Henry Nardy, portrait d’un passionné de botanique

Jardin de l'Henry à Lunel
Henry Nardy ©Didier Hirsch

Henry Nardy, 84 ans, toujours bon pied bon œil, est un homme attachant et surprenant. Dans son Jardin de l’Henry, à Lunel, dans l’Hérault, il cultive des merveilles, et conserve sa curiosité d’enfant pour les plantes. Itinéraire d’un passionné de botanique.

 

Quand la maladie d’un père décide du futur d’un fils

Henry Nardy
©Didier Hirsch

“L’horticulture m’est venue par mon père. Il aimait les rosiers ; à 12 ans, je savais déjà les greffer. Mon père était facteur dans les Vosges, il est tombé malade des poumons. Une assistante sociale est venue nous voir, je venais d’avoir mon certificat d’études. J’avais 14 ans. Ils ont discuté de mon avenir et, deux semaines plus tard, je suis entré à l’École d’horticulture de Roville-aux-Chênes, à côté de Rambervillers. À l’époque, nous étions 45 élèves, les études duraient 3 ans, et le travail assuré à la sortie.

Je suis sorti major de la promotion, en 1954, et j’ai été immédiatement engagé par la ville de Vittel. J’habitais alors à 7 km de là, mais n’avais aucun moyen de locomotion ! Mon père m’avait promis un vélo pour le certificat d’études, mais n’avait pas eu les moyens de me l’offrir. Alors, il est monté au grenier chercher un vélo volé à un soldat allemand pendant la guerre. Il a suffi de le regonfler, et je suis parti travailler à vélo.”

Des Vosges à l’Hérault

“J’ai travaillé à Vittel jusqu’en 1965, mais, entre temps, il y a eu la guerre d’Algérie, une période difficile, très difficile. En rentrant, je me suis dit que le climat du Midi me conviendrait mieux. Je me suis donc installé dans l’Hérault. J’ai eu un peu de mal à l’adapter, mais j’ai pu travailler de suite avec des paysagistes. C’était l’époque de la construction à la Grande-Motte. On faisait des jardins autour de ces immeubles qui plaisaient beaucoup à l’époque. Mais j’avais déjà envie de m’installer à mon compte. J’ai commencé par travailler au mas de Fourques, chez les descendants de Victor Hugo, mais le boulot n’était vraiment pas intéressant. J’ai donc acheté ce terrain à Lunel et créé ma première pépinière.”

Le jardin de l'henry à Lunel
©Didier Hirsch

Un terrain, un chemin, une exploitation

 “Ce premier terrain faisait 3700 m2, ça a vite été rempli de plantes. J’ai eu l’occasion d’acheter un autre terrain juste en face de ma maison, construit un hangar, car en temps qu’agriculteur, si vous vivez de votre exploitation, vous avez un droit de permis de construire. Les voitures ont commencé à s’arrêter et mon affaire a bien tourné. Je produisais alors des fleurs, des arbustes, des arbres, des pins parasols. C’était la grande époque des pyracanthas, du cyprès bleu…

La vie n’est pas un long fleuve tranquille. J’ai divorcé, je me suis installé sur le terrain de la pépinière, comptant prendre une retraite tranquille, bichonner mon jardin. Mais voilà quelques années, Lunel s’est retrouvée incluse dans un projet d’Écoparc de 140 hectares, et on parlait de me mettre dehors. Aujourd’hui, ce projet n’a toujours pas vu le jour et a déjà été réduit à 35 hectares.  On a la chance d’avoir deux espèces protégées dans la zone, le lézard ocellé (Timon lepidus) et la Diane, un papillon. Et puis c’est un projet dont le prix risque d’être pharaonique, car le canal du Bas-Rhône fait barrage, il est surélevé. Il faut créer des retenues d’eau. Car ici, quand il pleut, on peut prendre 100 mm dans une journée.

