Jonathan Nicolas et Jérôme Gautherat ont créé l’Atelier Organique. Leur jeune entreprise basée dans le Gard conçoit, met en place et entretient des totems végétalisés. Une solution pour les communes. Elle simplifie l’entretien des espaces verts et limite la consommation d’eau.
Hortus Focus : comment vous est venue cette idée de créer ces totems végétalisés ?
Jonathan Nicolas: je suis paysagiste de formation avec une spécialité en gestion plus écologique des espaces verts en ville. Voilà une dizaine d’années, j’ai eu l’idée des totems, mais c’est en voyageant avec Jérôme, un ami de longue date, en Amérique du Sud qui a remis l’idée au goût du jour et nous a donné l’envie de proposer des solutions pour des villages et villages plus verts demain.
Jérôme Gautherat : j’ai travaillé dans le secteur paysager et l’électricité, je suis le technicien de l’entreprise. En Amérique du Sud, nous avons vu la végétation luxuriante, grimpante qui peut recouvrir des murs entiers, voire même des quartiers. Au retour, nous avons décidé de nous associer et de travailler sur des solutions vertes. Nous avons travaillé sur des projets événementiels, en Suisse pour une association pour la protection de la nature.
Puis en discutant avec les collectivités, nous avons développé notre solution pour qu’elle réponde à leurs besoins et leurs attentes. Notre projet initial a beaucoup évolué évidemment.
Comment avez-vous été amenés à faire évoluer votre projet ?
Au début, nous ne proposions pas de totem mobile et modulable et autonome en eau. Or, aujourd’hui, il y a de moins de moins de personnel dédié à l’entretien des espaces verts et les communes étaient « bloquées » par la nécessité de consacrer du temps de travail à l’arrosage et l’entretien des totems.
Ce sont toutes ces remarques qui nous ont amenés à revoir le système pour lui donner une totale autonomie.
Quelles sont les différences avec un mur végétal ?
Le totem est une solution beaucoup plus durable et beaucoup plus économique qu’il s’agisse du coût, de l’entretien (engrais, arrosage…). Un mur végétal est beaucoup plus coûteux en termes d’installation et d’entretien, et on peut pas le déplacer à loisir.
Comment se présentent vos totems végétalisés aujourd’hui ?
Ils sont composés de trois parties :
- une partie basse qui se pose directement sur le sol,
- une structure de bois et métal,
- des bacs de plantation à 360°.
Comme ils sont autoportants, on peut les installer n’importe en ville, autour d’un luminaire par exemple, ou tout seul dans un lieu. Pas d’ancrage donc pas de sol à décaisser. Le totem est modulable et transportable ailleurs à tout moment. Nous l’avons prévu en plusieurs versions qui vont de 2,5 m à 4 m.
Comment l’arrosage est-il géré ?
Le bas de la structure intègre un réservoir de 420 litres qui, selon les modèles, permet une autonomie de 4 à 6 semaines s’il ne pleut pas. Concrètement, ça fonctionne comme une station-service. On ouvre le bouchon du réservoir et on réalimente à partir d’une cuve mobile. La structure nécessite au grand maximum 8 remplissages par an. Cela représente de grosses économies d’eau et moins de temps consacrés à l’arrosage par le personnel de la collectivité. En automne, nous intervenons pour mettre le système hors gel, et nous venons le remettre en route au printemps et nettoyons les filtres.
Nous avons aussi inventé un système de micro-irrigation racinaire pour permettre à chaque plante de recevoir l’eau dont elle a besoin.
Quelles plantes installez-vous dans les totems ?
Ils sont constitués uniquement de plantes vivaces, sélectionnées pour leurs faibles besoins en eau. Nous choisissons de préférence des plantes à feuillage persistant ou semi-persistant pour assurer un décor végétal à longueur d’année : heuchères, sédums, euphorbes, érigerons, carex, delospermas. Et nous adapterons ces plantes aux régions où nous implanterons les totems. Et les plantes sont adaptées également à l’exposition du totem puis certaines vont forcément recevoir plus de soleil que d’autres. On a environ 70% de plantes de soleil et donc 30% de plantes d’ombre ou de mi-ombre.
Quels sont les matériaux utilisés et où sont-ils fabriqués ?
Nous tenons à faire travailler des artisans et du personnel local. Les totems sont fabriqués avec des matériaux nobles à l’exception de la base qui est en béton armé (mais largement recyclables). La grande majorité des composants sont fabriqués dans un rayon de 50 kms autour de l’entreprise. Et nous travaillons également avec un ESAT. Quant aux plantes, elles proviennent de pépinières locales, comme celle d’Olivier Cazeneuve.
Où avez-vous installé votre premier totem ?
Il a trouvé sa place dans la commune héraultaise de Saint-Martin de Tréviers. Les premiers retours sont très bons. Les habitants et la mairie sont contents. Cette année, on devrait installer nos totems dans une dizaine de localités principalement en région Occitanie, mais nous avons aussi des contacts en dehors de notre région.
Vos totems sont-ils connectés ?
Oui, on peut les gérer par Bluetooth, wi-fi, 4G depuis son ordinateur. Il est possible de contrôler le niveau de la réserve d’eau, de programmer les arrosages, de vérifier s’ils ont bien été effectués…
Ont-ils une longue espérance de vie ?
Nous les testons depuis 6 ans, et nous nous engageons à une durée de vie d’au moins dix ans. Les bacs de plantation sont fabriqués en bois brut, en cèdre des Cévennes par un artisan menuisier. D’autres bacs sont composés de liège et d’écorces de pin et nous savons qu’ils tiennent au moins 6 ans et sans doute 10. Peut-être plus. Côté plantes, il arrive qu’on en change quelques-unes dans l’année, mais les vivaces peuvent rester en place entre 3 et 7 ans.
Combien coûtent vos produits aux collectivités ?
Il faut compter entre 5 900 et 10900 € HT, tout dépend de la hauteur, du choix des matériaux de recouvrement de la structure, de l’autonomie totale ou la non-autonomie. Cela peut paraître cher, mais les collectivités s’y retrouvent en coûts liés à l’eau et à l’entretien.
Nous avons fait des comparatifs entre nos totems végétalisés et des équipements classiques dans une ville du sud (jardinières suspendues et au sol). Résultat : nos produits permettent 86% d’économie en eau et en temps d’entretien sur une année.