Trois siècles de luttes pour l’environnement

DANS QUEL ÉTAT J'ERRE, UNE HISTOIRE DES LUTES POUR L'ENVIRENNEMENT
Dans Quel État J'Erre
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Trois siècles de luttes pour l'environnement
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Débats et combats, les luttes pour l’environnement ont une longue histoire. C’est notre sujet, en compagnie de Steve Hagimont, historien.  Dès les théories des Lumières puis les prémices de la révolution industrielle, des voix s’élèvent pour dénoncer une relation problématique à la nature. À la fin du XVIIIe siècle déjà, Alexander von Humboldt accuse l’Occident de causer la ruine des civilisations en détruisant la nature.

Pour mieux vous informer,
nous croyons utile de vous faire partager les actions
et les réflexions de ces citoyens actifs
qu’on ne retrouve pas trop souvent dans les colonnes des journaux.
Pourtant, la pluralité des propositions est une richesse.

Le WWF produit un rapport au printemps 2021 dont le titre est éloquent : « Un réveil écologique : mesure de la conscience collective, de l’engagement et de l’action en faveur de la biodiversité à l’échelle mondiale » (en anglais) qui commence par une analyse de l’activité numérique : d’après l’Economist Intelligence Unit, le nombre de mentions sur les sujets de nature et de biodiversité a augmenté de 65 % entre 2016 et 2020 sur Twitter. On est bien d’accord, ça ne fait pas progresser la biodiversité, mais c’est un signe qui se confirme ailleurs. Toutefois, Marco Lambertini, Directeur général du WWF international, déplore que malgré cette prise de conscience, la biodiversité figure rarement en tête des priorités mondiales alors même que sa disparition, qui progresse à une vitesse fulgurante, représente une menace énorme pour l’économie mondiale et notre santé.

Edgar Morin, quant à lui, s’inquiète des émotions provisoires générées par les catastrophes climatiques qui touchent la planète. Il constate que souvent, elles laissent place à une grande léthargie.

Cependant, le grondement de la contestation s’amplifie…

L’histoire des luttes pour la défense de l’environnement, tout au long de l’histoire, raconte un mouvement fondé sur une contestation de l’ordre établi. Cet ordre est celui qui s’est construit au cours de la révolution industrielle. Il est appuyé sur un ensemble d’institutions techniques, scientifiques, politiques, économiques et sociales. Il est installé sur le mode de la domination, des dominations et occulte les destructions qu’il engendre au profit des conforts éphémères qu’il procure.

 

Luttes :
Lac d'Annecy ©Samuel B.

Un travail d’équipe

C’est à cet exercice, celui de retracer trois siècles d’histoire des luttes que se sont attelés les quatre auteurs qui ont répondu présents à la demande de Textuel. Faire une synthèse des luttes environnementales, tel est le projet autour duquel se rassemblent ces spécialistes. Ils ont eu pour volonté des dépasser des frontières hexagonales et d’ouvrir à l’international. L’équipe se répartit le travail et en 6 mois, le livre est écrit. Caroline Pochoy, iconographe, fait alors un remarquable travail qui donne une saveur singulière à ce livre.

Pour tous, militants, étudiants…

C’est un ouvrage qui se veut grand public. Il permet de situer dans le temps, dans l’espace et dans les modes d’action une prise de conscience écologique qui a démarré dès les premières théorisations d’un rapport de domination de l’homme sur la nature. “On aurait pu remonter bien plus tôt“, confirme Steve Hagimont. Le choix est fait de démarrer l’histoire des luttes au début de la révolution industrielle. La rigueur a guidé le travail. L’écriture, elle, ouvre des entrées accessibles tant aux militants, qu’aux étudiants, aux lycéens et à tous ceux que le sujet intéresse.

La forêt remplit notre imagination

Vivre dans les bois comme Betty dont nous avons relaté l’expérience semble une idée originale. D’autres toutefois s’y sont exercés comme Henry David Thoreau, fondateur de ce mode de pensée contestataire. Il s’installera pour deux ans dans une cabane en 1845, sur un terrain que lui prête alors Emerson, le philosophe. Il y conduira des observations minutieuses, y écrira de la poésie et de la philosophie.