Bref, j’ai senti le vent venir. J’ai commencé à structurer le jardin, planté des espèces rares. Je me suis inscrit au Ministère de la Culture et des Loisirs et ouvert mon jardin à la visite.” 

 

Le jardin de l'Henry à Lunel
©Didier Hirsch

Un jardin de curiosités

“J’ai tout planté ici. Du terrain d’origine, il ne reste que deux arbres, un Melia et un énorme févier d’Amérique (Gleditsia tricanthos). J’adore cet arbre, c’est le meilleur endroit où installer sa chaise longue en été. J’ai planté aussi beaucoup de palmiers et de yuccas. Malheureusement, le papillon du palmier (Paysandisia archon) en a détruit pas mal. Mais il me reste quelques beaux spécimens comme le butia laineux (Butia eriospatha), le cocotier du Chili (Jubea chilensis), le phoenix de Crète (Phoenix theophrasti), le Washingtonia.

Je me suis beaucoup intéressé au cocotier du Chili ; avec un collègue de Montpellier, on a essayé de les multiplier. On a semé des milliers de graines et finalement on en a obtenu une quinzaine seulement, j’en ai donné 4 à Henry de Colbert. Il les a plantés dans le jardin de son château de Flaugergues, à Montpellier.

J’ai aussi des araucarias, un pin de Coulter (Pinus coulteri) qu’on surnomme “l’arbre à faire des veuves”. Les cônes sont gros et lourds. Si vous vous trouvez en dessous à ce moment-là, ça peut vous tuer. Ça peut faire des veufs aussi…”

Opuntia microdasys
©Didier Hirsch

La passion des plantes grasses

“J’ai un tempérament de collectionneur ; j’en ai beaucoup, beaucoup et sans avoir quasi rien acheté, car je fais beaucoup de boutures. J’en bouture, on m’en donne. J’en ai environ 500 espèces. Un jour, j’ai vu arriver chez moi une voiture chargée de coussins de belle-mère ! Ils valent cher ces cactus ! Ils se trouvaient dans la maison d’un vieux Monsieur décédé et ses enfants ne voulaient pas de ses cactus. Si je ne le prenais pas, ils allaient être balancés à la déchetterie. Je les ai récupérés bien sûr et ces gens sont revenus l’après-midi avec une autre voiture pleine ! 

J’adore les fleurs des plantes grasses. Le souci, c’est que pour voir les plus belles, il faudrait presque coucher à côté pour guetter la floraison…”

 

 

Henry Nardy, un bavard pédagogue

“J’aime parler, expliquer, apprendre aux autres ce que je sais. Mes visiteurs repartent en sachant différencier les Ginkgo biloba mâle et femelle. Je dis toujours que le mâle, on dirait le général de Gaulle en train de faire un discours. La femelle, elle, a les branches à plat. Je leur raconte aussi la grande histoire du caroubier (Caratonia siliqua) et de ses fruits. Avec les graines, en Inde on pesait les bijoux, et en Algérie, elles servaient à peser les épices, chaque graine pensant 0,2 g. Et comme elle était utilisée pour peser les diamants, la graine du caroubier est à l’origine du mot “carat” qui est l’unité de mesure pour les pierres précieuses.”

 

Insolite : la griffe du chat 

Martynia annua est une plante curieuse. Le fruit peut être mangé vert comme un cornichon. Quand il est sec, impossible de mordre dedans. Les feuilles “pèguent” et attrapent les petits moucherons. Le feuillage sent particulièrement mauvais. La plante développe une épine très méchante qui fait penser à une griffe de chat. Une épine capable de transpercer une joue, donc attention ! 

Martynia annua
©Didier Hirsch

 

Le Jardin de l’Henry est ouvert pour les Rendez-vous aux jardins, et les Journées du Patrimoine. Le reste de l’année, ouverture pour les groupes uniquement sur RDV. Vous pouvez joindre Henry Nardy au 06 75 22 34 67. 

"Lien

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