Gaelle Rousseau cultive son thé en Normandie. Elle a planté 700 théiers à l’écodomaine de Bouquetot, non loin de Deauville. Pour elle, il s’agit d’un changement de vie radical et de la concrétisation d’une envie, celle de démocratiser la culture du thé en France.
Hortus Focus : quand avez-vous décidé de vous lancer dans la culture du thé en Normandie ?
Gaelle Rousseau : Je suis depuis très longtemps une amatrice de thé… mais jusqu’au premier confinement, en cultiver ne m’avait jamais effleuré l’esprit. J’ai eu la chance de vivre le confinement dans une grande maison au bord de la mer, en Normandie. J’ai eu du temps pour lire. Et c’est à ce moment que j’ai découvert que tous les thés étaient fabriqués à partir du même arbuste, Camellia sinensis.
J’ai alors décidé de changer de vie. J’avais envie de nature, besoin de sens. Et je voulais plus quitter la région. Je travaillais alors dans l’innovation digitale au ministère de l’Économie et des Finances à Bercy. J’ai utilisé mon compte formation dans une formation dans un lycée agricole autour des plantes aromatiques. Enfin, j’ai créé mon entreprise, Jardins de thé.
Avez-vous pu vous installer rapidement dans la région ?
Trouver un terrain agricole, c’est très compliqué surtout quand on a, comme moi, aucune connexion avec l’agriculture. J’ai cherché, cherché… Et j’ai eu l’occasion de me promener dans l’écodomaine de Bouquetot, à Saint-Pierre Azif qui compte 68 hectares de forêt et de nature et accueille des projets agricoles innovants. J’ai postulé pour pouvoir m’installer. Nous avons échangé pendant un an et nous avons signé récemment un bail de trois ans.
Combien de théiers avez-vous planté et d’où viennent-ils ?
J’ai déjà planté 700 théiers en faisant différents tests de culture, en pleine terre, en culture surélevée, dans des bacs, dans différents mélanges. J’ai acheté des graines chez un producteur en Bretagne et obtenu environ 300 pieds. Une autre partie des plants vient de deux producteurs français des Cévennes. Et l’an dernier, je suis allée en Italie du Nord pour acheter 300 pieds.
Pourquoi le thé peut-il bien pousser en Normandie ?
Les Camellia sinensis aiment l’humidité… En Normandie, on est plutôt bien servi côté humidité. Dans la région fleurissent beaucoup de rhododendrons qui font partie des plantes acidophiles comme le camélia. Le thé pousse également très bien dans de nombreux pays européens (Écosse, Pays-Bas, Italie, Angleterre…) et régions françaises (Pays basque, Bretagne, Creuse, Cévennes…).
Que récolte t-on et quand ?
On peut commencer à récolter de jeunes feuilles deux ans après la plantation. On n’utilise pas les vieilles feuilles qui sont trop dures. Comme l’arbuste ne cesse de produire de nouvelles feuilles, on peut récolter 5 à 6 fois entre mai et octobre. Alors, ce sont des petites récoltes puisque nous ne cultivons pas des millions de théiers comme en Asie. Le but d’ailleurs n’est pas de remplacer les importations, mais de démocratiser la culture du thé et de permettre à chacun de faire son propre thé.
Comment transforme-t-on les feuilles et pour faire quel type de thé ?
Tous les thés qu’ils soient blancs, verts, noirs proviennent des feuilles du Camellia sinensis. C’est le processus de transformation, d’oxydation qui donne sa couleur au thé. Pour faire du thé vert, dont je suis une inconditionnelle, il existe deux méthodes. Dans la méthode chinoise, on passe les feuilles au wok. Dans la méthode japonaise, on les passe à la vapeur. Il faut savoir quand stopper le processus d’oxydation de la feuille pour qu’elle reste verte… et donne sa couleur au thé.
C’est aussi ce savoir que je souhaite transmettre aux gens qui peuvent cultiver leur théier en pot sur une terrasse, un balcon ou en pleine terre dans un jardin. J’aimerais aussi voir pousser des théiers dans les bacs en ville ou en installer chez des restaurateurs et leur apprendre à faire leur propre thé.
Il existe actuellement une trentaine de producteurs de thé en France. Il existe déjà une association en Europe, et nous souhaitons structurer la filière française pour nous faire connaître et transmettre notre savoir sur le thé.
Un thé bien préparé, c’est…
- Une eau pas trop calcaire.
- Une eau à la bonne température. Pour des thés noirs, l’eau peut-être chauffée à 90°C voire 95°C. Pour les thés blancs et verts, l’eau doit être moins chaude (entre 70 et 80°C).
Visites à l’écodomaine de Bouquetot
Dès le printemps prochain, Gaelle Rousseau organisera des visites pédagogiques de sa petite plantation, et des dégustations. Vous pourrez aussi recevoir des conseils sur la culture des aromatiques qu’elle cultive sur sa parcelle.