Le climat breton est propice à la culture du thé (Camellia sinensis). Émile Auté – au nom presque prédestiné – produit différents thés sur des parcelles plantées dans le Finistère. La production, c’est une chose, la dégustation en est une autre dont Émile maîtrise l’art et les subtilités.
Dégustés, classés, approuvés !
Chaque thé produit par Émile Auté est dégusté par des professionnels, des amateurs et même des maîtres de thé. “Je leur demande de répondre à plusieurs questions. Est-ce bien un thé vert ou est-ce qu’il est trop oxydé ? Si c’est le cas, est-ce un vraiment semi-oxydé ? Est-ce bien un thé noir ? ». Autre possibilité : faire des exercices de dégustation pour permettre aux clients de maîtriser leur propre méthode d’infusion. On prend alors le même thé, le même grammage, la même théière, la même qualité et la même quantité d’eau. “Le premier je vais, par exemple l’infuser à froid pendant 3 heures, l’autre 2 minutes à 75°C. Les couleurs et les goûts ne sont pas les mêmes ! À l’aveugle, vous allez me dire, ce n’est pas le même thé, et pourtant si ! ». En résumé, quand on a compris le principe des infusions multiples, on a les clés pour mener sa propre dégustation et trouver sa méthode personnelle d’infusion.
Température et durée d’infusion
Pour le thé noir : 95°C, entre 4 et 5 minutes.
Pour le thé vert : 70°C, pendant 3 minutes.
Le thé peut être infusé plusieurs fois
Attention, on ne parle pas là du classique sachet qu’on jette dans une tasse et qu’on laisse trempoter plus ou moins longtemps avant de le mettre à la poubelle ou au compost. Non, là il s’agit de « vrai » thé. Et là encore, en fonction des types de thé, les techniques d’infusion ne sont pas les mêmes.
Le thé vert classique : peut être infusé trois fois jusqu’à 7 à 8 fois.
Un thé blanc de première récolte peut être infusé jusque 10 fois. Ce sont des thés de pleine feuille, et il leur faut au moins deux passages pour commencer à être bien réhydratés. À chaque passage se développent des arômes différents. Ce sont des thés de dégustation au long cours.
Chinois, japonais, coréen ou… breton tout simplement !
L’objectif d’Émile n’est pas de faire un thé comme en Chine ou au Japon. « Certains cultivateurs qui se lancent m’appellent pour savoir si j’ai le cultivar ‘Yabukita’, le plus cultivé au Japon. J’ai pour habitude de leur répondre : si tu veux faire un thé japonais, va vivre au japon, il y plein de plantations à reprendre, les jeunes Japonais ne veulent plus vivre à la campagne. Donc, pour faire un thé japonais, il faut vivre au Japon en fait. Et puis j’ai beaucoup de respect pour ces pays producteurs historiques qui m’ont appris mon métier actuel. N’étant pas de ces traditions, je n’ai aucune obligation de les suivre, je me sens tout à fait libre de chercher, de créer. Le thé est produit depuis 2000 ans, on a plein de façons de faire d’un pays à un autre, voire d’une région à une autre, mais c’est comme pour l’art, il ne faut jamais s’arrêter de chercher, de créer, de tester, d’inventer. »
De la récolte à la vente
- La cueillette s’effectue à la main le matin. On prélève un bourgeon et deux feuilles, c’est ce que l’on appelle la cueillette fine. Le bourgeon, c’est une feuille encore entourée sur elle-même.
- Le flétrissage. Vers midi, à la fin de la cueillette, tout est étalé à l’ombre et les feuilles flétrissent.
- Le roulage : « Il intervient juste après le flétrissage », explique Émile. « Ce roulage permet de briser la fibre intérieure des feuilles et de développer une oxydation uniforme pour faire un thé noir ».
- La chauffe : « Pour faire un thé vert, il faut stopper rapidement l’oxydation soit en passant les feuilles au wok soit en les passant à la vapeur ».
- Le séchage : il est affecté mécaniquement dans un déshydrateur. L’opération dure une douzaine d’heures.
- L’affinage : le thé est encore enfermé dans un récipient opaque pendant une dizaine de jours. Cela modifie son goût.
Aiguilles d’Argent
Le thé Aiguilles d’Argent (également appelé Yin Zhen Bai Hat) était réservé à l’Empereur de Chine. Pour le confectionner, on cueille le bourgeon et la feuille située juste en dessous. Le bourgeon est couvert d’un petit duvet qui, en séchant, prend une couleur argentée.
