Si, aujourd’hui, l’ananas se déguste frais, en rondelles, en carrés, en conserve, en jus, en sirop, en confiture, il a longtemps été un fruit rare, « le roy des fruits » destinés aux mégariches qui ont même dépensé des fortunes pour pouvoir s’en régaler. Il faut dire que l’ananas venait – déjà – de loin.
Quel Européen a-t-il « découvert » le roy des fruits ?
Comme d’habitude, le mérite en revient à Christophe Colomb qui aurait donc découvert le fruit en débarquant en Guadeloupe en 1492. Dans les mémoires du navigateur, il n’est fait pas mention de l’ananas, mais Michele da Cuneo, un des compagnons de Colomb décrit le fruit. Pour lui, les ananas ressemblent à des artichauts « mais quatre fois plus grands, qui donnent un fruit semblable à des pignes, mais deux fois plus grands ». Il explique également que la population locale l’appelle « nanas » ou « nanas nanas »…
Des descriptions complémentaires
Ben oui, y’avait pas encore d’appareil photo. Il faut donc le talent d’autres explorateurs pour « voir » à quoi ressemble donc le « roy des fruits ».
En 1535, paraît « Historia General y Natural de las Indias ». Dans cet ouvrage Gonzalo Fernandez de Oviedo y Valdès, historien espagnol, décrit l’ananas et livre la première illustration botanique.
Jean de Léry, voyageur et écrivain français, se livre à une grande description de l’ananas dans son livre « Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil » (1578). Extrait en vieux françois, bien sûr.
« Quant aux plantes et herbes, dont je veux aussi faire mention, je commenceray par celles lesquelles, à cause de leurs fruict et effects, me semblent plus excellentes. Premierement la plante qui produit le fruict nommé par les sauvages Ananas, est de figure semblable aux glaieuls, et encores ayant les fueilles un peu courbées et cavelées tout à l’entour, plus approchantes de celles d’aloes. Elle croist aussi non seulement emmoncelée comme un grand chardon, mais aussi son fruict, qui est de la grosseur d’un moyen Melon, et de façon comme une pomme de Pin, sans pendre ni pancher de costé ni d’autre, vient de la propre sorte de nos Artichaux.
Et au reste quand ces Ananas sont venus à maturité, estans de couleur jaune azuré, ils ont une telle odeur de framboise, que non seulement en allant par les bois et autres lieux où ils croissent, on les sent de fort loin, mais aussi quant au goust fondans en la bouche, et estans naturellement si doux, qu’il n’y a confitures de ce pays qui les surpassent : je tiens que c’est le plus excellent fruict de l’Amerique. »
Voir l’ananas en peinture…
Alors, on le décrit, les chanceux le dégustent, mais à quoi ressemble le fruit exactement ? La première représentation connue de l’ananas est attribuée à Jacopo Ligozzi, artiste italien, qui le dessine. Puis, l’ananas figure dans des peintures.
« Charles II presented with a pineapple » (1675-1680), peinture attribuée à Hendrick Danckerts. John Rose, le jardinier royal, y est agenouillé pour présenter à Charles II un ananas soi-disant produit en Angleterre.
« Un ananas dans un pot posé sur une plinthe de pierre » (1733), de Jean-Baptiste Oudry. Le tableau est conservé par le Musée national des châteaux de Versailles et est exposé dans le Cabinet doré de Marie-Antoinette.
Roy des fruits pour folie de monarques
L’ananas a été l’objet de culture (ou tentatives de culture…) dans les jardins royaux. Mais, en Europe, pas facile de faire pousser ce fruit qui a besoin de températures très élevées, et ce pendant des années, pour pouvoir produire ses fruits. Il faut donc, à l’époque, installer des poêles à entretenir en permanence et à surveiller pour éviter les incendies. Autant dire que ce caprice coûte un bras à Charles II en Angleterre, Louis XIV en France, et aux riches Hollandais qui se lancent dans la culture du « roy des fruits ».