Extrait de la canne, de la betterave ou de l’agave américain, de l’érable, du palmier dattier, le sucre est devenu un produit de consommation courante (voire trop !). Mais peut-être ignorez-vous tout de ces quelques histoires, chiffres et anecdotes.
Un si long voyage…
Au XIIIe avant J.-C., le sucre de canne est consommé en Inde, comme en témoigne le Ramayana, un poème en sanscrit. La Chine apprend l’existence de cette denrée et se lance dans sa fabrication. Ce sont les Perses et les Croisés qui font voyager le sucre vers l’Occident jusqu’aux ports italiens de Gènes, Naples et Venise. Dans ces villes italiennes, et notamment dans la Cité des Doges, il est même de coutume d’utiliser le sucre filé pour créer d’extraordinaires décors. Les artisans de Murano sont rémunérés pour façonner des lustres en sucre. Et quand le roi de France Henri III se rend à Venise en juillet 1574, toute la vaisselle est réalisée en sucre filé !
Je vous mets un pain ?
Le pain, qui pèse jusqu’à 12 livres, est servi aux tables royales et dans les maisons bourgeoises. Il s’agit, bien sûr, du sucre le plus raffiné et sa fabrication en pain lui permet de ne pas se casser pendant les longs et difficiles trajets. Autres sucres raffinés et donc recherchés : le sucre de Damas et de Babylone, le cafetin, le sucre dit de palme…
Clystère au sucre rouge
Utilisé aux XVIIe et XVIIIe siècles, ce lavement des intestins “pour les rafraischir, pour lascher levante, pour humecter ou amollir les matières, pour irriter la faculté expultrice, dissiper les vents etc…” est parfois réalisé avec du sucre rouge et du miel.
Caramel
L’origine la plus communément admise est arabe. Le caramel aurait été inventé aux alentours de l’an 1000. Le mot caramel dériverait de “kurat al milh” (boule de sucre doux).
Un apothicaire sans sucre
Au Moyen-âge, à partir de 1484 et de lettres patentes et jusqu’au XVIIe siècle, seuls les apothicaires et les épiciers avaient le droit de vendre ce produit rare et précieux. On parle alors d’un apothicaire sans sucre pour désigner une officine mal approvisionnée. Par la suite, les premiers abandonnent ce privilège aux seconds, tandis que les prix suivent une courbe descendante. De siècle en siècle, il devient une denrée commune dans notre alimentation.
La souffrance des cannes
“C’est ligotées qu’elles quittent la cannaie. Ainsi prisonnières, des cabriolets les transportent à la vue même de leurs sœurs, filles de la même terre, tels les condamnés qui, dans les fers, sont conduits à la prison ou au lieu de leur supplice, souffrant la honte en eux-mêmes et inspirant la terreur à tous. Une fois rendues au moulin et engagées entre les rouleaux, ne sont-elles pas obligées de livrer, et avec quelle force, toute la substance qu’elles renferment ? Avec quel mépris ne lance-t-on pas à la mer leur corps écrasé et mis en pièces ? Avec quelle cruauté ne brûle-t-on pas leurs bagasses” (José Antonio, “Cultura e opulence do Brasil”, 1711).
Le sucre blanc, né à l’île Maurice
En 1868, le Dr Edmond Icery, médecin reconverti dans l’industrie sucrière, met au point un procédé pour blanchir le sucre. Il emploie du monosulfite de chaux pour décolorer le jus et le purifier plus efficacement (auparavant, on utilisait seulement la chaux et la chaleur).
Quand il vient à manquer
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les bombardements détruisent de nombreuses sucreries de betterave. Le sucre devient donc une denrée rare en France. Il est même rationné à partir d’août 1940. Les enfants de moins de 3 ans ont droit à 750 g par mois, les autres Français à 500 g.
Sur l’île Maurice, tous les industriels adoptent ce procédé, et exportent leurs produits sur toute la planète. Ils n’ont plus besoin de passer par des raffineurs.
La canne en quelques chiffres
- Une tige de cette plante vivace contient de 10 à 15 % de matières fibreuses, de 12 à 18 % de sucre (sous forme de saccharose).
- Une canne donne jusqu’à 20 L de jus dont sont extraits 2 kg de sucre.
- Nombre de boutures planté à l’hectare : entre 18 000 et 20 000. Les cannes repoussent 7 fois avant d’être arrachées.
Quelle cuisson pour ?
- Sirop à sorbet : 100°C
- Fruits au sirop : 103°C
- Gelée de fruits : 104°C
- Pâte de fruits : 106°C
- Candi : 107°C
- Glaçage fruits confits : 110°C
- Caramels mous : 113°C
- Dragées : 115 °C
- Fondant : 118°C
- Meringue italienne : 121°C
- Nougat blanc : 140°C
- Sucre filé : 150°C
- Sucre bullé / tiré : 160°C
- Caramel dur : 170°C
- Sucre charbon : 200°C
Les cannes du futur
Ces grandes “lanternes” sont des chambres nuptiales. Les femmes et les mâles s’y marient dans des conditions très contrôlées de température et d’hygrométrie. Parmi tous les bébés figurent peut-être de nouvelles variétés de cannes.