Bonjour petit Padawan du jardin !
Aujourd’hui, la fin du joli conte pour partir à la découverte des épices et aromatiques du jardin et de la cuisine. Suis les aventures de Petit Li Hou et de Mr Feng dans leurs nouvelles aventures.
(Chapitre cinquième)
De Mechhed à Téhéran.
Mechhed n’était plus qu’à une journée de marche quand l’attaque eut lieu.
Petit Omar somnolait, calé entre les ballots d’épices, arrimés aux bosses de son chameau. Soudain, il entendit des hennissements et un bruit de galop.
Il se redressa et aperçut une trentaine de cavaliers, surgis d’on ne sait où. Ils barraient la piste.
Shir Omar, son grand-père, qui marchait en tête était le chef de cette caravane. Les infatigables petits chameaux de Bactriane lui appartenaient. À la vue des cavaliers, il fit arrêter la caravane et baraquer son propre chameau. Le vieil homme s’assit sur ses talons. Le plus tranquillement du monde, il bourra la longue pipe blanche qui ne le quittait jamais. Décontenancé par cette attitude pacifique, le jeune chef des cavaliers mit pied à terre et après un temps d’hésitation s’avança.
– Approche Tarek, fils de Tarek que je t’offre le thé. Que veux-tu ? Nous détrousser ? Voler d’honnêtes marchands ? Ce n’est pas par de telles actions que tu obtiendras la gloire et le prestige que Tarek, ton père, a gagné en combattant – lui – les Kazakhs venus des steppes. De vrais soldats ceux-là ! Pas de pauvres chameliers sans défense.
– ? ? ?
– Voilà ce que je te propose. Je vais t’offrir dix gros sacs du meilleur thé venus des Indes et surtout de la cardamome pour parfumer ce breuvage divin. Et pour sceller notre amitié, j’y ajoute un sac de cannelle. Tu pourras, à ton tour, l’offrir à tes médecins. Ils sauront l’utiliser pour en faire des remèdes et des onguents, mais ne leur donne pas tout. Et voilà, pour ta mère et tes sœurs ! Elles pourront en mettre dans les plats et parfumer les pâtisseries. C’est un cadeau de prix, car cette cannelle voyage depuis une île dont, sans doute, tu n’as jamais entendu parler.
– Une île ? Quelle île ?
– Une île lointaine qu’on appelle Ceylan.
Tout ceci n’était qu’un jeu de rôles où chacun savait parfaitement jusqu’où ne pas aller trop loin. Mais Petit Omar était inquiet et observait la scène en se demandant où il pourrait se cacher en cas de combat.
Shir Omar savait que ce n’était pas l’intérêt de Tarek de s’emparer par la force de toute la cargaison. La nouvelle, une fois connue, se répandrait et les caravanes abandonneraient cette route. En conséquence, le fils de Tarek, avait plus à perdre qu’à gagner en refusant ce que le vieil homme lui proposait. Mais le jeune homme était hésitant.
Il savait que ces cadeaux présentés par Omar comme somptueux étaient dérisoires par rapport à ce que transportait la caravane.
Tarek, de son côté, n’ignorait pas que les soi-disant pauvres chameliers désarmés de Shir Omar étaient de redoutables combattants. Il savait bien que sous la vanille, le safran et le curcuma, sous les gros ballots d’épices, les pacifiques caravaniers cachaient des sabres et des fusils.
Tarek et ses cavaliers disparurent derrière une grosse colline. La caravane reprit sa marche. Les chameaux blatéraient mécontents qu’on les oblige à se lever.
Le lendemain, les murs de Mechhed étaient en vue.
Comparée à Samarkand, Mechhed n’était qu’un gros bourg qui devait son expansion rapide au fait que des marchands venus de Peshawar renonçaient, de plus en plus nombreux, à remonter jusqu’à Samarkand plus au nord.
Tout autour du rempart de briques en partie écroulé, des nomades venus des hauts plateaux d’Iran avaient établi leurs campements de larges tentes basses et noires qui ressemblaient à de grands oiseaux, ailes déployées. Ceux-là transportaient l’encens dont les chrétiens qui vivaient au-delà de la Méditerranée faisaient une consommation immodérée et qu’ils avaient acheté vers Bassorah dans l’un des petits ports où les marins de la mer d’Arabie faisaient du cabotage. Ils avaient servi leurs clients de Chiraz et Ispahan avant de rejoindre la grande caravane pour, en sa compagnie, se rendre à Istanbul depuis Mechhed. Parmi eux quelques Bédouins dont on ne comprenait pas pourquoi ils n’étaient pas remontés directement sur Bagdad en suivant la route plurimillénaire de l’encens.
Ces chameliers montés sur de grands méhara blancs regardaient avec mépris les montures brunes, basses au garrot et sans grande allure que montaient les chameliers de Bactriane. Leur intégration dans la grande caravane donna lieu à de nombreuses disputes et à des palabres sans fin. Certains d’entre eux refusaient l’autorité de Shir Omar. Petit Omar n’y comprenait rien. Il n’avait jamais vu son père, ses oncles et encore moins l’un de ses cousins discuter un ordre de son grand-père.
