À vingt minutes en vélo de Salzbourg, en Autriche, les jardins du château d’Hellbrunn, créés au XVIIe siècle, ravissent et amusent les visiteurs depuis plus de quatre siècles par leurs grottes magiques et leurs jets d’eau facétieux. Une visite originale à ne pas manquer lors d’un voyage dans la charmante ville de Mozart, même si l’on en sort un peu mouillé… À découvrir volontiers en famille.
Hellbrunn : un peu d’histoire…
Avec ses murs vanille et ses toits pointus, le château d’Hellbrunn est un des plus majestueux édifices de style Renaissance tardive du nord des Alpes. On le doit au prince-archevêque Marcus Sitticus qui le fit édifier en un temps record entre 1612 et 1615. Avec comme architecte Santino Solari, celui même de la cathédrale de Salzbourg ! Le prince venait y chasser, s’y promener et se divertir. Il organisait notamment des spectacles de musique, de danse ou de théâtre auxquels assistaient des invités de haut rang.
Tout autour se déploient un parc de 60 hectares d’aspect assez naturel avec une partie “à l’anglaise” et des jardins très originaux, on peut même dire uniques au monde. Leur particularité est d’avoir l’eau au centre de leur conception, fournie en abondance par le Mont d’Hellbrunn, voisin du site. Celle-ci y alimente une multitude d’effets des plus sophistiqués : bassins, fontaines, jets, grottes magiques, automates aquatiques… Autant de “jouets maniéristes” qui surprenaient les visiteurs et les amusaient mais pouvaient aussi les déstabiliser. Car ces dispositifs véhiculaient parfois quelques messages subliminaux : ceux d’un pouvoir politique qui se met en scène et se fait valoir, quitte à mettre à l’épreuve ses invités…
Le piège de l’amphithéâtre romain
Un des dispositifs les plus amusants, toujours en fonctionnement, est celui de l’amphithéâtre romain. Dans un décor on ne peut plus antique, au milieu de sculptures de Bacchus, Neptune ou d’esclaves prisonniers de guerre, le prince-archevêque réunissait ses invités autour d’une table en pierre entourée de tabourets discrètement percés. Au centre de la table : un grand creux longitudinal . Il servait à maintenir les boissons au frais pour le plaisir des convives. Plaisir, en fait, entièrement commandé par le maître des lieux.
Car ce dernier, d’un simple geste, pouvait faire surgir des jets d’eau au centre de tous les sièges. Excepté le sien ! Une farce à laquelle les invités ne pouvaient se soustraire qu’en franchissant un rideau d’eau de 87 jets jaillissant du sol et encerclant ce très spécial salon… Ils étaient arrosés dans tous les cas. Qu’ils en rient ou qu’ils en pleurent. « On ne pouvait se permettre d’être insulté sans joie ni plaisir et l’on devait rire malgré l’absence de politesse… » écrit D.Gisberti en 1670.
De grotte en grotte…
Cinq grottes se partagent la suite du parcours entre dieux grecs et créatures miraculeuses. Ce dernier s’effectuait à la lueur de torches portées par des serviteurs. C’est tout d’abord, la Grotte des Ruines avec ses murs et ses plafonds décrépis en trompe-l’œil semblant prêts à s’effondrer. Vos oreilles seront ensuite flattées par une surprise sonore : une grotte où une dizaine de différents chants d’oiseaux sortent de différentes niches en tuf. Cette création est d’une grande virtuosité technique pour l’époque. Car ce qui tiendrait aujourd’hui sur une simple bande d’enregistrement occupait, alors, toute une pièce avec une roue hydraulique, 11 tuyaux et tout un jeu entre air et eau.
