L e 18 juin 1815, à Waterloo, les armées de Napoléon 1er font face aux soldats britanniques, allemands, néerlandais et prussiens unis dans l’armée des Alliés. La bataille se solde par la défaite française, pourtant en supériorité numérique. À la fin de quatre jours de combats, on dénombre environ 9500 morts, plus de 30 000 blessés, 4000 disparus, 12 chevaux tués…
Mais où sont passés les morts de Waterloo ? On a retrouvé un seul squelette…Les autres tués ont-ils été transformés en engrais ? C’est la conclusion d’une étude du Journal of Conflit Archeology dont je vous propose un résumé…
Des témoignages contemporains
Les auteurs de l’étude se sont penchés sur les témoignages de ceux et celles qui sont venus sur le champ de bataille immédiatement après ou dans les semaines suivant leur carnage. Les fosses communes sont bien entendu encore visibles. Certains visiteurs rapportent que des blessés meurent dans leurs bras tandis que d’autres, huit jours après l’horreur, sont encore en cours d’évacuation vers des structures médicales.
Nombreux sont ceux qui n’y parviennent jamais, leurs corps « sont jetés le long de la route de la forêt de Soignes et enterrés à la hâte », rapporte Charlotte Anne Eaton, femme d’affaires et nouvelliste. Les autres récits datent de plusieurs semaines après la bataille. Il s’agit notamment de ceux du poète Sir Walter Scott et de Robert Hills qui consacre un long chapitre dans son livre “Sketches in Flanders and Holland” à sa « visite » du champ de bataille de Waterloo.
Se débarrasser des blessés et des morts
Les premiers visiteurs ont donc raconté l’évacuation des blessés, le pillage généralisé d’artefacts (armes, vêtements, pipes, chaussures, fourreaux, etc.) et… l’élimination des morts.
Les cadavres des hommes et des chevaux sont soient brûlés, soient enterrés dans des fosses peu profondes.
Voici le récit de Charlotte Eaton :
« À l’orée du bois, et autour des murs en ruine du château s’entassaient d’énormes tas de cendres humaines, dont certaines fumaient encore. Le compatriote nous a dit que le nombre des morts était si grand qu’il était impossible de les consommer entièrement. Des fosses avaient été creusées dans lesquelles on les avait jetées, mais il fallait les élever bien au-dessus de la surface du sol. Ces monceaux épouvantables étaient recouverts de tas de bois, qui étaient incendiés, de sorte que sous les cendres gisaient de nombreux corps humains non consumés ». Brûlage et putréfaction des corps non incinérés sont la cause de l’épouvantable puanteur qui règne alors à Waterloo.
Des dessinateurs et des peintres tracent l’horreur, révélant ainsi la présence de plusieurs charniers-bûchers. Le bois ne manque pas, rares sont encore les arbres debout et les quelques survivants sont débités pour alimenter les bûchers.
Les différents récits, tableaux permettent donc de conclure à la présence de plusieurs grandes fosses communes. Certains visiteurs ont même cartographié les tombes où reposent des centaines de morts.
Une autre série de fosses funéraires près de la Haye Sainte aurait accueilli 4000 corps dépouillés de leurs uniformes . Amis et ennemis reposent ensemble.
Le pillage systématique
Dès la fin de la bataille, les paysans locaux ont afflué sur le champ de bataille pour récupérer tout ce qui pouvait l’être, surtout les chaussures et les bas, dont sont à l’époque dépourvus les plus pauvres. Les vêtements eux ont soit servi à en fabriquer d’autres, mais ils ont peut-être été transformés pour fabriquer du « papier-chiffon ». Les pillards ont commencé par dépouiller les cadavres des officiers dont le linge était plus fin avant d’achever le travail par les soldats simplement vêtus. Ils laissent en revanche sur les corps les linges sans doute trop abîmés ou imbibés de sang.
Dix jours après la fin de la bataille, l’inhumation et / ou le brûlage des corps est terminé
Mais où sont passés les morts ?
Les premières recherches bien des années plus tard se concluent par un mystère : les lieux d’inhumation dûment cartographiés, décrits ou dessinés par les visiteurs semblent ne jamais avoir existé ! Mais que sont donc devenus les corps de Waterloo ?
Rien, il n’y a rien. Le géoradar révèle bien des perturbations sous une dalle de béton. Des tranchées tests sont tracées… Rien. Des anomalies magnétiques montrent l’emplacement probable de bûcher. Échec, ce sont des fours à brique utilisés pour la construction des fermes. Rien, il n’y a rien dans le sol. Pourtant, on en est sûr, des corps ont été enterrés là, des bûchers ont fait se consumer des cadavres… Mais aucune trace des milliers de corps… Seuls quelques membres amputés et deux squelettes ont été découverts (et encore l’un d’eux est sujet à discussion sur son origine).
Sur la trace des corps utilisés comme engrais…
Il faut d’abord savoir que les os broyés en farine d’os sont parfaits pour servir d’engrais. L’utilisation des os abandonnés sur les champs de bataille napoléoniens divers et variés n’est pas exceptionnelle, mais nous avons du mal à accepter ce fait choquant. Pourtant des preuves existent… sur ces engrais comme sur l’arrachage des dents des victimes de Waterloo pour fabriquer, jusqu’en 1860, des prothèses connues sous le nom de « dents de Waterloo »…
« On estime que plus d’un million de boisseaux d’« ossements humains et inhumains » ont été importés du continent européen dans le port de Hull. Les environs de Leipsic, Austerlitz, Waterloo, etc., où se sont déroulées les principales batailles il y a 15 ou 20 ans, ont été balayés aussi bien des ossements du héros que du cheval qu’il montait. Ainsi recueillis de chaque côté, ils furent expédiés à Hull, et de là expédiés aux broyeurs d’os du Yorkshire, qui, à l’aide de machines à vapeur et de machines puissantes, les réduisent à l’état granuleux. Dans cet état, ils étaient envoyés principalement à Doncaster, l’un des plus grands marchés agricoles du pays, et y étaient vendus aux fermiers pour engraisser leurs terres. «La seule substance évoluant progressivement au fur et à mesure que l’os calcine, fait de tout fumier substantiel que presque toute autre substance un meilleur fumier que presque toute autre substance – en particulier les os humains ». (rapport de 1822)
Si on se résume, cyniquement, les fermiers anglais dont les enfants sont partis guerroyer ont nourri leurs familles d’aliments nourris à l’engrais produits à partir des ossements de fils de leur patrie…
En Écosse aussi, les os humains sont arrivés par tonnes
L’Écosse a également été destinataire d’ossements transformés en poudre, les os provenant des restes de milliers de personnes mortes pendant les guerres napoléoniennes. Un énorme chargement d’os (309 tonnes !) est encore répertorié pour l’année 1862. Des moulins à os sont chargés de les transformer en poudre avant de les acheminer jusqu’à des champs de… navets. Les fosses auraient donc été vidées de leurs contenants, vendues aux trafiquants (c’est ainsi qu’on appelait les marchands à l’époque).
En conclusion
Les résultats de l’étude laissent entendre que la plupart des milliers de morts de Waterloo (et leurs 12 000 chevaux) ont bien terminé en engrais.
Archéologues, historiens vont poursuivre leurs travaux. Les cartographies peuvent être inexactes, des morceaux de terrain être recouverts de monceaux de terre non encore fouillés. On sait qu’il existe de petites tombes accueillent deux ou trois ans seulement et sur lesquelles s’élevaient de petits monticules de terre… Dossier à suivre.