Ouïr les sons de la nature avec Marc Namblard

Marc Namblard et les sons de la nature
@Jean-François Hamard

Marc Namblard est audio-naturaliste. Il écoute les sons de la nature. Et la nature est sonore, même bruyante ! Dans son capteur, il entend le Vivant et le non-vivant. Animateur nature pendant longtemps et auditeur amateur, il a choisi d’en faire son métier. Il se raconte dans un livre : À l’écoute du vivant.

Marc Namblard nous raconte…

À l’origine de ce livre, il y a une série de conférences. Elles ont pour objectif de sensibiliser le public, et en particulier les jeunes et les enfants, à la nature dans sa dimension sonore. Et les éditions Bayard lançaient une collection : “les petites conférences“. J’ai donc travaillé mon texte pour en faire un livre qui permette à tous de retrouver ou de prêter attention à un sens très important : l’ouïe.  Peut-être aime t-on et protège t-on ce qu’on entend bien !

avion
Marc Namblard et les sons de la nature
Merci à ©Jean-François Hamard

La nature est un concert permanent. Mais on n’entend pas seulement les chants des oiseaux. Le Vivant, c’est tout autant les insectes et autres arachnides que les gros et petits mammifères. Ce sont encore les craquements du bois, les frottements des feuilles et des pétales, les bourdonnements et crissements. Et le non-vivant s’en mêle avec les grincements de la glace, les éboulis et glissements des terrains, les souffles, sifflements, hurlements des vents, les clapotements, aspersions, cascades, débordements et gargouillis de l’eau.

Et puis, les sons des technologies humaines !

Accompagner…

Marc Namblard : Je crois beaucoup à la vertu de la découverte, de l’attention portée et des expériences vécues. Pendant les balades que j’accompagne, nous vivons des émotions diverses et certaines sont parfois très intenses. La nature, lorsqu’on l’écoute, prend des dimensions très nouvelles pour les humains d’aujourd’hui. Tout commence par une nécessaire attention et ce n’est pas l’exercice le plus habituel de notre temps. Si certains sont très sensibles à l’univers sonore, d’autres peinent à se reconnecter. Mais je pense que ça se travaille. Je suis convaincu que nous possédons tous, de façon innée, une aptitude à écouter attentivement ce qui nous entoure. Donc, il ne nous manque plus que l’apprentissage du cadre de cette attention : s’attacher à écouter les sons plus discrets, ceux qui sont un peu en arrière-plan d’habitude.

On n’imagine pas, en pleine nature,
le nombre d’avions
dont les moteurs entrent dans mes micros !

… la découverte…

Marc Namblard : Il y a de grandes surprises, parce que lorsqu’on parle des sons de la nature, tout le monde pense aux chants des oiseaux, à la brise du matin ou à la houle marine. Mais la planète est bien plus riche que cela. Et lorsqu’on tend l’oreille, on découvre des bruits incroyables, parfois très impressionnants et de temps à autre, terrifiants !

Les expériences acousmatiques sont les plus surprenantes. Elles ont lieu la nuit et ce qui les caractérisent est qu’on entend le son sans voir, ni pouvoir identifier la source. L’imagination travaille et les peurs sont au rendez-vous. Et puis sans aller jusqu’à l’extrême, il y a plein de manifestations sonores qui peuvent susciter des inquiétudes ou des angoisses. Tout dépend du vécu et des sensibilités des uns et des autres.

Une nuit d’intensité émotionnelle

Imaginez. Vous marchez en file indienne dans un sous-bois. Il fait nuit. La lune peine à traverser l’épaisseur des branches. Votre regard est posé sur votre compagnon de marche. Tout le monde se tait, écoute le souffle du vent dans les arbres, et le bruit de la mousse et des brindilles qui craquent sous les semelles. Une chouette hulule. Un chien aboie au loin.

Tout à coup, un bruit énorme de pierre qui roulent, ça souffle, ça beugle et puis, ça brame ! Le grand cerf est à moins de 50 mètres de là, fumant. Il a déboulé là, troublant le calme de la nuit brutalement et renvoyant les humains à une vibration émotionnelle inattendue, bien que désirée.

… et la prise de conscience

Marc Namblard : Une fois que l’oreille a entendu, une fois que le cerveau s’est intéressé, une grande part du chemin est parcouru. On protège ce que l’on connaît et que l’on aime. Ces émotions positives parce qu’elles sont fortes laissent une trace.

Il y a des personnes qui ont vécu ça pour la première fois et elles s’en souviendront toute leur vie. Elles ont vraiment pris conscience à ce moment-là que ces espaces étaient fortement habités par d’autres espèces vivantes qui pouvaient vraiment prendre une place importante.

