Nature, plantes et bien-être: la linaire commune

Linaria vulgaris / Linaire commune
Linaria vulgaris / Linaire commune

Cette plante aux deux visages défie les scientifiques depuis le XVIIIe siècle. Avec ses fleurs jaune pâle ornées d’un éperon orangé, la linaire commune (Linaria vulgaris) égaye nos chemins de fer et nos champs de juin à octobre. Cette herbacée vivace, qui doit son nom à sa ressemblance avec le lin, cache un mystère qui a tourmenté les botanistes pendant des siècles.

Le casse-tête de Carl von Linné

Au XVIIIe siècle, le naturaliste suédois Carl von Linné, père de la nomenclature binominale moderne, se trouve confronté à un problème de taille. Comment classer une plante qui présente deux types de fleurs radicalement différents ? La Linaire commune produit en effet, dans de rares cas, des fleurs à la symétrie “anormale”. On les appelle fleurs péloriques, aux côtés de ses fleurs classiques à symétrie bilatérale.

Près d’un siècle plus tard, cette anomalie restait très déroutante. Tant que le naturaliste américain Constantin Rafinesque proposa de classer cette plante dans le genre Peloria – du grec “monstre” – plutôt que Linaria. Car comment attribuer un nom scientifique à une espèce qui défiait les règles de  la morphologie florale ?

“La méthylation de l’ADN est un mécanisme cellulaire permettant la protection de l’intégrité du génome. Il s’agit d’un mécanisme très ancien, inhibant l’activation d’éléments mobiles (viraux ou bactériens) ayant pénétré dans la cellule.”

Linaria vulgaris / Linaire commune
©Keila CC

L’épigénétique résout l’énigme

Il aura fallu attendre la fin des années 1990. L’explosion des techniques de séquençage ADN permet de résoudre ce mystère vieux de 250 ans. Une équipe de recherche anglaise identifie le gène responsable, baptisé cycloidea. Elle a découvert le mécanisme qui contrôle cette transformation florale.

La clé réside dans l’épigénétique. Cette discipline étudie comment l’expression des gènes peut être modifiée sans altérer la séquence d’ADN elle-même. Selon le niveau de méthylation de l’ADN portant le gène cycloidea, la plante produit soit des fleurs à symétrie bilatérale classique (faible méthylation), soit des fleurs péloriques à symétrie radiale (forte méthylation). Et voilà !

Une nouvelle compréhension du vivant

Cette découverte sur la modeste linaire commune a ouvert la voie à une compréhension renouvelée du vivant. Les mécanismes épigénétiques expliquent aujourd’hui comment une reine abeille et une ouvrière, génétiquement identiques, peuvent présenter des différences physiques et physiologiques drastiques selon leur alimentation larvaire. Ils éclairent également des phénomènes comme certains types de cancers chez l’humain.

Une plante aux multiples vertus

La linaire commune possède également des propriétés médicinales reconnues depuis longtemps. Ses fleurs, récoltées en début de floraison et séchées dans un endroit sombre et aéré, offrent de nombreux bienfaits thérapeutiques.

Grâce à son effet bronchodilatateur, elle soulage la toux et l’asthme. Ses propriétés dépuratives en font un allié précieux contre la jaunisse et les affections gastro-intestinales. Diurétique, elle aide à lutter contre les infections urinaires et la rétention d’eau. Ses molécules antiallergiques peuvent compléter les traitements de l’asthme allergique, tandis que ses vertus anesthésiantes et anti-inflammatoires soulagent diverses douleurs.

En usage externe, la linaire traite efficacement les affections cutanées, comme l’eczéma ou la dermatite atopique, les hémorroïdes et les inflammations de la sphère buccale.

Mode d’emploi

  • L’infusion : une cuillère à café de fleurs pour une tasse, infuser 10 minutes, 2 à 3 tasses par jour
  • Le cataplasme : broyer la plante fraîche et appliquer sur compresse pendant 20 minutes
  • La pommade : mixer les fleurs fraîches avec du beurre de cacao
  • La teinture mère : 20 à 30 gouttes, 2 à 3 fois par jour

Une leçon d’humilité scientifique

L’histoire de la linaire commune nous rappelle que la nature recèle encore de nombreux secrets. Cette plante commune, que nous croisons quotidiennement au bord des chemins, a révélé l’un des mécanismes les plus fondamentaux de la biologie moderne.

Inscrivez-vous
pour recevoir [Brin d'info]

dans votre boîte de réception,
chaque semaine.

Nous n’envoyons pas de messages indésirables ! Lisez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

28 Shares
Share via
Copy link