Il est très facile de fabriquer ses produits de beauté avec des plantes du jardin. Lin, souci, bleuet, lavande, romarin ou ortie… Les conseils et recettes d’Aurélie Valtat, auteur du livre « Fabriquer huiles, savons, dentifrices… à base de plantes locales », aux éditions Ulmer. Ou comment marier la botanique et la “beautanique”.
Hortus Focus : Avez-vous toujours pratiqué la “beautanique” ?
Aurélie Valtat : Absolument pas ! Je suis diplomate de métier et j’ai été « appelée » par les plantes voilà seulement 8 ans. J’ai commencé à les utiliser pour soigner les petits bobos et j’ai découvert ensuite qu’on pouvait s’en servir pour faire ses produits de beauté.
J’ai suivi une formation en aromathérapie pour mieux les connaître et apprendre à les transformer et les utiliser. Ce que l’on ignore souvent, c’est que les huiles végétales qu’on utilise en cuisine sont les mêmes que celles dont on se sert pour avoir une belle peau. Les plantes et leurs usages ont fini par envahir ma vie jusque dans la salle de bains.
Nos jardins abritent donc des trésors ?
Dans mon livre, j’ai choisi 16 plantes très communes dans nos jardins ou sur nos balcons (voir le détail en fin de notre article). Ce sont des plantes qu’on ne peut pas confondre avec d’autres. Et c’est l’occasion de rappeler qu’il faut être sûr et certain de l’identité d’une plante avant de s’en servir.
Tout le monde est capable de reconnaître la lavande (Lavandula angustifolia) qui a des vertus cicatrisantes. Un peu d’huile essentielle de lavande permet, chez les ados et les plus grands, de faire cicatriser plus vite une marque d’acné.
Le romarin (Rosmarinus) est excellent pour le cuir chevelu. Il entretient sa bonne santé, limite la production de sébum et « corrige » la tendance aux cheveux gras.
Le souci (Calendula officinalis) est une plante géniale à utiliser notamment pour fabriquer des huiles de massage respectueuses de la peau des tout-petits.
Vous parlez beaucoup de chimie, pourquoi ?
C’est important, je crois, de rappeler comment notre peau, notre corps fonctionne et réagit à l’extérieur. Notre peau est une barrière entre le monde extérieur et l’intérieur de notre corps. Elle a un pH un peu acide, il faut le savoir. Cette acidité est excellente pour nous protéger des bactéries. Il ne faut donc pas trop agresser notre épiderme. Or les savons, les shampoings sont très basiques ; ils sont donc à l’opposé du spectre du pH. Si on se lave les cheveux, si on se savonne tous les jours, on finit par abimer la couche protectrice présente sur notre peau qui est alors plus sensible aux bactéries.
Quelles sont les vertus de l’ortie que vous aimez beaucoup utiliser en cosmétique ?
C’est une plante juste magique ! Elle détient de super pouvoirs déminéralisants et fortifiants notamment pour les cheveux. Elle les regaine, elle fortifie le cuir chevelu et facilite la pousse des cheveux. Une fois séchée, l’ortie est réduite en poudre à ajouter à du shampoing solide.
On peut aussi l’introduire dans du vinaigre de cidre de pomme. Les cheveux ayant un pH encore plus acide que notre peau, un rinçage va compenser « l’agressivité » du shampooing.
On peut se tartiner d’huile d’olive ?
C’est pour moi une des huiles les plus extraordinaires pour la peau. Ses propriétés sont nombreuses. Elle est adoucissante et assouplissante, elle limite l’apparition des rides. Dans les pays du pourtour méditerranéen, notamment au Maghreb, les femmes l’utilisent avant l’accouchement pour assouplir la peau.
L’huile d’olive a des usages cosmétiques très anciens ce que l’on a tendance à oublier. Les plantes ont de tout temps été les alliées de la beauté. On les récoltait, on les transformait… Les huiles végétales, les hydrolats étaient réputés dans le passé. J’ai voulu leur redonner un coup de jeune et rappeler qu’ils sont importants pour les soins qui touchent notre corps.
Pour garder toutes leurs propriétés, les huiles végétales doivent être pressées à froid et bio, si possible évidemment. Qui a envie de se tartiner de pesticides ? La seule chose qui diffère entre les huiles utilisées en cosmétique et en cuisine, c’est le cahier des charges. Sinon elles ont les mêmes qualités…
C’est quoi un hydrolat ?
