La situation est franchement inquiétante. Quel que soit l’endroit de France, la région, le village, le hameau, le lieu-dit, on les trouve là, les photinias, tels des armées de soldats verts coiffés de casques rouges au printemps et de machins blanc sale qui puent (à ce qu’il parait, ce sont des fleurs).
Si l’on s’en tient à la définition qu’en donne le dictionnaire, une invasion signifie “Action d’envahir, de se répandre dangereusement” et “Pénétration massive (de forces armées qui envahissent le territoire d’un autre État)”. L’offensive actuelle des photinias peut donc, sans conteste, être qualifiée d’invasion. Car ils sont partout et il suffit de se promener dans les quartiers résidentiels pour s’apercevoir que ces horreurs végétales ont pris le pas sur d’autres affreux, les célébrissimes thuyas, plantés par milliers autour des maisons dans les années 70 et 80 et victimes (et c’est tant mieux !) des araignées rouges, du brunissement et d’autres maladies assassines.
Au parfum…
Le photinia, surtout dans sa variété P. fraseri ‘Red Robin’ est, n’ayons pas peur des mots ni des réactions des lecteurs (vous pouvez taper, mais on a dit “Pas la tête, pas la tête !”) une mocheté absolue. Ses couleurs me font penser à des chewing-gums bigoût dégueulasses. Quant à l’odeur des fleurs… Ne croyez pas les catalogues qui vous vantent un parfum léger et agréable, voire aux effluves de miel, c’est un mensonge total ! Tu parles d’un parfum… Fort, avec des petits relents de viande avariée. Vous ne me croyez pas ? Montez sur un escabeau, mettez le nez dedans et on en reparle, d’accord ? Seul atout : elles sont mellifères, attirent les pollinisateurs, donc on leur pardonne leur côté “Ouais, je sens un peu le pourri et alors ?”.
Je concède un autre atout aux photinias : leur feuillage très dense, serré, permet de bronzer à poil derrière sa haie sans le regard lubrique du pépé d’à côté… Vous pouvez ainsi constater que je ne suis pas QUE de mauvaise foi !
Les thuyas du XXIe
Il reste que ces arbustes vendus par milliers, que dis-je par millions sans doute, m’exaspèrent. “On” les préconise pour des haies “jolies, persistantes et bicolores”. Si les deux derniers adjectifs sont incontestables, le premier est pour moi une aberration à double titre. Non seulement, les haies de photinias ne sont ni belles, ni jolies, mais de plus, inciter à planter une haie monospécifique est tout bonnement criminel. Chacun devrait savoir que la biodiversité ne se satisfait pas d’une rangée de piliers fussent-ils verts et persistants. C’est en mélangeant les espèces dans une haie qu’on attire oiseaux et bestioles. Le photinia tout seul est un tue-l’amour pour nos copines les p’tites bêtes.
Les photinias, thuyas du XXIe siècle, me sortent par les yeux, vous l’avez compris. Quand j’en vois, en insipides enfilades, j’ai des envies de meurtre, de “Massacre à la tronçonneuse”… Je rêve de les voir remplacés par des viornes, des cornouillers du Japon, des noisetiers pourpres, des sorbiers des oiseaux, des aulnes glutineux, des abélias, des deutzias. Mais aussi des spirées, des groseilliers à fleurs, des arbres aux papillons, des aubépines, des amélanchiers, des fusains et même des hibiscus de jardin…
Si je tiens celui ou celle qui a créé ou importé la variété ‘Red Robin”, je lui fais bouffer les jeunes feuilles rouges façon mesclun… Il fera moins le malin !