Ne criez pas, le cloporte est votre meilleur ami et vous ne le saviez pas ! Les cloportes sont des crustacés, les seuls crustacés terrestres. On en recense 4000 espèces dont 218 sont présentes en France métropolitaine. L’espèce la plus répandue est le cloporte commun ou Armadillidium vulgare et dans les jardins on trouve aussi le cloporte rugueux ou Porcellio scaber.
Que le cloporte sorte, la pluie tape à sa porte.
(dicton lorrain)
Armadillidium vulgare
Porcellio scaber
Des crustacés
Les cloportes sont donc des crustacés terrestres, équipés d’un exosquelette rigide et segmenté qui leur permet de s’adapter à tous les terrains. Leur carapace est composée de calcaire, de phosphate de calcium et de chitine. Leurs segments sont associés en trois parties : la tête, le thorax et l’abdomen et portent 7 paires de pattes. Ils vivent un à deux ans dans des milieux suffisamment humides pour que leur carapace reste fonctionnelle et ne durcisse pas trop. Si vous les retrouvez roulés en boule sous une pierre ou un seau, ce sont des cloportes communs. Le cloporte rugueux ne le fait jamais !
Comme un kangourou !
Le cloporte se reproduit au printemps, lorsque les températures montent, et se poursuit jusqu’à l’automne. On compte 2 à 3 portées par an et 24 à 28 petits par portée. La femelle transporte les œufs dans une poche ventrale située sous le thorax – « marsupium » comme les kangourous – jusqu’à ce qu’ils éclosent, un mois et demi plus tard. C’est ainsi qu’elle les protège des prédateurs.
Mais qui mange les cloportes ?
Les cloportes ont bien sûr des prédateurs :
- les rongeurs,
- les oiseaux,
- les araignées chassant à la surface du sol. Dysdera crocata ne se nourrit que de cloportes.
Le cloporte est frappé d’une malédiction
Les Wolbachia, des bactéries parasites, transforment les mâles en femelles. Elles sont l’un des plus célèbres endosymbiotes, des micro-organismes intracellulaires.
Elles présentent des caractéristiques étonnantes et sont extrêmement répandues chez les arthropodes, infectant par exemple plus de 65% des espèces d’insectes.
Parasites du sexe !
Elles modifient la reproduction de leurs hôtes de diverses manières si bien qu’elles sont qualifiées de « parasite du sexe » ou de « parasites de la reproduction ». Chez les cloportes (crustacés isopodes), cette bactérie favorise l’apparition de descendants femelles.
Par ailleurs, la présence de Wolbachia influence la composition du microbiote des hôtes, et ce, quel que soit leur environnement.
(Source CNRS)
De l’utilité des cloportes au jardin
Ils font partie du réseau trophique.
Qu’appelle-t-on matières organiques ?
- les feuilles mortes,
- des déjections,
- un animal mort
- champignon mort
Ces matières végétales sont dites fraîches, c’est-à-dire non transformées.
À l’opposé, il y a l’humus, issu de l’évolution des matières fraîches.
La faune épigée, à laquelle appartiennent les cloportes a pour fonction de recycler toute cette nécromasse, c’est-à-dire de toute la masse organique morte et fraîche pour la transformer en humus.
Les cloportes se plaisent donc dans les lieux sombres et humides où ils recherchent les végétaux en décomposition qui renferment les microchampignons et les bactéries dont ils se régalent.
On dit qu’ils sont détritiphages. Grâce à leur travail patient et continu, ils renvoient les nutriments dans le sol.
Très sensibles aux odeurs de pourriture, ils peuvent arriver rapidement sur un fruit ou un légume abimé, mais ne sont pas la cause de son pourrissement. Jamais ils ne représentent un risque pour les cultures.
La faune épigée vit dans la zone herbacée, en surface. Elle broie et mange la litière et la réduit en éléments très fins attaquables par les microbes.
Qui la constitue ?
- des collemboles qui mangent les parties tendres de la litière. Leur population atteint 3 à 4 milliards d’individus à l’hectare.
- les acariens qui attaquent les parties les plus dures.
- les myriapodes et des cloportes qui attaquent les morceaux les plus durs.
- toute une faune d’insectes, d’arachnides, de vers et de mollusques.
Le travail de cette faune épigée ne se résume pas à la formation des boulettes fécales, mais aussi à une forte aération du sol de surface. Cette circulation de l’air permet une perméabilité de 150 mm d’eau à l’heure dans les forêts quand un limon labouré ne parvient qu’à 1 mm d’eau/heure.
Le réseau trophique
C’est le meilleur ami du jardinier ! Il désigne l’ensemble des chaînes alimentaires reliées entre elles au sein d’un écosystème et par lesquelles l’énergie et la biomasse circulent. On parle là des échanges d’éléments tels que le flux de carbone et l’azote.
Ce sont les membres du réseau trophique qui entretiennent la planète, mais aussi le mieux nos jardins, nourrissent, stabilisent, aèrent et retournent le sol. Ils contribuent par leur nombre et l’équilibre qu’ils créent à limiter les effets de pullulation. Les plantes y trouvent leur compte, car elles sont plus fortes, moins souvent malades, moins attaquées.
– 78 %
Les prairies ont perdu 78% de leur population d’arthropodes. C’est la conclusion d’une étude sur les arthropodes, publiée dans la revue Nature (en anglais), le 31 octobre 2019.
Les arthropodes forment un embranchement du règne animal qui réunit plus d’un million d’espèces. Les insectes, les araignées, les cloportes, les scorpions, les crabes… Dans les prairies, leur biomasse a décliné de 67 %. En forêt, l’étude montre une chute de 36 % du nombre d’individus et de 41 % de la biomasse. Et certaines espèces ont complètement disparu. L’étude incrimine nettement les intrants : pesticides et engrais chimiques.
+ 80 %
Le sol héberge 80 % de la biomasse vivante qui se répartit en trois types d’organismes : la faune, les racines et les microbes. Or ces organismes sont à la base de toute la vie sur terre.
Au ras du sol ou sous la terre, un petit peuple travaille dans l’ombre et l’humidité, occupé à brouter des feuilles mortes ou du mycélium de champignons présent à la surface des feuilles en décomposition. Les oribates (de très petits acariens), les mille-pattes, les gloméris avec leurs bandes jaunes sur le dos, les collemboles partagent le festin avec les cloportes. Ils frayent aussi avec les escargots, les limaces et les vers de surface ou vers épigés.
Le cloporte dans la pharmacopée
Oniscus asellus est utilisé comme bio-indicateur dans l’étude des pollutions des sols et en homéopathie.
Au milieu du XVIIIe siècle, le cloporte fait partie “des médicaments dans les hôpitaux du roi ” parmi ” des drogues simples qu’il est nécessaire de tenir continuellement dans les pharmacies des Hôpitaux du Roy”.
(Source: Archives Départementales de l’Hérault, C 559. Auteur de la transcription: Jean-Claude TOUREILLE)
Le squelette externe des cloportes contient en effet énormément de carbonate de calcium qui a la propriété de neutraliser les acides de l’estomac.
Recette de médecine recueillie par François Janson, seigneur de Saint-Parin, se trouve le suivant :
Remède pour la paralysie de la langue
“Il faut prendre 9 cloportes, ce sont des bêtes qu’on trouve dans les caves.
Il faut les mettre dans un petit linge,
les mettre au col avec un ruban que cela soit sur le creux de l’estomac
Il faut que ces bêtes soient en vie quand on les met.”
(Source: Archives départementales de l’Aube, E. 1194, liasse)