Le mois d’août arrive et avec lui, le dernier pollen de l’année, celui qui met le nez dans un mouchoir à 6 à 12% des Français qui y sont confrontés.
Ambrosia artemisiifolia : coupable !
Cette Américaine est une sacrée fâcheuse ! Une invasive et qui plus est hautement allergisante, autant dire qu’elle n’a pas bonne presse ! Elle est arrivée clandestinement et accidentellement fin XIXe début XXe. Elle se serait discrètement mêlée à des importations de légumineuses venues de Pennsylvanie.
Mauvaise pioche !
Les agriculteurs installés dans cette région des États-Unis étaient majoritairement d’origine allemande. Ils décidèrent d’exporter du trèfle violet (Trifolium pratense) vers l’Europe. Et c’est ainsi que l’ambroisie embarqua pour l’Europe.
Carnet de route
Dans l’Allier, on la signale dès 1863. Et comme elle est tonique, elle se répand dans toute la région Rhône-Alpes faisant couler les nez et pleurer les yeux.
Mais l’ambroisie ne s’arrête pas en si bon chemin, elle conquiert l’Hexagone et se lance à l’assaut de l’Europe. Allemagne, Angleterre dès les premières années de la décennie 1860-70, elle terrorise l’Italie, l’Europe de l’Est et le sud de la Russie.
Cette peste profite de la Première Guerre mondiale pour se glisser dans le fourrage destiné aux chevaux fournis à l’armée française et installer de nouveaux foyers d’introduction.
En 1930, la voici jouant les envahisseuses en Chine et n’hésitant pas à embarquer pour l’Australie.
Bien sûr, elle n’a pas épargné son pays d’origine et en 1946, les rhinites allergiques étaient si graves à New York que le conseil municipal lança une campagne d’éradication.
Si facile
Une fois installée dans un pays, l’ambroisie n’a plus qu’à attendre d’être transportée au gré des aménagements routiers, via les machines agricoles, dans le grain, en se coulant dans le lit des rivières.
On dit que la nature a horreur du vide, l’ambroisie en fait la preuve. Elle prend ses aises dans toutes les friches, les chantiers, le long des ruisseaux, là où on ne lui prête pas une attention trop importante.
Les petits fruits de l’ambroisie sont très malins
Les espèces invasives partagent toutes un pouvoir de dissémination particulièrement puissant. Les sauvages envoient leur progéniture vers d’autres horizons, à charge pour eux de conquérir de nouveaux territoires. Les akènes (fruits) de l’ambroisie sont dispersés par le vent, par l’eau, mais leur principal allié est l’humain. Semelles de chaussures, pneus et la voici en route !
C’est une aventurière, elle a un mode de dissémination dit anémochore : les graines anémochores sont souvent pourvues de poils ou d’une aile pour prendre vents et courants.
Prolixe !
Un pied d’ambroisie peut produire jusqu’à 3 000 graines, ça commence à devenir sérieux et, et un milliard de grains de pollen, ça gratouille le nez ! Vous comprenez le problème maintenant.
Outre les narines, elle envahit aussi les habitats de certaines plantes locales qui peinent à lui résister.
Signalez sa présence !
Si vous constatez la présence d’ambroisie, n’hésitez pas à le signaler sur la plateforme interactive de signalement de l’ambroisie : www.signalement-ambroisie.fr. Vous aiderez ainsi à lutter contre cette invasive dont le pollen peut gravement nuire à la santé.
Allergies, au secours !
En France, on estime à 600 000, le nombre des victimes de cette allergie et chez les Suisses, on monte à 20 % de la population, soit 1,2 million d’Helvétiques. Les États-Unis la considèrent comme la principale cause d’asthme sur leur territoire et pour cause, elle est présente sur 90 % du territoire !
Ça coûte fort cher à la sécurité sociale aussi : on parle de plus de 40 millions d’euros !
Quelles réactions provoque le pollen de l’ambroisie ?
D’août à octobre, on constate :
- Éternuements en salves avec démangeaisons nasales (prurit)
- Nez qui coule (rhinorrhée aqueuse) et se bouche
- Conjonctivite prurigineuse bilatérale avec des rougeurs, un larmoiement, et des démangeaisons.
Symptômes associés
- Une trachéite avec toux sèche, un accès de grande fatigue accompagnent particulièrement la rhino-conjonctivite allergique au pollen d’ambroisie
- Une respiration difficile, sifflante, en rapport avec une crise d’asthme (contraction spasmodique des bronches)
- La peau peut présenter des réactions prurigineuses localisées : rougeur, œdème, urticaire.
Quelles précautions prendre ?
Le ministère de la Santé et des Solidarités
- éviter les activités extérieures qui entraînent une surexposition aux pollens ;
- ne pas faire sécher son linge à l’extérieur ;
- fermer les vitres des véhicules (et changer tous les ans le filtre à pollen) ;
- se rincer les cheveux le soir (pour ne pas dormir la tête dans les pollens) ;
- aérer son habitation tôt le matin et tard le soir.
Pour vous tenir informé des émissions de pollen, consultez le bulletin allergo-pollinique sur le site du Réseau National de Surveillance Aérobiologique (RNSA).
Boule de cristal : l’avenir de l’ambroisie
L’avenir n’est pas serein. Changement climatique aidant, la conquérante devrait remonter vers le nord et une étude parue en 2015 dans la revue Nature climate change laissait apparaitre un risque de concentration du pollen dans l’air multipliée par quatre d’ici un peu plus de 25 ans tandis qu’une étude dans la même revue, datée du 21 avril 2020 faisait état de plus de 13 millions d’Européens touchés par l’allergie et d’un coût important pour les systèmes de santé.