Quand on distille une plante avec de la vapeur d’eau pour obtenir une huile essentielle, il y a du déchet. C’est ce que l’on nomme l’hydrolat. Il peut être de fleur (et on parle alors d’eau florale), mais aussi de feuilles ou d’écorces et là, on conserve le terme d’hydrolat.
Est-ce facile de fabriquer son dentifrice maison ?
Oui et toute la famille en utilise depuis 7 ans. En Inde, les gens se lavent les dents avec des plantes ou des extraits de plantes depuis des siècles, voire des millénaires. Sur le long terme, ce sont des produits tout aussi efficaces que des produits du commerce légèrement abrasifs.
Au Moyen âge, le dentifrice se présentait souvent sous forme de poudre avec de l’argile et des plantes séchées. Je préfère faire une pâte, car je ne trouve pas très hygiénique de tremper chacun sa brosse à dents chaque jour dans de la poudre. Donc je fabrique un dentifrice en pâte, car il est plus pratique et sûr d’utilisation à base de carbonate de calcium ou de blanc de Meudon, des huiles essentielles et un peu d’huile végétale pour adoucir tout ça. J’y ajoute de l’hydrolat de laurier, car c’est une plante excellente pour la santé de la bouche et des gencives. Les enfants s’y sont très bien habitués.
Mais du dentifrice sans fluor, ce n’est pas très bon ?
Oui, c’est le seul souci qui se pose, notamment pour les enfants en croissance. Donc, il faut vérifier régulièrement l’absence de carence en fluor et éventuellement de faire une complémentation.
Dans votre livre, on ne trouve pas de recettes farfelues ?
Ah non ! Je ne suis pas une adepte des recettes farfelues. J’ai aussi voulu faire des recettes simples, accessibles à tous, avec 3 ou 4 ingrédients seulement. Inutile de chercher des ingrédients ou des recettes compliqués. Le but c’est d’amener les gens à essayer de faire leurs produits, de prendre soin d’eux naturellement au quotidien et de ne pas dépenser des sommes folles.
Peut-on conserver longtemps ces produits maison ?
La plupart se conservent sans souci pendant un mois, d’autres quelques années.
Vous utilisez aussi du charbon actif ? C’est quoi ?
Le charbon actif capte certaines toxines et permet de nettoyer la peau en profondeur, en éliminant les impuretés. On peut aussi en mettre dans du dentifrice, car il a un pouvoir légèrement abrasif. C’est la seule « recette » qui prend du temps. Il consiste à supprimer l’oxygène dans des copeaux de bois. Il faut un peu de patience, car le bois doit brûler plusieurs heures pour supprimer l’oxygène qu’il contient. On ajoute un peu de citron ou de vinaigre pour activer le charbon avant de faire recuire le tout dans une cocotte minute (pour éviter que l’air ne s’insère dans le produit).
L’aloe vera fait également partie de votre éventail de produits ?
“Je donne aussi de l’aloe vera à mes animaux domestiques. Je mélange le gel avec l’eau donnée aux chats et aux poules. Ils ne sont quasiment jamais malades.”
C’est une plante qu’on peut cultiver en pleine terre dans les régions les plus douces, mais aussi en pot dehors et dans la maison. Il est également possible d’acheter des feuilles dans les magasins bio. Pour l’utiliser, il faut racler le gel contenu dans la feuille et le passer sous un filet d’eau pour éliminer l’aloïne, un latex très irritant. Ce latex a des indications thérapeutiques, il aide à lutter contre la constipation. Donc, vous de voir si vous voulez juste l’intégrer dans un cosmétique… ou faire du 2 en 1 !
Fait-on des économies en réalisant soi-même ses produits ?
Il faut savoir que quand vous achetez une crème, une lotion dans le commerce, vous achetez essentiellement… de l’eau. Dans les cosmétiques, il existe environ 15% d’actifs, le reste c’est de l’eau. Quand on choisit de fabriquer soi-même, on achète ou on récolte des produits très concentrés. Les produits cosmétiques maison sont très efficaces et représentent de belles économies.
Voilà quelques années, une étude a révélé qu’une Française dépensait – en moyenne – 2000 € par an pour acheter des produits de soin, de beauté, du maquillage, du dentifrice, etc. Moi, par an, je dépense environ 200 à 300 €. À cela s’ajoute le maquillage, car je ne me suis pas encore lancée dans cette fabrication.
Vous êtes actuellement en mission diplomatique au Malawi. Avez-vous testé des plantes locales ?