Ces nomades lui paraissaient de drôles de gens.
Enfin, après des jours et des jours d’atermoiements inutiles la caravane, à nouveau forte d’un millier de chameaux, prit la route pour Téhéran, Bagdad, Alep et Istanbul.
Suite à ce déjà long voyage, à ses fatigues et à ses périls innombrables, suite à ce que les transporteurs contemporains appellent les ruptures de charge (Changement de mode de transport ) et des temps perdus à cette occasion, suite aux taxes rarement justifiées, mais qu’il avait bien fallu payer, le chargement d’épices, alors qu’on n’était pas encore arrivé à Istanbul, avait d’ores et déjà atteint un prix astronomique.
Ces questions de gros sous laissaient petit Omar indifférent. Pour lui, seule comptait la découverte de gens et de paysages dont, avant ce voyage, il ne soupçonnait même pas l’existence.
L’étape de Mechhed à Téhéran allait lui causer bien des frayeurs.
La route, en effet, avant d’arriver à Téhéran, passait non loin de Fort Alamut où autour de l’an mille régnait le Vieux de la Montagne et sa sinistre secte des Hachassins. On disait que sept siècles plus tard son pouvoir de nuisance était intact . Aussi les chameliers ne s’attardaient-ils pas et pressaient le pas vers Téhéran et ses vastes caravansérails où hommes et bêtes, mais aussi leurs précieuses marchandises seraient en sûreté.
(Chapitre sixième)
De Téhéran à Istanbul.
Rien ne retenait les chameliers dans cette ville où ils n’avaient aucune intention de vendre où d’acheter. Parvenus à cette étape du voyage, ils n’avaient plus qu’une hâte : arriver à Istanbul.
Tous, qu’ils soient Uzbeks, Turkmènes, Arabes ou Perses étaient las de ce trop long périple.
Tous, hommes et bêtes étaient recrus de fatigue. Même les petits chameaux de Bactriane si durs à l’ouvrage donnaient des signes d’épuisement. Petit Omar, quant à lui ne mettait plus pied à terre.
C’est tout juste s’il accorda un regard à Bagdad, la capitale d’Haroun-Al-Rachid, la perle du désert où étaient nées «Les Mille et Une Nuits» dont il connaissait quelques héros comme Aladin et Sinbad le Marin. C’est tout juste s’il aperçut dans un demi-sommeil la splendeur des coupoles et des minarets.
À l’étape d’Alep, Shir Omar décida de faire halte quelques jours pour permettre aux hommes et aux bêtes de prendre un peu de repos. Sous la vigilance de la citadelle perchée sur son rocher, les chameliers oubliaient leur fatigue en jouant aux échecs devant le thé fumant et reconstituaient leurs forces avant de reprendre la route d’Istanbul. Une route sûre, de mieux en mieux gardée. On approchait du cœur de l’Empire ottoman, de l’ancienne Constantinople ; une ville qui avait un pied en Europe et l’autre en Asie.
Depuis son départ de Mechhed, Petit Omar avait découvert bien des choses, des gens et des spectacles, mais ce qu’il voyait là… …dépassait son entendement.
Devant lui s’étendait une masse d’eau bleue qui paraissait sans limites où qu’il portât le regard.
Petit Omar n’avait jamais vu la mer.
Il n’avait jamais vu non plus ces choses étranges qui semblaient marcher sur l’eau et que son grand-père appelait des bateaux.
– Ce que tu vois là c’est le Bosphore qui vers l’Est rejoint la mer Noire et vers le soleil couchant rejoint la mer de Marmara. Ici tu es à Stanboul. Devant toi dans la brume c’est Constantinople. Demain nous traverserons pour rencontrer les Vénitiens qui emporteront nos épices en Italie. Pendant la traversée tu auras tout le temps d’admirer la grande mosquée construite par Sinan l’architecte du grand Saladin ainsi que les innombrables coupoles et minarets de cette ville magnifique.
C’est dans les entrepôts situés au fond de La Corne d’Or qu’eurent lieu les négociations.
Le marchand de Venise marquait une estime qui n’était pas feinte pour Shir Omar. Les deux hommes s’appréciaient depuis longtemps. Le Vénitien était accompagné d’ une très jeune fille vêtue avec élégance. Elle comprenait la langue de Petit Omar, car, comme lui, elle était née à Samarkand, où elle avait été enlevée puis vendue comme esclave avant d’être rachetée par le marchand de Venise qui, pour finir, l’avait adoptée et rebaptisée Oriana.
Tandis qu’elle lui racontait ses aventures, Petit Omar la dévorait des yeux.
De tous les souvenirs qu’il rapporterait de son voyage, Oriana serait de loin le plus beau. Il se promit, lors de son prochain voyage, dans deux ans, de la demander en mariage.
Mais c’est une autre histoire…
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SALUT LES P’TITS JARDINIERS,
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