Les années 1960, puis 1970 verront grandir de nouvelles formes de luttes parmi lesquelles celles inspirées de Gandhi, mais aussi des logiques de retour à la terre et à la construction d’un nouveau rapport au vivant.

Aujourd’hui, la forêt reste un marqueur des luttes. Et en tant qu’elle accueille les grands mammifères, elle est un terrain de combat.

Luttes : l'ours
©Antonioguillem

Les loups et les ours : disparition et retour

Au XIXe siècle, le nombre de loups et d’ours dans les forêts et sur les montagnes était infiniment plus important. Mais les armes à feu se généralisant dans les campagnes, leur nombre décroit rapidement. La pratique intensive de la chasse fragilise les populations jusqu’à ce qu’elles disparaissent ou presque. À côté de cela, l’exode vers les centres urbains et l’effondrement démographique dans les vallées réduisent le nombre de paysans, mais aussi de bergers. La disparition de ces prédateurs rend la surveillance des troupeaux moins utile sur les estives.

Changer de manière de travailler

Le retour de l’ours d’abord, puis du loup complique considérablement la vie des éleveurs. Leurs troupeaux ne sont plus gardés de façon rapprochée. Pour certains jeunes, la gestion des troupeaux avec ce type de prédateurs était inconnue. Donc une partie des savoir-faire en la matière étaient perdus. Il a donc fallu repenser les manières de travailler. Il a fallu remettre des bergers et des chiens là où il n’y en avait plus ou peu.

Berger, un métier difficile

Le retour des prédateurs a eu des conséquences pour ces professions. Le métier de berger est extrêmement physique. Un berger “avale du dénivelé” à longueur de temps. La surveillance resserrée des troupeaux suppose d’arpenter constamment la montagne avec les chiens. Une réelle dégradation de leurs conditions de travail s’ensuit :

  • plus de kilomètres et de dénivelé,
  • des sorties plus dangereuses par tous les temps et à n’importe quelle heure
  • des temps de repos aléatoires.

Ajoutons à cela les chiens qui ont parfois des relations difficiles avec les randonneurs. Cela ne contribue pas à l’apaisement général.

La contestation écologique, ça ne date pas d’hier !

Si les contestations de toutes sortes se multiplient, empruntant des formes diverses, monte également une dépression, dite écoanxiété chez les militants et les jeunes. Laure Noualhat, journaliste spécialiste de l’environnement et militante, écrit Comment rester écolo sans devenir dépressif. Dans ce livre, alerte et plein d’espoir, elle constate toutefois la difficulté que l’on ressent dans l’engagement. Et pourtant, si l’urgence s’est considérablement accrue, ce qui donne à notre époque une spécificité indéniable, l’histoire des luttes pour l’environnement n’est pas nouvelle.

Des repères

Les formes que prend cette contestation et les luttes qu’elle occasionne sont multiples. Une histoire revisitée nous apprend que nombre d’entre elles ont été expérimentées peu ou prou. Et, même si l’expérience des uns ne sert pas nécessairement aux autres, il n’est pas vain de s’enquérir de quelques leçons passées. Ainsi, peut-on s’inspirer des formes non violentes et comprendre ce qui a pu conduire à la violence. Cette histoire ouvre la réflexion à la place et aux rôles des institutions.

Des rencontres

Quel étonnement de découvrir que la toute première étude sur le changement climatique en France fut conduite en 1821 par le ministère de l’Intérieur ! Le motif en était les refroidissements sensibles de l’atmosphère et les épisodes climatiques violents depuis plusieurs années !

Quel plaisir de rencontrer un des premiers écologistes en la personne de Gilbert White, né en 1720 et mort en 1793 !

On connaît Alexander von Humboldt comme naturaliste, grand intellectuel et grand voyageur. Mais on ne l’identifie pas toujours comme un précurseur de l’écologie scientifique.

