Lecture : Herbaria, histoire d’herbiers

Herbier
©Belchonock

Ce bel ouvrage s’attache à la notion d’herbiers, allant de planches botaniques, à des représentations de plantes avec des choix graphiques, liées à des histoires, à des inventions techniques jusqu’à des travaux de créateurs de plusieurs champs disciplinaires.

Taxonomie végétale

Dans une introduction intitulée « Taxonomie végétale », Domitilla Dardi rappelle que tout herbier correspond à un projet individuel avec la double manie, celle de conserver certaines choses et les ranger d’une certaine façon. À cela s’ajoute l’invention de plantes inexistantes et de les inventorier selon une variation de critères et de méthodes, d’où la naissance des herbiers « modernes », appellation qui n’est pas corrélée à une dimension chronologique. Ce livre peut être considéré comme « un herbier d’herbiers ». L’écrivaine s’interroge sur l’origine du désir de classer les plantes. Il serait né d’un besoin de régir la nature. Elle apparait sous forme de motifs dans nos intérieurs, également sous forme de livres, de journaux intimes où sont conservés des collections d’herbes et de plantes.

Histoire

Des herbiers constituent une documentation médicale. Les premières traces d’herbiers remontent à l’antiquité égyptienne. Dans la botanique médiévale, on trouve ensuite une relation entre les descriptions textuelles des plantes et leurs images. Puis, au début du XVIe siècle, les herbiers dits jardins secs ont été créés en parallèle des jardins botaniques. Dans le traité du naturaliste, botaniste et entomologiste Ulisse Aldrovandi, une grande exigence était accordée à l’esthétique. L’écrivaine fait état de découvertes de manuscrits présentant des illustrations de plantes d’une morphologie zoomorphe ou anthropomorphe. Les herbiers médiévaux ont eux la particularité de présenter des images issues bien souvent de la superstition et de la magie et des textes difficilement déchiffrables, ce qui en fait des objets particulièrement mystérieux. Le Codex Seraphinianus de Luigi Serafini en est un exemple : celui-ci est orné d’images de plantes fantasmagoriques et son texte est privé de sens. D’autres recueils donnent à voir des plantes inventées, un monde que les créateurs de ces herbiers aiment à décrire (La Botanica parallela de Leo Lionni). De plus, Domitilla Dardi précise que nombre de plantes fantastiques sont décrites dans des œuvres littéraires, notamment dans la fantasy, la science-fiction, les romans d’horreur.
Herbaria couverture
Herbaria • Plantes, herbiers modernes et florilèges • Domitilla Dardi • Editions Infine • 256 p. • 65€

Herbiers fantastiques

Attardons-nous sur les herbiers fantastiques qui associent végétal et animal. Le texte se mêle à l’illustration. Il peut relever d’une description précise semblable à une description scientifique ou être pure invention voir indéchiffrable. Quelques herbiers ou ouvrages attirent l’attention : Le livre Les fleurs animées de Granville, daté de 1847, la Nonsense Botany (Botanique absurde) d’Edward Lear, de 1888 avec des dessins de plantes imaginées, accompagnées de leur nom renforçant leur caractère irréel, plus proche de nous le Petit Almanach des plantes improbables & merveilleuses de Michel Guérard et Jean-Paul Plantive publié en 2005. Nombreux artistes contemporains explorent également la thématique du végétal dans leurs créations.

Herbiers graphiques

Considérons désormais les herbiers graphiques composés à partir de plantes réelles que les auteurs ont interprétés en privilégiant des choix relevant de gammes chromatiques et d’une ligne élégante. Domitilla Dardi précise que parfois le trait du dessin et celui du texte ou du nom entrent en relation, quasi fusionnelle. Ceci se révèle pleinement dans le traité sur les plantes médicinales du botaniste et médecin grec Dioscoride Pedanios, datant du XIIe siècle. L’herbier illustré de Giovanni Cadamosto Da Lodi (vers 1475-1527) présente la plante à grande échelle ainsi que son environnement naturel, à une autre échelle. Observons l’herbier (1905-1916) du grand architecte écossais Charles Rennie Mackintosh dans lesquelles on peut observer une influence des estampes japonaises qui l’intéressaient particulièrement. Lore Kutschera et Erwin Lichtenegger ont travaillé à la réalisation d’un recueil de dessins de systèmes racinaires (1982-2002), qui rend alors visible la vie végétale souterraine trop rarement représentée.

Herbiers techniques mixtes

L’invention de la photographie et de l’estampe a donné lieu à des explorations nouvelles de représentation des végétaux. Des recueils apportant des informations sur l’histoire de la flore, peuvent s’apparenter à des « herbiers involontaires » nous dit l’autrice. Quelques exemples d’une grande diversité de techniques : les dessins photogénétiques (1839-1846) d’Henry Fox Talbot, les cyanotypes (1843-1853) d’Anna Atkins, les photographies (1898-1932) de Karl Blossfeldt. L’Herbarium (2017) de Sally Gunnett est lui réalisé à partir d’éléments végétaux, des techniques d’impression qui rendent perceptibles une évolution comparable aux transformations du vivant.

herbiers anciens
©Museum national d'Histoire naturelle

Florilèges

La section florilège rassemble œuvres, installations, objets, graphiques, « des tentatives de catalogage et d’ordonnancement du monde végétal » (œuvres sur papier de Ruth Asawa datant de 1960-1975, Herbier de plantes artificielles d’Albero Baraya réalisé entre 2003 et 2013, Herbiers d’Herman de Vrier, de 2011, Infinite Herbarium Morphosis de Caroline Rothwell, créé en 2021. Ces travaux amènent à réfléchir aux changements de la relation de l’homme avec son environnement.

Ainsi, ce livre rassemble une grande diversité d’herbiers allant de la description du végétal, aux histoires à raconter jusqu’à l’invention de plantes. Au-delà d’herbiers sous forme de livres, il donne à voir une extraordinaire diversité de réalisations artistiques, certaines à vocation scientifique . Une traversée temporelle à travers une multitude de présences végétales, témoignant des inventions techniques et des connaissances botaniques.

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