2019, une année pas comme les autres

Marc Namblard : Le confinement a été un moment exceptionnel de ce point de vue-là. Rappelez-vous, l’arrêt total. Partout. Pour moi qui ai arpenté les Vosges, débarrassées de nombreux bruits parasites, ça a été extraordinaire au sens premier du terme.

Pour les citadins comme pour les ruraux, cette période a été un vrai traumatisme. Et, ça a été aussi une occasion tout-à-fait exceptionnelle de prise de conscience que le lieu qu’ils habitent est peuplé de nombre de vivants auxquels personne ne prête attention. Dans les villes et les plus grandes en particulier, la disparition du vacarme et de l’agitation a permis à certaines espèces de se montrer. Beaucoup de gens ont pensé que les animaux étaient venus en ville. Mais non, ils étaient déjà là pour la plupart. Ils ont juste profité des conditions réunies pour une balade en surface.

Et la conscience affleure.

Marc Namblard et les sons de la nature
©Jean-François Hamard

Du son à l’action

Le choc du silence des humains et la prise de conscience a eu lieu. Et ensuite, tout est reparti. “Je ne saurais pas dire si l’impact s’est traduit dans la vie quotidienne de tous ceux qui m’ont dit avoir compris l’importance et les enjeux autour du Vivant.

Comprendre l’existence des êtres vivants non-humains via les sons de la nature est une chose. Intégrer cette perception nouvelle à une réflexion sur notre place au sein de ce monde en est une autre. Mais on peut légitimement imaginer que certains d’entre eux ont réfléchi à leurs modes de consommation, aux plantes qu’ils choisissaient, à la forme de leur jardin… Quelques-uns ont peut-être renoncé à tondre, installé des nichoirs, conservé un arbre mort, choisi une lessive écolo,…

Écouter les sons de la biodiversité

On peut compter les espèces et les variétés, les mesurer et les classer. Marc Namblard les écoute et les sons de la nature sont variables d’un espace à l’autre. Dans le temps, il peut témoigner des changements : certaines espèces disparaissent, d’autres se déplacent, quelques-unes dominent nettement, laissant apparaître les déséquilibres des écosystèmes.

Les sons de la nature sont mieux équilibrés dans les zones protégées

Marc Namblard : J’entends la richesse ou la pauvreté de chaque écosystème dans mon casque. J’ai vu s’accroître la présence du rouge-gorge ou du renard de façon parfois un peu inquiétante, car d’autre disparaissent à côté. Ce qui est certain, c’est que lorsque je travaille dans des zones protégées, j’entends de meilleurs équilibres.

“Les aires protégées contribuent directement à la lutte contre l’érosion de la biodiversité et le changement climatique. Leur développement est fondamental pour préserver la nature et inventer de nouvelles manières de vivre avec elle. En France métropolitaine et dans les territoires d’outre-mer, la surface totale des aires protégées représente 33 % du territoire national et de nos espaces maritimes sous juridiction et souveraineté.” ecologie.gouv.fr

Marc Namblard et les sons de la nature
©Jean-François Hamard

Écouter le paysage

Marc Namblard : Le mot soundscape a été créé par un chercheur et musicien canadien, Raymond Murray Schaferet. Il a été traduit en français par paysage sonore. C’est une traduction dont le sens est un peu ambigu. Il peut désigner l’ensemble des manifestations sonores dans un espace délimité. On nomme aussi comme ça l’enveloppe sonore qui entoure chaque individu au quotidien et avec laquelle il est en relation.

Pour moi, un paysage, c’est une représentation de l’environnement complètement liée à notre perception et à notre sensibilité, donc à notre histoire individuelle et collective. Nous façonnons donc nos paysages sonores comme nous façonnons nos paysages visuels.

Marc Namblard et les sons de la nature
©Jean-François Hamard
À l'écoute du vivant - Marc Namblard

À l’écoute du vivant
Marc Namblard
Les petites conférences
Bayard éditions
120 p. – Paru le 11/01//2023
12,90 €

Merci à Jean-François Hamard, photographe, de nous avoir autorisés à utiliser ses photos.

Le son est une onde produite par la vibration mécanique d’un support fluide ou solide et propagée grâce à l’élasticité du milieu environnant sous forme d’« ondes longitudinales ». Pour être perçue par l’homme, cette vibration doit avoir une fréquence comprise entre 20 et 20 000 hertz. En outre, son énergie doit se situer entre le seuil (minimum) d’audibilité et le seuil maximum, dit seuil de la douleur. Ces seuils sont variables suivant la fréquence. Le son se propage dans l’air à une vitesse d’environ 340 mètres/seconde. Mais cette vitesse varie en fonction de la pression, de la température et de l’hygrométrie de l’air.

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