Les insectes utilisent leur odorat pour se comporter dans le monde qui les entoure. C’est à l’odeur qu’ils repèrent leur nourriture, les habitats propices, leurs prédateurs comme leurs compagnons. On parle de bain odorant. Cet odorat est généralement situé dans leurs antennes. Et tout ceci est vrai pour la majeure partie de ces petites bêtes mais pas pour tous. Les chercheurs s’y sont intéressés.
Une histoire de molécules
De petites protéines globulaires, capables de se lier à des molécules odorantes, se trouvent dans la lymphe sensillaire des antennes. On les appelle péri-récepteurs chimiosensoriels. Ils ont la même fonction que le mucus de notre nez. Pour analyser le monde qui les entoure et communiquer avec lui, tous les animaux possèdent des facultés sensorielles. Chez les insectes, les deux principales sont l’olfaction et le goût. Leur vie en dépend. Se nourrir, installer un nid ou vivre dans sa communauté requiert l’usage de ces sens.
Lorsque la plante libère des odeurs, elles s’évaporent dans l’environnement et suivent les mouvements de l’air. Les insectes utilisent ces signaux olfactifs pour se repérer et se diriger vers la source. Leurs antennes analysent les concentrations des composés volatils pour distinguer les plantes et décider si la qualité leur convient.
Un papillon
Certains papillons de nuit identifient leurs pairs grâce à une efficace communication chimique. Une phéromone sexuelle émise par la femelle informe les mâles de la même espèce et seulement eux, qu’ils sont conviés. Les études montrent que la mécanique est précise puisqu’une seule molécule de phéromone suffit à déclencher une réponse physiologique et comportementale.
Il y a antennes et antennes !
Toutes les antennes ne se ressemblent pas. Longues et fines, plus épaisses, droites ou courbées, souples ou dures, elles sont toutes performantes. Les antennes portent des milliers de sensilles olfactives dont la paroi est percée de pores. Cela permet aux molécules odorantes d’atteindre les neurones récepteurs. Lesquels jouent le rôle de capteurs et envoient un signal nerveux aux centres sensoriels du cerveau de l’insecte. Voilà notre bestiole équipée pour découvrir le monde à travers ce bain d’odeurs !
Les scientifiques savent utiliser les odeurs
Dans les labos de l’INRAE, les chercheurs, pour faire face à la crise agricole mais aussi à celle de la biodiversité, travaillent à des solutions de biocontrôle. Ils ont répertorié les phéromones d’un grand nombre de ravageurs. Ils savent donc produire des odeurs qui les attirent et d’autres qui les repoussent.
Après 40 ans de recherche et il y a 6 ans, l’INRAE a donc porté la création d’une start-up. Sa proposition est précisément de créer ces odeurs répulsives afin de protéger les cultures d’une part, et de ne pas porter atteinte à la biodiversité, d’autre part. Ené Leppik, auparavant ingénieure de recherche à l’INRAE, en est la fondatrice. Elle a été entendue au Sénat dans le cadre d’une audition publique sur « L’agriculture face au réchauffement climatique et aux pertes de biodiversité : les apports de la science ».
Ené Leppik prend comme exemple les pucerons pour lesquels ces répulsifs se montrent particulièrement efficaces. “Ils permettraient d’échapper aux insecticides dont on sait qu’ils tuent les insectes sans discernement. Et surtout, cela éviterait de créer des résistances à ces produits insecticides qui perdent leur utilité en quelques années.” Or pour mettre au point un insecticide qui polluera les sols pendant des années, éradiquera des insectes très utiles, se retrouvera dans l’eau que nous buvons et les aliments que nous mangeons, il faut 10 ans ! “Pour mettre au point nos répulsifs, il ne faut que 3 ans et ils ne créent pas de résistances parce qu’ils n’induisent pas de sélection évolutive“.
Baisses de rendement et résistances
Aujourd’hui, le monde agricole est inquiet, même si le sujet ne fait pas les gros titres, des baisses de rendement. Les raisons sont bien sûr multifactorielles. Parmi elles, on trouve le bouleversement climatique dont les conséquences s’accroissent chaque année. Et, les conséquences des changements globaux sur la perte de biodiversité sont plus importantes que prévu. L’étude publiée dans la revue internationale Science d’octobre 2024 en atteste. Un des résultats de l’étude montre ainsi que l’ampleur des extinctions d’oiseaux induites par les activités humaines est telle qu’elle correspond à une perte d’environ 3 milliards d’années d’histoire évolutive unique. Les écosystèmes sont complètement déboussolés.
En conséquence, les plantes qui poussent dans des sols vidés de l’essentiel de la vie, à coup de phyto, sont bien moins résistantes aux aléas climatiques plus rudes, et aux ravageurs, rendus plus forts par des années de pesticides.
Une brise de fraîcheur sur les cultures
Ces répulsifs constituent donc un espoir d’amélioration notable. Ils ont été présentés aux sénateurs comme une alternatives aux insecticides pour les grandes cultures. Espérons qu’on ne les oubliera pas lorsqu’on appliquera la loi d’orientation agricole qui est votée avec un amendement inquiétant. Il a inscrit le principe de ne pas interdire de pesticides “sans solutions économiquement viables et techniquement efficaces apportées aux agriculteurs” (Amdts n° 254 rect. ter et n° 704 rect).