Extrait de l’étude de 2015
“Nous estimons que d’ici 2050, les concentrations de pollen d’ambroisie dans l’air seront environ 4 fois plus élevées
qu’elles ne le sont actuellement, avec une plage d’incertitude de 2 à 12 en grande partie en fonction
des hypothèses de taux de dispersion des graines. Environ un tiers de l’augmentation du pollen dans l’air est dû
à la dispersion continue des graines, indépendamment du changement climatique.
Les deux tiers restants sont liés aux changements climatiques
et à l’utilisation des terres qui étendront la qualité de l’habitat de l’ambroisie en Europe du Nord et de l’Est
et augmenteront la production de pollen dans les zones de présence de l’ambroisie en raison de l’augmentation du CO2.
Par conséquent, le changement climatique et la dispersion des graines d’ambroisie dans les zones appropriées actuelles
et futures augmenteront les concentrations de pollen dans l’air,
ce qui peut par conséquent augmenter l’incidence et la prévalence de l’allergie à l’ambroisie.“
Extrait de l’étude de 2020
“Nous rapportons ici les effets de la plante allergène Ambrosia artemisiifolia
sur la santé publique en Europe […] sur le nombre de patients et les coûts des soins de santé.
Nous constatons que […], quelques 13,5 millions de personnes souffraient d’allergies
induites par l’ambroisie en Europe, entraînant des coûts de 7,4 milliards d’euros par an.
Nos projections révèlent que la lutte biologique contre A. artemisiifolia réduira le nombre de patients
d’environ 2,3 millions et les coûts de santé de 1,1 milliard d’euros par an.
Nos calculs prudents indiquent que les coûts économiques actuellement discutés
des EEE sous-estiment les coûts réels et donc aussi les avantages de la lutte biologique.”
Et pourtant, l’ambroisie pourrait se révéler
Face au développement d’une forte résistance aux antibiotiques dans les populations humaines, les chercheurs explorent les composés des plantes et des huiles essentielles à la recherche d’activité antimicrobienne. Les plantes très résistantes et invasives incitent à la curiosité.
L’ambroisie a donc fait l’objet d’une étude. On a découvert des molécules bioactives dont une, l’isabelin, a été testé pour en contrôler les effets antimicrobiens.
2 pistes
L’isabelin a été mis en contact d’une bactérie du sol, le Paenibacillus sp., avec un résultat très positif en matière d’activité antimicrobienne.
Puis, on lui a fait rencontrer des pathogènes et bactéries humains, et c’est face au staphylocoque doré multirésistant que l’isabelin s’est montré très efficace.
Se pourrait-il que cette plante tellement détestée entre au panthéon des plantes médicinales ?
Molinaro F., Tyc O., Beekwilder J., Cankar K., Bertea C.M., Negre M., Garbeva P. The effect of isabelin,
a sesquiterpene lactone from Ambrosia artemisiifolia on soil microorganisms and human pathogens.
L’ambroisie ou herbe à poux
C’est une plante annuelle , très invasive de 30 à 60 cm de haut. de la famille des Astéracées, non mellifère.
Nom scientifique : Ambrosia artemisiifolia.
Tige : rougeâtre et velue et très ramifiée à la base.
Feuilles : larges, fines, découpées et opposées à la base.
Fleurs : petites et vert clair, disposées à l’extrémité des tiges. Inflorescence en épis. Floraison : août, septembre.
Le fruit : akène contenant une seule graine.
Habitat : friches agricoles, chantiers, bords de route et berges
Mauvaises graines
Merci à Katia Astafieff, auteure de Mauvaises graines, la surprenante histoire des plantes qui piquent qui brûlent et qui tuent. Dans son livre, il vous reste encore à découvrir les secrets de nombreuses plantes redoutables. Son livre est un plaisir à lire, plein d’entrain et d’humour, et très intéressant.
Katia Astafieff est biologiste spécialisée en communication scientifique et passionnée de voyages. Elle est directrice adjointe des Jardins botaniques du Grand Nancy et de l’Université de Lorraine.
Éditions Dunod – 208 pages – 17,90 €
La lutte est engagée
Des actions de prévention au niveau national
Les espèces dont la prolifération constitue une menace pour la santé humaine sont les suivantes :
1° L’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) ;
2° L’ambroisie à épis lisses (Ambrosia psilostachya) ;
3° L’ambroisie trifide (Ambrosia trifida).
…assorties d’amendes si les propriétaires laissent la plante proliférer sans l’arracher (450 € tout de même !)
Pourtant, rien ne l’arrête. On la trouve au milieu des champs de tournesol et les traitements herbicides lui sont indifférents. D’ailleurs, une fois installée dans les champs de tournesol, elle se mélange gaillardement avec les grains pour disséminer ses akènes.
La lutte biologique, prudence !
La lutte biologique fait l’objet de multiples recherches. La Chine aurait tenté avec succès un joli scarabée dénommé Ophraella communa ; l’Italie a confirmé l’essai en Lombardie. Le coléoptère, lui-même américain d’origine, pondrait jusqu’à 2700 œufs sur les feuilles d’ambroisie, réduisant d’autant son expansion.
Toutefois, la plus grande prudence est nécessaire si on ne veut pas, au motif de combattre une plante envahissante, ouvrir la voie à un insecte… envahisseur.