Alors qu’est présentée l’enquête sur le changement climatique en 1821, est écrit un code forestier qui limite tant le droit d’usage dans les forêts domaniales, communales et privées que des révoltes éclatent un peu partout. La plus célèbre sera menée en Ariège et restera dans les mémoires sous le nom de “Guerre des demoiselles”.

La guérilla jardinière

L’invention des seedbombs par Liz Christie à New York donne à la lutte pour la biodiversité une inénarrable poésie. Mais pas seulement. C’est aussi une forme de lutte très accessible ! Or, la défense du vivant peut et doit être radicale collectivement, mais peut être constituée d’individus diversement engagés, sur des thématiques multiples. Les ZAD, versions revisitées du Larzac ou du mouvement Chipko en Inde en 1973/74 demandent des engagements forts et très physiques. Ce n’est pas le cas des lanceurs de bombes à graines !

Luttes : Loup
©Dennis

Un manque de concertation criant

Sur le plan des luttes, les décisions sont vécues sur le terrain comme des choix déconnectés des réalités et sans doute insuffisamment concertées. Du point de vue des défenseurs du vivant, il est inconcevable de laisser s’éteindre ces grands animaux. La confrontation est donc complexe. Et l’intérêt d’un livre qui replace les perspectives historiques est de comprendre la complexité.

Hortus Focus lance sa chaîne de podcast – TerraFocus – avec ce premier entretien.
Au fil de nos rencontres et de nos reportages, nous vous proposerons d’entendre des témoignages, des histoires, des aventures…
Aujourd’hui, Steve Hagimont répond à nos questions…
20′ pour tout comprendre… !

Une-histoire-des-luttes-pour-l-environnement

Une histoire des luttes pour l’environnement
18e – 20è siècles – Trois siècles de débats et de combats

Textes : Anne-Claude Ambroise-Rendu, Steve Hagimont, Charles-François Mathis, Alexis Vrignon
Iconographie : Caroline Pochoy
Éditions Textuel

Parution : 29 septembre 2021
304 pages – 45 €

 

 

Anne-Claude Ambroise-Rendu

Ses travaux portent sur l’histoire des conflits environnementaux et leur médiatisation. En 2017, elle a dirigé un volume du Temps des Médias consacré aux “médiatisations de l’écologie”.

Charles-François Mathis

Spécialiste d’histoire environnementale et britannique, il a publié La ville végétale. Une histoire de la nature en milieu urbain aux éditions Champ Valon, en 2017.

Steve Hagimont

Il travaille sur les controverses accompagnant les recompositions sociales et écologiques liées à l’essor touristique en montagne.

Alexis Vrignon

Ses travaux portent sur l’émergence des mouvements écologistes et l’histoire de l’énergie. Il a publié Face à la puissance. Une histoire des énergies renouvelables et alternatives à l’âge industriel aux Éditions La Découverte, en 2020.

Luttes :
Alsace - Eschau ©Leonid-Andronov

Une expérience intéressante

Les attaques de loups sur les troupeaux se multiplient, les tensions aussi. Le Plan Loup (2018-2023) initié par Nicolas Hulot avait pour but de mieux protéger les éleveurs tout en atteignant un effectif minimum de 500 loups, seuil nécessaire pour sa viabilité.

En 2021, le bilan n’est pas aussi bon qu’espéré. Malgré les formations des bergers, le financement de chiens protecteurs et l’installation de clôtures, les attaques sont toujours nombreuses. Par ailleurs, les attaques de chiens sur les randonneurs inquiètent.

Il y a 624 loups en France en 2021 contre 580 en 2020. Sa présence a été attestée en Normandie, mais aussi en Vendée. Toutefois les attaques au nombre de 3700 en 2020, sont concentrées en Rhône-Alpes-Auvergne et dans les Alpes du Sud.

Depuis 2017, Maploup, carte interactive quasiment en temps réel alerte par SMS les bergers si une attaque ou une suspicion d’attaque se produit à moins de 10 kilomètres. En test, elle compte 1000 inscrits et plus de 20 000 SMS ont été envoyés. Si on se fie à un reportage de France 3, les bergers se montrent favorables à l’expérience.

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