Au village de l’eau à Melle, cet été, les Scientifiques en rébellion faisaient théâtre. Ils présentaient une pièce qui mettait en scène le procès des mégabassines dans un futur imaginaire.
Léa Bonnefoy, est astronome dans la vie et juge dans la pièce.
Laurent Husson est directeur de recherche au CNRS en Sciences de la terre à Grenoble et procureur dans la pièce.
L’une et l’autre sont membres actifs du collectif scientifiques en rébellion. Ils ont contribué tous les deux à la rédaction de cette pièce qui a réjoui le public.
Le spectacle et l’humour, de bons vecteurs
Pour aborder le thème des mégabassines et de leur impact sur les écosystèmes comme de la vie des agriculteurs, le choix était à l’humour. Il ne s’agissait pas d’une farce, mais de traiter des questions importantes, de conduire le public à réfléchir et de lui fournir des données scientifiques, mais pas de réponse toute faite.
« Nous avions déjà fait ainsi le procès de Total Énergie et celui des PFAS. À chaque fois, nous nous plaçons dans un futur plus ou moins proche et tentons de démêler de différents enjeux. »
La pièce évite les opinions stéréotypées, injecte de la complexité, tout en permettant de l’appréhender.
Ne pas se fier aux apparences
Concernant les mégabassines, le réseau est très complexe, très opaque, donc difficile à déconstruire. Les scientifiques ont donc choisi de cibler le représentant de l’État, le préfet. Et c’est alors qu’on réalise qu’il n’est pas si simple, ni très juste de se focaliser sur un individu, car il n’est jamais seul responsable. Et c’est alors qu’émerge la notion de système dont le préfet n’est donc que le bouc émissaire.
Les spectateurs réalisent alors à quel point tout est imbriqué. Il voit aussi comment chaque individu est tout à la fois un rouage et la victime d’un système. On comprend que ce système peut conduire à des décisions aberrantes, venant en contradiction complète avec la réalité ou les données objectives. Il produit même des décisions contraires aux intérêts humains.
Un ton un brin ironique
L’ensemble est truffé d’humour et de clin d’œil à l’actualité. L’interprétation par les scientifiques est volontairement rigolarde et on sent que tout le monde s’amuse beaucoup. Et, en fin de spectacle, des fiches sont distribuées dans l’assemblée pour permettre aux spectateurs de jouer le rôle de témoins. C’est donc par ce biais sensible qu’est l’humour et le spectacle vivant que nos scientifiques ont décidé de faire passer des messages importants. Et par l’ironie des mots et des faits, ils montrent qu’il est inutile de se focaliser sur un seul point de vue, qu’il faut démonter la mécanique.
Les témoins comme les acteurs viennent illustrer différents points de vue et engagent ainsi chacun à réfléchir plus profondément.
Tout le monde y est
Quand on parle de différentes perspectives, on trouve les politiques, les agriculteurs de tous bords, les commerçants et même les églises représentées sous les traits de Sainte-Soline !
« Ça me paraissait important de montrer que les églises, pas les religions, étaient complètement défaillantes sur la question environnementale, se prononçaient beaucoup trop peu là-dessus. », précise Laurent.
Qui sont les scientifiques en rébellion ?
Ce sont des scientifiques de tous horizons et de toutes disciplines qui ont choisi de se mobiliser. Face à ce constat désespérant que toutes leurs alertes ne débouchent que sur une prise de conscience et surtout une action dérisoire de la part des politiques, ils essaient d’agir autrement.
« Malgré toutes les informations que nous produisons sur le désastre climatique, l’effondrement de la biodiversité, le dépassement des limites planétaires, nous constatons un immobilisme redoutable. » Or comme Pierre-Henri Gouyon (biologiste, MNHN) et Marc-André Selosse (microbiologiste, MNHN), Léa et Laurent rappellent que toute cette science est produite aux frais de la Nation et pour la Nation, afin, entre autres, que les politiques puissent prendre des décisions éclairées.
Elles et ils sont 500 membres actifs et 3000 sympathisants qui se mobilisent contre l’inaction face au dérèglement climatique et à l’effondrement de la biodiversité. « Nous sommes encore trop peu nombreux, mais ce n’est qu’un début. » nous convient nos interlocuteurs. »
Que font les scientifiques en rébellion
Partant de ce constat, un certain nombre d’entre eux se sont regroupés, dans la filiation du mouvement International Scientist Rébellion présent dans le monde entier. Le collectif est né de l’Appel des 1000 scientifiques à la désobéissance civile paru dans le journal Le Monde en 2020. Un document explique la raison d’être du collectif et c’est ce à quoi les scientifiques qui font partie du collectif doivent adhérer. “Mais après, il y a beaucoup de sujets en discussion et pas forcément d’avis tranchés, et c’est bien. »
Le choix d’un mode d’action
C’est de cette façon que les scientifiques en rébellion se sont lancés dans la https://scientifiquesenrebellion.fr/medias/desobeissance/. Certains ont aussi témoigné dans des procès pour soutenir les associations et ONG. Certaines ont contribué à des tribunes en y apportant l’expertise scientifique. Ensemble, les scientifiques en rébellion ont écrit des procès fictifs sous forme de pièces de théâtre pour sensibiliser et informer.
Une organisation horizontale
C’est une organisation sans hiérarchie, aux modes de décision horizontaux et on y tient fortement. Chacun est libre de proposer un axe de travail et de le proposer … « certains, certaines vont rejoindre cette initiative. Parfois ça décolle, parfois ça retombe comme un soufflé et ça fonctionne comme ça.»