au Musée de Pergame ©Joyofmuseums

Fouilles sans succès à… Babylone

Ce n’est pas faute de les avoir cherchés, ces jardins… Depuis deux siècles, les campagnes de fouilles n’ont rien donné. En revanche, elles ont permis de mettre à jour d’autres immenses trésors antiques à la hauteur de ce que fut la capitale de l’empire néo-babylonien.

La porte d’Ishtar a été transportée et reconstituée ; elle est visible au Musée de Pergame à Berlin. Les ruines de sa ziggurat laissent penser que cet édifice religieux mésopotamien pourrait avoir inspiré le mythe de la tour de Babel. On sait aussi par certains écrits qu’il existait 43 temples à l’intérieur des remparts de Babylone. Les ruines de quelques temples ont livré des tablettes, des manuscrits permettant de mieux connaître les rites funéraires de la ville antique.

Des pistes prometteuses à Ninive

La ville de Ninine s’élevait dans la banlieue de l’actuelle cité de Mossoul, en Irak. Et il est possible que les jardins suspendus de… Babylone aient en fait existé, mais à Ninive, situé à quelques centaines de kilomètres. C’est l’hypothèse développée par des chercheurs et archéologues, parmi lesquels la spécialiste des langues anciennes du Moyen-Orient, Stephanie Dalley, de l’université d’Oxford. Leur créateur serait donc Sennachérib, le roi assyrien ennemi juré du babylonien Nabuchodonosor.

Représentation des jardins royaux de Ninive, d'après un bas-relief du palais de Sennachérib. ©British Museum.
Représentation des jardins royaux de Ninive, d'après un bas-relief du palais de Sennachérib. ©British Museum.

Argument de poids en faveur de la thèse de Stéphanie Dalley : construite sur un terrain plant, Babylone n’aurait pas permis la création de systèmes d’irrigation indispensables à l’entretien de ces jardins. Ninive en revanche bénéficiait en revanche de l’existence de deux cours d’eau et de canaux qui alimentaient de nombreux jardins y compris royaux et, pourquoi pas, des jardins suspendus… Des bas-reliefs attestent de l’existence d’aqueducs et de conduites d’irrigation.

L’erreur de localisation serait due à de grosses fautes de traduction d’écrits antiques. Mais rien ne permet d’affirmer… ou d’infirmer l’existence des jardins à Ninive.

Peinture de Ferdinand Knab
Peinture de Ferdinand Knab

Des preuves fragiles

Quelques auteurs ont rapporté l’existence de ces jardins qui auraient été construits à l’intérieur de l’enceinte du ksar (palais royal). Flavius Josèphe, Strabon, Quinte-Curce, Diodore de Sicile les décrivent souvent en détail, mais tous ont vécu 4 ou 5 siècles plus tard que Nabuchodonosor II. 

Hérodote, qui vécut au IVe avant J.-C. et séjourna à Babylone, ne fait absolument pas état de jardins suspendus. 

Les jardins suspendus de Babylone par Philon de Byzance

Choisit-on alors de faire confiance à Philon de Byzance, scientifique et ingénieur du IIIe siècle av. J.-C ? On lui doit la liste des 7 merveilles du monde et cette description des jardins suspendus de Babylone…

 

Jardins suspendus de Babylone
©DR

« Le jardin qu’on appelle suspendu, parce qu’il est planté au-dessus du sol, est cultivé en l’air ; et les racines des arbres font comme un toit, tout en haut, au-dessus de la terre. En effet, des colonnes de pierre le soutiennent et tout l’espace au sol s’étend entre des colonnes taillées. Des troncs de palmier sont placés les uns à côté des autres en guide de poutres, ne laissant entre elles que des espaces étroits ; ce bois est le seul qui ne pourrisse pas : même mouillé et comprimé sous de lourdes pressions venues du haut, il se courbe et nourrit les pousses des racines, trouvant pour lui-même, par ses proches interstices, sa cohésion extérieure. Sur ces poutres a été versée, en abondance et en épaisseur, de la terre ; aussi peuvent y croître les arbres à larges feuilles que l’on trouve surtout dans les jardins, des espèces de fleurs variées et de toutes sortes et, en un mot, tout ce qui est de plus charmant à voir et dont on peut jouir le plus agréablement.

Le terrain est cultivé comme on le fait dans les champs et on lui prodigue, par les travaux de marcottage, les soins que l’on demande à une terre stérile : la terre arable se trouve au-dessus de la tête de ceux qui se promènent à travers les colonnades. Si l’on marche sur cette surface en hauteur, la terre qui recouvre les toitures reste sans mouvement et vierge, comme dans les endroits les plus profonds.

Les mouvements des eaux, dont les sources viennent de lieux dominants, ou bien s’écoulent tout droit et en pente, ou bien s’élèvent en jaillissant en forme de spirale, parce qu’elles courent autour de l’hélice des machines, sous la contrainte des appareillages ; elles s’élèvent alors jusqu’à de grandes et nombreuses fontaines, et arrosent le jardin tout entier en mouillant, en profondeur, les racines des plantes, conservant l’humidité de la terre arable.

Et c’est bien pourquoi l’herbe est toujours verte, et les feuilles des arbres qui poussent sur des branches tendres sont naturellement nourries de rosée et aérées par le vent. En effet, la racine dont on fait en sorte qu’elle n’ait pas soif, aspire l’humidité des eaux qui courent à proximité, tournoie dans le réceptacle que forment les tresses souterraines entre elles et garantit ainsi sûrement aux arbres vigueur et croissance.

Luxueuse et royale, cette œuvre d’art force surtout la nature en ceci : suspendre l’exercice de l’agriculture au-dessus de la tête de ceux qui la contemplent… »

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