J’ai découvert les propriétés cosmétiques des feuilles du goyavier. Elles sont antioxydantes, et donc très intéressantes pour la peau et les cheveux. Il est possible de faire infuser des feuilles de goyavier dans de l’huile d’olive pour obtenir une huile bénéfique pour la peau. La mangue, elle, a des propriétés astringentes. Elle resserre les pores de la peau et évite la formation des points noirs. La papaye contient un actif très puissant, utile pour préserver la jeunesse de la peau.
Et le karité qu’on trouve souvent dans nos produits de beauté ?
Malheureusement, l’arbre à karité (Vitellaria paradoxa ou Butyrospermum parkiine) ne pousse pas au Malawi, mais au Mali, au Bénin, en Côte-d’Ivoire. C’est une plante dont on extrait une huile à partir de la noix. L’huile se présente sous forme pâteuse, il faut la faire chauffer pour l’intégrer aux préparations. Le beurre de karité, c’est génial pour les peaux très sèches et il n’a pas d’équivalent dans les plantes qu’on trouve chez nous. Ce qui s’en rapproche le plus, c’est l’huile d’olive en termes de pouvoir adoucissant.
Et pour ces Messieurs, que proposez-vous comme recettes ?
Du savon à barbe ! Il suffit de se procurer – en quincaillerie ou magasin de bricolage – de la soude caustique pure (pas celle utilisée dans vos toilettes !) et la mélanger avec de l’huile d’olive ou de tournesol, du beurre de karité… Il faut choisir une huile au pouvoir moussant. On ajoute ensuite un petit peu d’argile qui va adoucir le feu du rasoir.
Les 16 plantes choisies par Aurélie Valtat
Partie utilisée : racines.
Pour quelle partie du corps ? Cheveux, peau.
Actions : freine la chute des cheveux, « répare » les petites cicatrices d’acné.
Partie utilisée : fleurs.
Pour quelle partie du corps ? Yeux.
Action : soulage les yeux fatigués.
Partie utilisée : fleurs.
Pour quelle partie du corps ? Peau.
Actions : adoucit la peau, soulage brûlures, ulcères, engelures.
Partie utilisée : fleurs.
Pour quelle partie du corps ? Peau, cheveux.
Action : lutte contre la sécheresse de la peau.
Partie utilisée : fleurs.
Pour quelle partie du corps ? Peau, cheveux.
Actions : fait blondir les cheveux, lutte contre les irritations de la peau.
Partie utilisée : racines.
Pour quelle partie du corps ? Peau.
Action : prépare la peau au soleil, atténue les taches de vieillesse.
Partie utilisée : fruits.
Pour quelle partie du corps ? Peau, cheveux.
Actions : éclaircit le teint, fait briller les cheveux, limite l’arrivée des points noirs.
Partie utilisée : fleurs.
Pour quelle partie du corps ? Peau.
Actions : atténue la couperose, les rides, les cernes.
Partie utilisée : fleurs.
Pour quelle partie du corps ? Peau, cheveux.
Actions : tonifie la peau et le cuir chevelu, aide à combattre l’acné.
Partie utilisée : fruits.
Pour quelle partie du corps ? Cheveux et peau.
Action : hydrate la peau.
Partie utilisée : fleurs et fruits.
Pour quelle partie du corps ? Peau et cheveux.
Actions : revitalise la peau.
Partie utilisée : fleurs.
Pour quelle partie du corps ? Bouche, peau.
Actions : soigne plaies, brûlures et coups de soleil.
Partie utilisée : feuilles.
Pour quelle partie du corps ? Peau et cheveux.
Actions : fortifie le cuir chevelu, rééquilibre les peaux grasses à tendance acnéique.
Partie utilisée : fleurs.
Pour quelle partie du corps ? Peau.
Actions : raffermit le buste et les peaux un peu flasques, lutte contre l’eczéma.
Partie utilisée : fleurs.
Pour quelle partie du corps ? Yeux et peau.
Actions : tonifie, apaise les peaux fragiles.
Partie utilisée : feuilles et fleurs.
Pour quelle partie du corps ? Cheveux et peau.
Actions : raffermit la peau, donne un beau teint, renforce les cheveux.
Résiliences
« Fabriquer huiles, savons, dentifrices… à base de plantes locales », d’Aurélie Valtat. Éditions Ulmer, 15,90 €. Ce livre fait partie de la nouvelle Collection Résiliences dirigée par Charles Hervé-Gruyer. Autres titres disponibles : « Créer une mare », « Se nourrir de son jardin », « Produire son électricité », « Faire son bois de chauffage sans pétrole, « Élever des poules ». À terme, cette collection devrait compter une centaine de titres.