Carl Berthold, un jeune botaniste heureux… et aventurier !

Carl Berthold
DR

Il a 33 ans, dont plus de 15, consacrés à la botanique et aux voyages à travers le monde. Carl Berthold est aujourd’hui le responsable adjoint des collections du Jardin botanique Jean-Marie Pelt à Nancy. Portrait d’un jeune botaniste heureux et toujours curieux ! De quoi faire naître des vocations… 

Hortus Focus : en quoi consiste ton travail ?

Carl Berthold : je travaille sur les collections du jardin et notamment sur les collections nationales présentes à Nancy. Je suis chargé de la veille scientifique, cela consiste à protéger et améliorer les collections, en lien avec les autres jardiniers botanistes qui travaillent ici. 

Carl Berthold aventurier des plantes
©Didier Hirsch

HF : quel a été ton parcours ?

Je suis moitié irlandais, moitié anglais, mais je suis né au Portugal, dans une réserve naturelle, où j’ai vécu jusqu’à mes 18 ans. Puis, je suis parti au Royaume-Uni pour étudier l’horticulture et j’ai eu la chance de faire mon apprentissage à Cambridge, en tant que jardinier botaniste. Ensuite, on m’a proposé de faire mon mastère en taxonomie des plantes, au Jardin botanique d’Édimbourg. J’ai eu vraiment beaucoup de chance de pouvoir étudier et travailler en Écosse pendant 6 ans.

HF : que faisais-tu précisément ?

J’avais plusieurs missions, notamment un travail de suivi sur l’énorme base de données du jardin, mais également le montage de toutes les études de terrain. Comme je parle portugais, on m’a confié l’organisation d’une expédition à São Tomé, je me suis aussi rendu en Irak et au Bhoutan. 

HF : Quand es-tu allé en Irak et pour quoi faire ?

C’était avant que Daech arrive dans le pays. Je faisais partie d’une équipe chargée d’étudier la création du premier parc national du Kurdistan. C’était dans le cadre de mes études encore. J’ai rassemblé des cartes de relevés de terrain, des données GPS de récoltes. L’idée c’était vraiment de repérer les spots de biodiversité et de voir si l’idée de la création d’un parc national était à creuser ou non. Malheureusement, tout le projet est tombé à l’eau en raison du conflit. 

Carl Berthold au Kurdistan
©dr
Carl Berthold au Bhutan
Carl et un Rheum nobile ©dr
Meconopsis sherriffii
©Carl Berthold

 

 

 

 

HF : et au Bhoutan, avais-tu une mission précise ?

C’était ma toute première sortie sur le terrain ! Nous sommes partis en 2008 à la recherche d’une espèce perdue depuis une bonne cinquantaine d’années. Les fous de jardin connaissent le pavot de l’Himalaya, celui qui fleurit bleu (Meconopsis betonicifolia). Nous sommes allés chercher le pavot de l’Himalaya à floraison rose… et nous avons fini par trouver deux populations de cette plante qui s’est avérée vivace et pas annuelle ! Ce fut une belle découverte…

J’ai vécu et travaillé pendant un mois avec 7 personnes, des personnalités, de grands noms de la botanique. On est monté jusqu’à 5200 m d’altitude et j’ai fêté mes 19 ans là-bas, c’est inoubliable. J’étais là en appui, pour aider, je pouvais escalader des rochers… 

HF : à São Tomé, qu’as-tu cherché ? 

On est partis à la recherche d’un Podocarpus qui ne pousse que là-bas, et dans une zone très précise, dans un cratère. Il s’agissait de savoir si la population existait encore, si elle était nombreuse, et également profiter de ce voyage pour prélever des plantes. En contrepartie, nous avons accueilli un jardinier botaniste de São Tomé au Jardin botanique d’Édimbourg. 

HF : l’équipe a-t-elle trouvé ce fameux Podocarpus ?

Oui, mais sa population a été réduite de 60 à 70%, car un ancien président de l’île ne s’est pas embarrassé pour faire abattre des arbres et faire construire sa maison… Nous avons trouvé de vieux sujets qui poussent tout en haut de la montagne. Ils sont heureusement inaccessibles…

Carl Berthold a Sao Tomé
Carl et un Begonia baccarat ©dr

HF : tu n’as jamais eu peur pendant tes voyages ? 

Au Kurdistan, j’ai vraiment frôlé le gros accident. J’étais en train d’herboriser quand je me suis aperçu que l’un de mes pieds était juste à côté d’une mine ! C’était encore l’époque de Saddam Hussein et il avait fait poser des mines pour chasser les Kurdes. Un berger qui nous accompagnait dans les montagnes nous avait mis en garde contre ces mines, mais je n’ai pas repéré celle sur laquelle j’ai failli sauter. À ce moment-là, oui, j’ai vraiment eu peur. 

Carl Berthold au Belize
Au Belize, en 2011 ©DR

HF : il paraît que tu as eu aussi à faire avec un serpent mortel ?

Oui, à Sao Tomé, je me suis trouvé vraiment juste à côté d’un Black Mamba. C’est l’un des serpents les plus dangereux du monde. Quand on part, quand on herborise, il est toujours possible de faire de mauvaises rencontres. Ça fait partie du métier ! 

HF : quand es-tu arrivé à Nancy ?

J’ai commencé à travailler ici voilà deux ans et demi. J’ai d’abord été affecté au jardin médicinal qui est un des jardins médicinaux de référence en France. Par la suite, j’ai eu la chance de pouvoir postuler sur mon poste actuel. Une vraie chance, car un poste de responsable scientifique dans un jardin botanique, c’est plutôt rare ici, et même dans le monde.

Le jardin médicinal de Nancy

Il a été organisé en suivant les bases de trois thèses de doctorat et a été aménagé en plusieurs fois. Aujourd’hui, ce jardin est achevé. Il comprend une remarquable collection de plantes comestibles… et de plantes toxiques pour apprendre aux visiteurs à tenter de les distinguer pour éviter des ingestions aux conséquences parfois mortelles.

Carl Berthold utilise souvent l’exemple du céleri sauvage (comestible) et de l’œnanthe crocata, qui lui ressemble énormément et qui, elle, peut tuer : « Au Royaume-Uni, en bordure des canaux, on trouve souvent des panneaux qui expliquent le danger à récolter ce qui ressemble au céleri sauvage, mais est en réalité de l’œnanthe. Quand les Hollandais viennent en vacances, ils ont tendance à confondre la plante avec le céleri sauvage qu’ils ont l’habitude de consommer chez eux. Certains sont morts après avoir fait la confusion ».

Au jardin, les plantes toxiques, qui ressemblent presque comme des jumelles aux comestibles, sont bien visibles grâce à une étiquette rouge, précise Carl Berthold.

Le jardin médicinal abrite par ailleurs des plantes utilisées pour soulager de nombreux problèmes de santé, y compris les états dépressionnaires. Enfin, cet espace du Jardin botanique fait la part belle aux plantes médiévales, celles des sorcières et des mages, comme la mandragore – extrêmement toxique – dont les racines ressemblent à un bébé en colère. 

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