Entre traiter à outrance et ne pas traiter du tout, il y a un juste milieu pour Daniel Bernet, pépiniériste dans le Lot-et-Garonne, producteur d’arbres fruitiers. Alors, pourquoi et comment intervenir sur vos fruitiers tout au long de l’hiver.
Hortus Focus : Pourquoi traiter les arbres en hiver ?
Daniel Bernet : À cette saison, les arbres sont nus. On traite alors pour prévenir les maladies, pour que la végétation de l’arbre puisse mieux résister aux attaques des champignons dès le printemps. C’est de la prévention, tout simplement.
Certains jardiniers ne veulent plus du tout traiter leurs arbres fruitiers…
C’est une erreur. Oui, je sais, j’ai des clients qui me disent ne plus vouloir traiter du tout, mais il ne faut pas tout mélanger. Il y a eu des exagérations ou des excès en matière de traitement. Mais, de là à ne plus rien faire du tout, c’est une bêtise. Il y a un minimum de traitement naturel applicable et à la portée de tous.
Combien de traitements recommandez-vous dans l’hiver et lesquels ?
Je conseille trois pulvérisations à la bouillie bordelaise. La première juste après la chute des feuilles pour une meilleure cicatrisation des plaies et commencer à contrer la moniliose et la tavelure, pour les pommiers et les poiriers notamment. Le deuxième traitement est à appliquer en février, juste avant le débourrement des feuilles. Et le dernier quand les bourgeons se développent. On utilise de la bouillie bordelaise diluée dans de l’eau. Il faut bien respecter le taux de dilution indiqué sur le mode d’emploi. Ces pulvérisations aident aussi à lutter contre la cloque qui touche principalement les pêchers, les brugnoniers. La cloque fait tomber les fleurs. Pas de fleurs, pas de fruits !
On dit que le cuivre, ce n’est pas bon pour la terre…
Il ne faut pas exagérer ! C’est comme pour tout, il faut savoir ne pas abuser. Oui, c’est du cuivre, mais, en dehors de l’hiver, pas besoin de traitement. Si vous associez l’utilisation de la bouillie bordelaise et la taille de l’arbre en hiver, c’est parfait.
En quoi la taille permet-elle de lutter contre les maladies ?
En éliminant les branches et les gourmands à l’intérieur de l’arbre, on crée un puit de jour. Plus il y a de branchages, plus il y a de risques de maladies. Par ailleurs, la taille va permettre au soleil de mieux entrer au milieu de l’arbre. Les fruits mûriront mieux, ils prendront plus de sucre et se conserveront beaucoup mieux.
Le reste de l’année, on ne traite pas ?
Non, on les laisse vivre jusqu’à l’automne suivant et la récolte des fruits. Il faut laisser la nature faire. Les arbres fruitiers sont aussi capables de se fabriquer une immunité naturellement. Si le printemps est humide et chaud, on peut voir des attaques de pucerons sur le pommier et le poirier. On peut les combattre tout simplement avec du savon noir qui est un excellent insecticide biologique.
Les variétés anciennes sont-elles naturellement plus résistantes aux maladies et attaques de ravageurs ?
Je peux vous garantir que oui, elles sont plus résistantes. Nos pépinières disposent d’un verger conservatoire planté par mes grands-parents. C’est, pour nous, une précieuse “banque” de greffons. Et beaucoup de clients me disent : “Qu’est-ce-que c’est que ce fruit que vous nous avez vendu ? Il nous rappelle notre enfance, les fruits que l’on pouvait manger dans nos vergers familiaux”. Effectivement, nos fruits ont du goût et ils sont bien plus sains que les nouvelles variétés. Depuis les années 60, les variétés nouvelles ont répondu aux exigences des nouveaux consommateurs et de la grande distribution : des fruits plus gros, plus colorés, d’un aspect plus esthétique, mais d’une qualité gustative pas forcément supérieure. Depuis quelques années, les consommateurs recherchent des fruits beaucoup moins traités et s’ils sont “moches”, déformés, ils s’en moquent. Seul le goût compte.
Pépinières Daniel Bernet, Laforêt, 47330 St Quentin du Dropt. Tél : 05 53 36 84 94.