Éric Bouteloup-Provost s’est pris de passion pour la taille en transparence qu’il pratique dans son Jardin des Vigneaux, dans la Sarthe. Chez lui, pratiquement tous les arbres et arbustes passent sous ses outils.
Hortus Focus : On peut rappeler tout d’abord ce qu’est la taille en transparence ?
Éric Bouteloup-Provost : Pour faire simple, c’est l’idée de conserver sur un arbre uniquement les branches charpentières et de supprimer tous les rameaux qui partent en transversal. On peut ainsi dégager plus de la moitié de l’arbre, et apporter de la lumière jusqu’au sol. La taille en transparence permet également de faire pousser des arbres les uns à côté des autres, de ne pas bloquer la lumière et donc d’installer en dessous des plantes qui vont bien se porter. Et enfin, elle permet d’ouvrir des perspectives, de ménager des vues. Avec Catherine, nous avons découvert ce principe de taille grâce à un livre de la princesse Sturdza (« Vastérival : jardin d’une passion »).
Est-ce que tous les arbres se prêtent à cette taille en transparence ?
Non. On va commencer avec les conifères. Il vaut mieux éviter de tailler ces arbres ainsi. À l’exception des Chamaecyparis, cette taille les affaiblit. Mieux vaut privilégier pour les conifères les tailles à la japonaise. Après, on a largement de quoi s’amuser puisque de nombreux arbres et arbustes s’y prêtent. Ils font montrent d’un bon caractère !
Même les viornes ? C’est surprenant…
Je pense que cette viorne ne s’y attendait pas plus que moi ! Mais elle allait finir par former une énorme masse devant la maison, bloquant la vue et rien n’allait pouvoir pousser en dessous. Alors je me suis lancé. Je l’ai remontée année après année. Aujourd’hui, ça lui va plutôt bien et son pied est bien habillé de nombreuses plantes.
Comment convaincre les jardiniers de pratiquer cette taille en transparence ?
Un jardin, ça n’a rien de naturel ! On plante, on déplante, on agence… La taille est donc importante pour conserver des structures, des vues. Laisser tous les arbres se développer comme ils le souhaitent, c’est une autre façon de jardiner. Ce n’est pas celle que nous avons choisie pour notre jardin.
C’est une corvée ou un plaisir ?
Au départ, c’était difficile. J’ai raté des tailles et cherché à comprendre. Maintenant, c’est vraiment du plaisir. J’adore manier le sécateur, la scie pour élaguer. Pour moi, il y a deux dimensions dans le jardin. La première regroupe le choix des végétaux, leur plantation, leur entretien. La seconde, c’est le modelage, la sculpture. Je rentre dans les arbres et arbustes pour leur donner petit à petit la forme que je souhaite leur donner. C’est un peu comme un jeu entre l’arbre et moi.
Quand choisis-tu d’intervenir ? Dès le début ou après plusieurs années ?
Parfois, j’interviens sur l’arbre dès sa jeunesse. Mais je peux agir plus tard si je trouve qu’un arbre prend décidément trop de place. On peut laisser un laurier-tin occuper 3 ou 4 mètres carrés et se dire au bout de dix ans qu’il a pris un peu trop ses aises. Il est tout à fait possible de « rentrer » dans un arbre adulte et de le travailler sévèrement. On peut récupérer deux-trois têtes charpentières auxquelles on va donner une forme très brute, très minimaliste qui, sur le coup, incite plus à la pitié qu’à l’admiration ou à la créativité ! Mais il ne faut pas s’inquiéter, car les jolies choses se recomposent au fil du temps. Au bout de quelques années, ce laurier-tin « aura de la gueule ». Pour moi, chaque arbre taillé en transparence est un paysage et raconte une histoire.
Quand doit-on tailler ?
Les grosses coupes se pratiquent l’hiver quand la sève est descendue. Si vous taillez un bouleau au moment de la montée de sève, il va beaucoup « pleurer ». Pour les coupes moins importantes, on peut intervenir toute l’année sauf pendant les périodes de canicule ou de sécheresse intense.
Quels outils utilises-tu ?
Un sécateur à poignée tournante pour éviter les tendinites, des cisailles japonaises pour le travail de précision, une très grande perche d’élagage efficace et légère pour ne pas grimper sur un escabeau. Et un taille-haie depuis peu.