Chez Antoine Breuvart, pépiniériste et obtenteur

© Didier Hirsch

Depuis 26 ans, Antoine Breuvart produit ses plantes dans sa pépinière-jardin du Pas-de-Calais, à Ramecourt. Spécialisé dans les vivaces, il est aussi obtenteur de nouvelles variétés d’agapanthes, de crocosmias

Pourquoi t’es-tu installé à Ramecourt ?

Mes parents étaient agriculteurs, et j’avais là des terres et des bâtiments qui se prêtaient bien à ma future activité. J’ai d’abord été passionné par les plantes sauvages, puis je me suis intéressé aux plantes horticoles. J’ai travaillé dans le jardin expérimental du magazine l’Ami des jardins, j’ai travaillé au Clos du Coudray. J’ai appris beaucoup de ces expériences, de toutes ces expériences-là, j’ai appris plein de choses jusqu’au jour où je me suis dit après tout, je pourrai peut-être faire ma pépinière et je me suis installé dans ce corps de ferme, ce terrain qui correspondaient à mes besoins. 

©Didier Hirsch
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Pourquoi as-tu choisi de te spécialiser dans les plantes vivaces ?

Quand je produis une plante, j’ai besoin de connaître sa place, son utilité au jardin. Il y a des plantes que je ne produis pas parce que j’ai du mal à les placer dans un jardin. J’ai besoin de savoir où je vais la mettre avant de la mettre en culture et de pouvoir la conseiller à mes clients. 

©Didier Hirsch
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Comment a évolué ta clientèle tout au long de ces années ?

Au tout début, en 1998, je me suis adressé uniquement aux paysagistes. Je me suis vite rendu compte qu’il fallait que je touche également la clientèle des particuliers. J’ai donc fait quelques fêtes des plantes pour faire connaître la pépinière. Assez vite, les gens ont pris l’habitude de venir directement à Ramecourt. Les jardiniers sont venus en nombre, j’ai diminué les expos jusqu’à ne plus en faire quasiment du tout. Aujourd’hui, ma clientèle est répartie moitié-moitié entre paysagistes / collectivités et particuliers. 

Pépinière et jardin sont indissociables pour toi ?

Quand je me suis installé, je produisais déjà des plantes dans le but de les installer dans le jardin. J’avais réservé au départ une grande surface pour la pépinière. Cette surface s’est avérée trop grande et j’en ai profité pour faire un jardin à l’entrée de la pépinière pour accueillir les clients. Ils peuvent ainsi voir ce que donnent en pleine terre les plantes que je leur propose. 

L’autre partie du jardin se situe au fond de la parcelle avec une haie en fond. J’y ai planté toutes mes boutures, mes semis d’arbres et d’arbustes. Il a fallu quelques années pour que tout prenne forme évidemment. Plus le temps avance, plus j’ai tendance à introduire dans mes massifs des arbres et des arbustes. Je ne pas dire que le jardin s’est transformé en sous-bois, mais plutôt en clairières avec des massifs qui bénéficient d’une ombre légère.

©Didier Hirsch
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Pourquoi trouve-t-on dans cette partie du jardin de nombreux pommiers d’ornement ? 

Je les ai semés et sélectionnés pour voir comment ils allaient de comporter chez moi, en pleine terre. Ce jardin, c’est aussi un terrain d’essai depuis presque 30 ans. « L’affaire des pommiers d’ornement » a commencé avec un Malus transitoria acheté à Jean-Pierre Hennebelle. Un bel arbre avec de belles feuilles, des petites pommes jaunes et un beau feuillage d’automne. Il est toujours dans le jardin, fait 5 à 6 m de haut et de large. Quelques années plus tard, je me suis demandé ce que donneraient des semis de ce Malus. Et je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas deux semis aux résultats identiques !

Je les ai laissé pousser et pu observer que certains donnaient des pommes jaunes et d’autres des pommes orange ou rouges. Certains présentaient des feuilles très découpées, ou panachées et dans le lot, un avait des feuilles pourpres. Je ne soupçonnais pas une telle diversité ! J’ai donc pioché dans cette belle diversité et semé ces pommiers de deuxième génération. J’ai obtenu des Malus encore plus différents.

Et que se passe-t-il en 2010 ?

Cette année-là, j’ai tenu un pommier dont les premières feuilles naissent… roses.  Un vrai rose bonbon ! J’ai mis de côté les 3 petits plants qui avaient ce feuillage intéressant. L’année suivante, j’ai récolté toutes leurs petites pommes. J’ai ouvert chaque pomme, de la taille d’un noyau de cerise, pour obtenir au total 8000 pépins à peine plus gros que des grains de poivre. Je les ai tous semés, j’en ai repiqué 600, j’ai ensuite fait du tri et fini par en planter une trentaine dans le jardin dont celui au feuillage rose panaché et qui pour le moment se nomme ‘M98’.

