À deux pas de la maison et du jardin de Claude Monet, à Giverny, se trouve le musée des Impressionnismes. Son jardin contemporain est semblable à une palette de peintre et comporte un « jardin noir ». Depuis quelques semaines, on peut le visiter, Smartphone à la main, en interrogeant une “appli “créée par Hélène Furminieux, responsable du service des publics. Mais faire rentrer la nature dans notre petite boîte noire n’est pas toujours évident! Nous l’avons interrogée.
Hortus Focus: tout d’abord, rappelez-nous l’histoire de ce jardin
Hélène Furminieux : il est né en 1992, en même temps que le musée créé par le mécène américain Daniel Terra pour présenter sa collection d’impressionnistes américains, projet qui s’appuyait sur le fait qu’à l’époque de Claude Monet, Giverny accueillait une importante colonie d’artistes venus des États-Unis. Le jardin du maître des Nymphéas étant tout proche, il était important pour le musée d’Art américain de s’en démarquer. Le paysagiste Mark Rudkin a donc choisi un parti très contemporain. Il y a quelques années, ce premier musée est devenu “musée des Impressionnismes”, mais le jardin est resté.
Son plan est très géométrique et s’organise par « chambres de couleur », comme une palette de peintres, avec un jardin rouge, un jardin jaune, un jardin bleu, un jardin blanc et un jardin noir. Tout au fond se trouve une prairie qui fait la transition avec la colline très souvent peinte par les impressionnistes (les Coquelicots de Claude Monet) et le milieu sauvage environnant. À l’intérieur de toutes ces “chambres” règne au contraire une sorte de liberté, une souplesse dans l’arrangement des plantes et des essences. Mark Rudkin, à l’époque où il a créé ce jardin, venait de terminer ceux du Palais Royal à Paris. Ils montrent ce même caractère : de grandes lignes géométriques encadrant des arrangements végétaux assez déstructurés, un peu « à l’anglaise ».
Pourquoi avoir créé cette application?
Il existait un besoin. Les visiteurs souhaitaient connaître le nom des plantes, l’histoire du lieu et comme nous sommes ici dans un jardin d’agrément qui prime par son esthétisme, nous n’avons pas souhaité mettre des étiquettes aux végétaux comme c’est souvent le cas dans les jardins botaniques. Le numérique a donc été une chance pour nous, pour donner des informations aux visiteurs sans avoir à toucher aux plantes.
Quelles informations apporte-t-elle ?
” le jardin des impressionismes ” est une application assez intuitive ; on n’a pas cherché à faire quelque chose qui sortait de l’ordinaire, la structure en est très simple. Vous pouvez choisir entre plusieurs fonctionnalités pour démarrer. Au total, 350 plantes sont répertoriées. Pour en identifier une, par exemple, vous pouvez vous servir de plusieurs critères d’observation comme la couleur, la taille ou la période de floraison. Un autre mode agit par reconnaissance (avec un visuel, vous pouvez connaître le nom de la plante). Vous pouvez aussi vous géolocaliser et avoir des informations sur la partie du jardin où vous êtes.
A-t-elle été difficile à mettre en place ?
Le plus grand problème a sans doute été celui de la couleur. J’ai voulu baser l’appli ” le jardin des impressionismes ” sur un critère simple, la couleur, mais en fait ce n’est pas un critère objectif . Du coup, il peut donner lieu, parfois, à des approximations. La notion de couleur est extrêmement culturelle. Pour un Inuit, par exemple, la description du blanc et de la neige a de nombreuses nuances contrairement à nous qui n’avons qu’un blanc. De même, certains peuples ne font pas la différence entre le bleu et le vert. Même dans notre pays, si vous demandez à plusieurs personnes de nommer une couleur, elles ne seront pas toujours d’accord !
Pour compliquer le tout, les plantes ont souvent des couleurs intermédiaires comme les bleus qui tournent au vert ou les rouges qui sont plus ou moins rose, orange ou violets. Sans compter le noir qui est une couleur qui n’existe pas dans le monde végétal – et nous avons un jardin « noir » – ! Pour nombre de ces végétaux, il a donc fallu trancher. Est-ce que celui-ci apparaît rouge foncé ou violet “foncé, foncé” ; bleu “foncé, foncé” ; ou encore vert “foncé, foncé” ? On touche là à des couleurs qui sont difficiles à qualifier.
En fait, vous avez voulu mettre de l’ordre là où il est difficile d’en imposer…
C’est vrai, mais c’est intéressant. Nous, humains, aimons bien mettre des étiquettes pour saisir le monde réel alors qu’en fait la nature est beaucoup plus complexe à appréhender.
Le jardin noir n’est-il pas l’anti-jardin par excellence ?
C’est juste un concept, un idéal, difficile à réaliser même si notre jardiner essaie chaque année de s’en rapprocher le plus possible avec de nouvelles plantes. En botanique, on a plusieurs plantes mythiques – la tulipe noire, le dahlia noir – mais elles appartiennent plus au monde du rêve. L’approche, ici, est plus culturelle que botanique.
Peut-on établir un lien entre ce jardin faussement « noir » et l’impressionnisme, sachant que la plupart des peintres de ce mouvement ont totalement éliminé le noir de leur palette ?
En fait, c’est un peu un mythe : Manet utilisait du vrai noir dans ses tableaux. C’est vrai que Monet donne l’illusion du noir avec des couleurs très foncées. Pour les ombres, par exemple, il utilise le rouge foncé, le bleu foncé ou le vert foncé. Et en cela, en effet, il se rapproche de nos plantes « noires » !
L'”appli” s’appelle ” le jardin des impressionnismes “. Le musée a aussi créé un conte interactif “Iris et les graines lumineuses” et un site interactif “La galaxie des impressionnismes”.
Télécharger ” le jardin des impressionnismes “.
Pour tous les renseignements, cliquez ICI
En anglais, c’est ICI.