Chez les Leneindre, le châtaignier est un membre de la famille à part entière. On le travaille depuis 1891 entre Limousin et Île-de-France. Retour sur le parcours de cette société qui fabrique, artisanalement, des clôtures, ganivelles, plessis et objets de décoration avec Jean-Pierre, représentant de la quatrième génération Leneindre.
Hortus Focus. Votre société a toujours travaillé le châtaignier ?
Jean-Pierre Leneindre. Oui, mais pas seulement. Mon arrière-grand-père a créé la société. Mon grand-père a monté une société annexe au début du XXe siècle à Épinay-sur-Orge en Île-de-France et, dans les années 1940, il a aussi créé une usine en Corrèze où l’on travaillait la paille de seigle. On en faisait des paillassons par exemple. On s’adaptait aussi au rythme des saisons ; il y avait des périodes différentes pour travailler le châtaignier, la paille, le treillage…
Quand j’ai repris la société, après mon père, on a fait des paillons pour les fromages. Aujourd’hui, la société corrézienne a été reprise par l’un de mes cousins. Je suis en train de transmettre l’entreprise à mes enfants et nous nous sommes reconcentrés sur l’activité châtaignier.
Pourquoi la société a-t-elle été implantée en Île-de-France ?
Dans le temps, il existait de nombreuses châtaigneraies en région parisienne. Depuis, bien sûr, elles ont été mangées par l’urbanisation. Et la plupart des entreprises qui travaillaient le châtaignier exploitaient également la paille de seigle. Imaginez-vous qu’il existait même un Syndicat de la paille ouvrée qui regroupait une bonne vingtaine d’entreprises installées autour de Paris !
Ces sociétés ont disparu petit à petit. Les artisans n’ont pas trouvé de repreneur. Le châtaignier a été dépassé par la modernité, les grillages, le béton… Notre entreprise, c’est un peu Le Dernier des Mohicans. Je compte sur mes enfants pour assurer sa pérennité.
Où trouvez-vous désormais du bois à travailler ?
Nos bois viennent principalement du Limousin où l’on trouve la plus grande forêt de taillis de châtaigniers. Les taillis sont coupés tous les dix ans, car le châtaignier pousse assez rapidement. On emploie le gros bois pour faire des piquets, le bois un peu plus fin pour faire des échalas, des tuteurs, et le petit bois pour faire de la gaulette de châtaignier utilisée pour les plessis.
Échalas, ganivelles, kézako ?
L’échalas, c’est une grande latte, une perche, c’est un rondin de châtaignier que l’on a fendu. On l’utilise pour faire des clôtures. La ganivelle, c’est le nom moderne de “treillage à la mécanique”. Pour l’anecdote, le métier de mon père, c’était treillageur pas fabricant de clôtures en bois de châtaignier. La ganivelle est faite d’échalas reliés entre eux par des torsions de fils galvanisés.
Quelles sont les qualités de ce bois ?
C’est un bois mi-dur (un peu moins dur que le chêne), facile à exploiter. Il a une excellente tenue dans le temps. On utilise tout dans le bois de châtaignier ! En effet, le bois d’œuvre fait de belles charpentes, les feuillards servent à faire des cercles de tonneaux, les galettes se travaillent facilement en fascines, en plessis. C’est également un bois qui rentre dans le cadre du développement durable. Bien montée, bien travaillée, une clôture en bois de châtaignier va durer 20, 25 ou 30 ans. J’ai même vu des clôtures vieilles de 70 ans. Les clous avaient disparu depuis belle lurette, mais le bois, lui était encore là !
Peut-on aussi en faire des objets de décoration pour le jardin ?
On peut effectivement le cintrer. J’utilise le feuillard pour former des boules décoratives ou des petites tuiles sur des cabanes à oiseaux.
Le prix peut-il être un frein à l’achat ?
Il faut savoir par exemple qu’un échalas est redressé à la main, après avoir pris un bain de vapeur. L’exploitation, la transformation du châtaignier ne sont pas mécanisées. Dans tous les cas, c’est un homme, un artisan qui travaille. Et tout travail a un prix.
Tous les produits de la société Leneindre sont visibles ICI !