Quelles sont les qualités de ce fameux ‘M98’ ?

Il est très poussant malgré un feuillage panaché. Il est très florifère. Ses feuilles sont très roses au printemps, son feuillage est découpé et devient rouge à l’automne. Il donne des petites pommes rouge foncé.

Tu es aussi un obtenteur de nouvelles variétés d’agapanthes et de crocosmias ?

J’en ai en effet obtenu plus d’une dizaine de variétés de crocosmias et d’agapanthes sur lesquelles je travaille depuis 25 ans. J’ai créé deux variétés protégées ‘Starry Night’ et ‘See Breeze’. La première est bleu très foncé. La seconde est bicolore et porte les couleurs inversées de la variété très célèbre ‘Twister’. Elle est blanche à la base et bleu au bout des pétales.

Chaque année, j’ai comme cela des semis que j’observe et je mets de côté les plus intéressantes. Je connais la mère, pas forcément le père, ce sont les abeilles qui se chargent de la pollinisation. On progresse d’année en année. J’arrive à avoir des plantes intéressantes, vigoureuses qui fleurissent dès la deuxième année de culture.

©A.Breuvart
©A.Breuvart
agapanthe fleurs - Hortus Focus
Fleurs d'agapanthes ©Antoine Breuvart
©Didier Hirsch
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Quels grands principes de culture as-tu adoptés dès le début de la pépinière ? 

J’ai décidé dès le départ de produire sans utiliser aucun pesticide pour avoir un jardin le plus vivant possible. Après, quand on travaille en pépinière, on est obligé d’utiliser un peu d’engrais pour la culture en pot. Faire pousser des plantes avec de l’engrais organique, c’est compliqué, pas encore au point, mais on y arrivera. J’utilise donc des engrais, mais a minima, et ils sont pelliculés pour qu’ils se diffusent bien et qu’on en perde le moins possible. Et j’ai toujours fait attention à cultiver et produire en ayant un impact le plus favorable possible sur l’environnement. C’est vraiment très important pour moi.

Je laisse toujours de l’espace dans les massifs et les plates-bandes pour les plantes sauvages. Enfin, j’aime les plantes qui se plaisent et qui restent longtemps dans un jardin. Pour moi, une plante vivace doit rester 20, 30 voire plus en place. J’ai vu des clients toujours heureux de leurs plates-bandes composées de vivaces pour certaines plantées depuis 25 ans. Ça, ça me fait extrêmement plaisir. 

©Didier Hirsch
©Didier Hirsch

Que fais-tu d’autre pour préserver l’environnement ?

J’utilise le minimum d’énergie. Ma pépinière n’est pas chauffée. Je recycle les pots. J’ai même des clients, particuliers comme paysagistes, qui me rapportent les pots lavés, c’est extraordinaire. Je n’achète plus de pots, je recycle les miens et même ceux qui viennent d’ailleurs. Ça correspond tout à fait à ma conception du jardin : durable. 

Pour moi, faire un jardin, c’est maximiser le vivant.

Qu’est devenu ton intérêt de jeune adulte pour les plantes sauvages ?

Plus j’avance dans ma vie, plus je reviens à mon premier amour pour ces plantes sauvages. Plus je prends de l’âge et de l’expérience, plus je me dis qu’on faire des jardins seulement avec des plantes sauvages ! 

Tu aimes aussi faire de la formation ? 

Depuis 2009, je travaille au centre de formation de Chaumont-sur-Loire. Cela m’a apporté et cela m’apporte encore énormément. J’ai appris beaucoup de choses au contact des citadins, j’adore ces échanges. Je leur apprends ce que j’ai compris des vivaces et eux m’apprennent l’utilisation qu’ils en font. Les villes de demain m’intéressent beaucoup. Quelle va être la place du végétal dans les années qui viennent ? On voit les changements climatiques, l’érosion de la biodiversité. Le végétal est une solution, mais il n’a pas encore trouvé sa place. Il y a encore tellement à faire.

La toute dernière obtention d’Antoine Breuvart

Il s’agit d’un Begonia grandis baptisé ‘Marie-Ange’, du nom de sa belle-maman, grande jardinière récemment disparue. La production et la diffusion de ce bégonia rustique a été confiée à Aurore Ducreux, de la Pépinière de La Roche Saint-Louis. Une nouveauté récompensée lors de la Fête des plantes de printemps 2024, au Domaine Saint-Jean de Beauregard.

©Carole Desheulles
©Carole Desheulles

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