Le « Glaz », un OTNI signé Émile
Ce sont des objets théicoles non identifiés. Et le thé « Glaz » en fait partie. Glaz, c’est le nom donné à la couleur de la mer en langue bretonne. Une couleur indéfinie entre vert et bleu. Pour construire ce thé vert, Émile s’est inspiré d’une méthode coréenne avec 9 étapes de roulage et 3 passages au wok.
« J’ai invité Zhou Guihua qui est maître de thé à l’Institut Confucius de Bretagne. Elle est chinoise et a donc une vision du thé assez sinocentrée. Son verdict après avoir dégusté « Glaz » ? Ce n’est pas un thé vert, il est très légèrement oxydé, tout le monde ne trouvera pas cette trace d’oxydation, mais mon palais reconnaît cette trace ». Le « Glaz » s’infuse par 7 fois ; il est légèrement iodé, très végétal avec une note d’épinard. Selon Zhou Guihua, ce n’est donc ni un vert, ni un semi-oxydé. C’est un thé indéfini, comme l’est la couleur de la mer bretonne !”
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D’autres OTNI…
Après l’étape du flétrissage, il existe deux méthodes pour stopper l’oxydation : le passage au wok (la méthode chinoise) ou un passage à la vapeur (méthode japonaise).
Émile s’amuse à faire des bains de vapeur avec autre chose que de l’eau. Il ajoute, par exemple, du miel d’Eucryphia, un arbre argentin très mellifère. Des particules de miel viennent se déposer sur les feuilles et le thé développe une saveur très originale. Il a aussi testé aux vapeurs de lait de chèvre des fossés. Cette race très ancienne de chèvre est moins productive que d’autres, mais le lait est de bien meilleure qualité.
Pas encore de thé fermenté ou sombre
Il s’agit d’un thé dans lequel on laisse une espèce de pourriture noble s’installer (comme pour le vin). « Ce sont des thés qui se bonifient avec le temps. Je n’en produis pas encore en Bretagne, car je n’ai pas encore trouvé la bonne technique. Traditionnellement, on l’enferme dans une boite sous on place le thé sous des bâches en plastique, mais je n’ai pas envie de ce contact avec le plastique. À la Réunion, j’ai tenté d’en faire sous toile de jute, mais le jute a donné son goût au produit… »
Boire pendant que c’est frais !
Pour Émile, « il vaut mieux boire le thé le plus frais possible après la récolte. Ici, on compte 15 jours entre la cueillette et la récolte. C’est la garantie de valeurs énergétiques préservées et d’une fraîcheur gustative ». C’est pour cette raison que les récoltes printanières de Darjeeling arrivent par avion ! Il faut savoir que, au bout de quelques mois, les thés déclinent et perdent en qualités.
Quel avenir pour le thé breton ?
Il s’annonce plutôt bien ! Les plants de thé sont de plus en plus nombreux (20 000 environ), répartis sur plusieurs sites (moulin de Kérouzéré, chez Michel Thévot qui a planté des pieds dont s’occupe Émile). On en trouve également à Moëlan-sur-Mer dont s’occupe la théicultrice Cécile Brunet, à Landerneau dans l’ancien Jardin des Bénédictines, chez Émile Auté au manoir de Castelmen.
Il se dessine une route du thé qui viendra enrichir le patrimoine culinaire et touristique breton ! Émile prévoit la mécanisation de la récolte pour faire baisser les coûts de production et permettre aux amateurs de thé de s’offrir ce produit breton, pour l’instant réservé aux grands restaurants et épiceries fines. Mais vous pouvez quand même – pourquoi pas ? – goûter et vous faire plaisir en faisant un tour dans la boutique.
Du thé au cognac !
Le breuvage a la propriété de prendre le parfum de tout ce qu’on lui donne pour l’accompagner. Émile, ancien propriétaire d’un bar à cocktails, a tenté une expérience : « J’ai importé du thé sombre de Chine et de l’ai mis à affiner deux ans dans une barrique de cognac. Le thé a pris les goûts de la barrique (chêne, effluves de cognac). J’ai proposé aux grands restaurants de le proposer en infusion à froid servie dans des verres à vin. Ils ont adoré, car cela leur permet de servir un produit très original à des gens qui ne boivent pas d’alcool ».