On la voit l’été dans les champs, les prés, les prairies et, avec un peu de chance dans son jardin. C’est une amie précieuse pour les jardiniers. Nous avons rencontré Annabelle. La présidente de l’Association des Grandes Sauterelles Vertes (Tettigonia viridissima) lutte notamment pour qu’on arrête de la confondre avec un criquet, ah mais ! Interview exclusive…
Hortus Focus. Dites donc, Annabelle, vous êtes fêlée de la mandibule ou quoi ? Vous venez de me mordre…
Annabelle. Oh, ça va, arrêtez de faire votre chouineuse. Je ne vous ai pas mordue, je vous ai pincée fort. On ne vous a pas dit que j’aime ma liberté ? Je déteste qu’on m’attrape, qu’on m’emprisonne entre deux paumes, ça me rend dingue… Alors, je me défends. Un p’tit coup de dent et hop…
Je vous pose sur une tige le temps de l’interview, cela vous convient-il ?
Comme toute Tettigonia viridissima, je préfèrerais être un peu cachée dans l’herbe, mais je vous fais confiance pour surveiller les alentours. Attention, à la moindre alerte, je suis capable de sauter très loin et de disparaître très vite. Je ne vole pas très bien, mais côté cuisses et saut d’élan, je suis un as.
Annabelle, une question délicate. Êtes-vous un mâle ou une femelle ?
Faut vraiment tout vous dire… De toute évidence, vous n’avez pas beaucoup bossé votre sujet avant cette rencontre. Sinon, vous sauriez que je suis une femelle. Visez donc ma tarière ! On ne voit qu’elle ! C’est avec ce sabre, au bout de mon abdomen que je ponds mes œufs dans la terre à la fin de l’été. Vous croyez que je vais m’amuser à gratter le sol comme une tortue des Galapagos ? Non, comme toutes les grandes sauterelles vertes, je pique le sol et zou, je livre…
Stridulez-vous, chère Annabelle ?
Ma pauvre fille… Mais non ! Je laisse ce privilège aux bonshommes. Ils adorent se faire remarquer. Et vas-y que je te stridule de l’après-midi ou soir à nous en casser les oreilles. Bon, d’un autre côté, c’est ainsi que Jojo m’a séduite. Il stridulait un peu plus harmonieusement que les autres. Il était follement romantique, me stridulait “Que je t’aime, que je t’aime, que je t’aime…”. Hélas, notre histoire d’amour a tourné court. Jojo était sourd et il s’est fait écrabouiller par une moissonneuse batteuse.
Savez-vous que vous êtes l’une des Dix plaies d’Égypte ?
Oui et ça me rend dingue ! Voilà ce qu’on peut lire de mon peuple dans le Livre de l’Exode : “Elles recouvrirent la surface de toute la terre et la terre fut dans l’obscurité ; elles dévorèrent toutes les plantes de la terre et tous les fruits des arbres, tout ce que la grêle avait laissé et il ne resta aucune verdure aux arbres ni aux plantes des champs dans tout le pays d’Égypte”. C’est n’importe quoi ! Les sauterelles vertes sont car-ni-vo-res, mettez-vous ça une fois pour toutes dans le crâne. On s’en fiche du blé, des feuilles, etc. Nous, on boulotte des colonies de pucerons, de chenilles et de larves de doryphores. Pas comme ces foutus criquets qui, eux, sont végétariens. Ça fait des siècles et des siècles que ces fourbes font porter le chapeau à la grande sauterelle verte, il est temps de rétablir la vérité ! Je compte sur vous.
Pas de souci ! Mais comment vous différencier ?
Nous, Tettigonia viridissima, sommes bien plus imposantes, plus grandes. Et il suffit de regarder la longueur de nos antennes. Le criquet, pauvre de lui, a une paire d’antennes ridiculement petite. Chez nous, les antennes sont très, très longues. Quant aux femelles criquet, elles n’ont pas de tarière, ces gourdes. Elles doivent enfoncer leur abdomen dans le sol pour pondre, tu parles si c’est pratique…