Le Grimaldi Forum, à Monaco, présente une magnifique exposition dédiée à l’or des pharaons d’Egypte. La statuaire monumentale y alterne avec de somptueux bijoux prêtés exceptionnellement avant l’ouverture du nouveau musée Egyptien du Caire. Parmi ces 150 chefs-d’œuvre, de nombreuses pièces ont attiré notre attention par leur raffinement et leurs motifs en forme de plantes ou d’animaux.
Quel rapport les Égyptiens entretenaient-ils avec la nature? Nous avons interrogé Christiane Ziegler, commissaire de l’exposition, directrice honoraire du département des Antiquités égyptiennes au Louvre.
Hortus Focus : L’Égypte ancienne était une civilisation très agraire.
La nature occupe-t-elle une grande place dans son art ? 
Christiane Ziegler : Elle occupe une très grande place, aussi bien dans l’architecture que dans le décor des bijoux. De nombreux éléments ornementaux s’inspirent du monde végétal que ce soit le papyrus, le lys, la mandragore (son fruit) ou le jonc qui est le symbole d’une des parties de l’Égypte. Certains palais nous montrent des lacs couverts de lotus, fleur très présente aussi sur les bas-reliefs et les bijoux. On trouve aussi des fruits comme le persea et le raisin qui figurent en frise en haut des tombes peintes. Quant aux animaux, on ne les compte plus : l’abeille liée aux rois, le faucon, le cobra, ou encore le scarabée (kheper en égyptien) qui pousse le globe solaire.
Que symbolise le scarabée exactement ?
Avec le taureau et le faucon, il est un des symboles fondamentaux de la religion égyptienne. Il incarne le dieu solaire Rê qui renaît tous les matins à l’aube. Le scarabée est un emblème protecteur pour les vivants et un symbole de renaissance pour les morts. Sur les momies, il est souvent posé près du cœur, le siège de l’esprit.
En fait, la plupart des dieux de l’ancienne Egypte ont une forme animale. Le dieu des embaumeurs a une tête de chien ou de chacal (on ne sait pas trop) ; Sekhmet est la déesse lionne ; Bastet, la déesse chat et pour le dieu qui s’incarne dans un taureau sacré, on allait chercher l’animal dans des élevages parce qu’il fallait qu’il ait des marques spéciales : noir avec un croissant de lune blanc sur les flancs et un triangle blanc sur le front.
Les Égyptiens aimaient-ils les jardins, les fleurs ?
Les Égyptiens adoraient les jardins. Ils les ont beaucoup représentés parce que pour ce pays très sec et désertique, ils étaient un havre de paix. Les maisons avaient des jardins avec des étangs, des poissons… Quant aux fleurs, elles étaient aussi très présentes dans leur vie. Ils se les mettaient en couronnes sur la tête lors des banquets, composaient des « bouquets montés » pour les temples et déposaient des fleurs fraîches sur les sarcophages, tels des chrysanthèmes et des marguerites (on en a retrouvé dans les tombes).
Les cultivateurs de l’ancienne Egypte connaissaient aussi le pavot. L’exposition présente une couronne dorée à la feuille de la reine Taousert avec des corolles de cette fleur. De même des boucles d’oreille au nom de Séthi II s’ornent de graines de pavot. Les Égyptiens adoraient les plantes, les animaux aquatiques. Dans l’art, on trouve aussi de nombreuses scènes de chasse avec des antilopes, des taureaux… Il existe tout un bestiaire égyptien.
Ont-ils beaucoup représenté les travaux des champs ?
Ils les représentent dans l’au-delà. Comme ils pensaient y vivre comme sur terre, il fallait prévoir de s’alimenter et de boire ! Donc, à partir du temps des pyramides, on voit représenter dans les chapelles funéraires les travaux agricoles du domaine du notable qui est enterré avec tout son personnel. Cela va des semailles à la récolte du blé, de la cueillette du raisin aux vendanges.
Y avait-il des fêtes liées aux moissons ou aux saisons ?
Le retour de l’inondation donnait lieu à une grande fête. De même, à la Basse époque, au 1er millénaire, on fêtait les vendanges ; on buvait autant de vin en une journée qu’on en consommait en une année ! Dans les tombes, il y avait aussi ce qu’on appelle des « Osiris végétant » c’est-à-dire des figures en terre cuite du dieu des morts, qui servaient de jardinières et dans lesquelles on semait des graines de blé et des céréales. Elles poussaient et formaient une sorte de jardin en forme d’Osiris qui symbolisait le renouveau. Souvent ce dieu est figuré avec le visage et le corps verts, couleur qui symbolise le printemps ou le renouveau.
A-t-on des éléments sur l’utilisation des plantes dans la médecine ?
Il y a des traités médicaux, des sortes de manuels de pharmacie qui indiquent comment fabriquer des onguents, des remèdes ou des cosmétiques pour faire repousser les cheveux, par exemple.
L’arbre avait-il une valeur particulière chez les Égyptiens ?
Oui. Le sycomore, par exemple, avait sa déesse; un mythe dit que sur la tombe d’Osiris, on avait planté cet arbre. Le palmier et la cueillette des dattes sont souvent représentés même s’ils n’ont pas une signification spécifique. Quant au cèdre, il venait du Liban et coûtait très cher. En Egypte, il servit notamment à fabriquer les grandes barques du roi Khéops enfouies à côté de la pyramide de Gizeh.
Les Égyptiens connaissaient aussi l’acacia dont les graines étaient censées préserver la fécondité des femmes. Dans l’exposition, vous verrez des colliers avec des perles qui en ont la forme; il existait une déesse de l’acacia et parmi les poèmes du Nouvel Empire, on a retrouvé une ode à cet arbre. Cette époque atteste aussi de chants d’amour dédiés à des éléments végétaux comme le sycomore.
Que mangeaient les Égyptiens, beaucoup de légumes ? Que buvaient-ils ?
Ils mangeaient des oignons, des fèves, des lentilles, beaucoup de salades comme les laitues, beaucoup de pains très variés. Pas de tomate, en revanche ! Ils mangeaient aussi des gâteaux avec du miel, car ils ne connaissaient pas le sucre. Côté boisson, ils buvaient de la bière. On la faisait avec de l’orge qu’on réduisait en pâte, cuisait et laissait ensuite macérer dans de l’eau. Après fermentation, on filtrait le tout et pour plus de saveur, on ajoutait des dattes, des graines de pavot, de la caroube, des épices ou d’autres herbes.
Les Égyptiens faisaient aussi du vin et avaient des crus classés. On a retrouvé de grandes amphores avec inscrits dessus le nom du vignoble et l’année de la récolte !
Exposition “l’Or des Pharaons, 2500 ans d’orfèvrerie dans l’Égypte ancienne” au Grimaldi Forum, à Monaco, jusqu’au 9 septembre. Pour les renseignements pratiques, cliquez ICI