Les Grotte aux miroirs et Grotte au coquillage réservent encore d’autres amusements. Sans oublier la Grotte de Neptune et sa kyrielle de jets cachés auxquels s’ajoute un arc-en-ciel et le fameux Germaul, un masque en fer grimaçant, roulant des yeux et tirant la langue de façon provocatrice. En bouquet final, la Grotte de Midas ou Grotte de la Couronne entoure un jet d’eau sortant du sol faisant monter et descendre une couronne. De l’art de s’amuser des aléas du pouvoir…
La ronde des automates hydrauliques
Subtilement disposés dans des petites niches, le long d’une étroite allée, les automates hydrauliques consistent en de petites scènes de genre issues de la mythologie grecque et romaine ou montrant des artisans locaux au travail. Tous les mécanismes en sont habilement cachés, ne laissant voir que des petites poupées en mouvement selon un rythme uniforme.
Ici un couple de meuniers au travail avec à leur pied leur enfant crachant de l’eau. Là, un potier moustachu s’activant à son tour et nous présentant ses plus belles réalisations. Ailleurs encore, Apollon et Marsyas ou Persée, Andromède et le fameux dragon. Des scènes simples et touchantes dont la virtuosité technique apparaissait à l’époque comme un « art divin ».
Un ambitieux théâtre mécanique
Il est le plus ambitieux des trésors hydrauliques d’Hellbrunn. Mais aussi le plus récent puisqu’il ne fut construit qu’entre 1748 et 1752 pour remplacer une Forge et ses nombreux personnages mus par l’eau. Ce grand théâtre se compose d’une tour-palais dans laquelle une série de marionnettes miment la vie de cour au XVIIIe siècle. À ses côtés, un bâtiment en hémicycle et à trois étages met en scène tous les métiers et commerces de l’époque. Cela à travers 142 figurines mobiles et 21 petites figures fixes.
Ici, c’est un boucher abattant un bœuf. Là, un barbier rasant un client, des gardes marchant vers le palais ou encore un ours se donnant en spectacle. Plus loin encore, un paysan pousse une vieille femme dans une brouette… Toutes choses rythmées par des morceaux de musique joués à l’orgue. Un spectacle émouvant dont on peine à s’éloigner, ce dont se chargent, une fois encore, quelques jets d’eau bien placés…
Des jardins d’Hellbrunn au jardin Mirabell…
On pourra terminer l’exploration des jardins d’Hellbrunn par une visite du château et son intéressante exposition sur la vie qu’on y menait, et les rapports du prince-archevêque avec la nature. S’impose aussi un petit coup d’œil, au fond du grand parc à l’anglaise, au pavillon où fut tourné un très romantique duo dans le film La Mélodie du bonheur (1965). Pour les fans de ce film (très nombreux dans le monde), il faudra, de retour à Salzbourg, faire quelque pas dans le Jardin Mirabell dont la fontaine Pégase est aussi le décor d’une des scènes. Ce jardin de plaisance baroque déploie ses parterres géométriques en plein cœur de cette ville de charme avec de très beaux points de vue sur la forteresse. On pourra en admirer le théâtre de haies, le jardin des nains, la roseraie et l’orangerie.
Renseignements pratiques
Le jardin et le château d’Hellbrunn sont ouverts jusqu’au 3 novembre
Se rendre à Salzbourg depuis Paris
En train, de nuit (8 heures) ou de jour (11h) : économique et écologique.
Pour les plus pressés : vol jusqu’à Vienne puis train jusqu’à Salzbourg (6 heures de voyage). On peut aussi faire Paris-Francfort et Francfort Salzbourg en avion (temps équivalent au train si on compte les transferts et les temps d’attente obligatoires aux aéroports). Compagnies Austrian Airlines et Lufthansa
Où dormir
Hotel & Villa Auersberg : calme, jolies chambres, salle à manger sur jardin
Pour toutes les informations
L’Office National Autrichien du Tourisme
L’Office du Tourisme de Salzbourg
A signaler: la Salzburg Card qui, en dehors de Hellbrunn, donne accès à de nombreux sites. Et le Festival de Salzbourg (musique, opéra, théâtre) du 19 juillet au 31 août 2024.